S.W.Y.N ¤ Someone Wants You Nuts ¤
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 Il pleut, il pleut, bergère

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Tao Lyngheid
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Tao Lyngheid



 
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MessageSujet: Re: Il pleut, il pleut, bergère   Il pleut, il pleut, bergère EmptyLun 7 Juin - 3:05

Tao avait hiberné. Et le jour, et la nuit, sa tête était demeurée ensevelie sous ses draps. Un scaphandrier en suspension aux tréfonds d'un océan noir. Il n'avait vraiment rouvert les yeux que lorsque les aiguilles glaciales de la douche lui étaient tombées dessus. Ce matin-là, il avait mangé. Mais pas autant qu'il l'aurait cru. Son estomac forcé à l'abstinence pendant la vingtaine d'heures passées à se remettre de Mani s'était fait précieux, se satisfaisant de fruits et boudant les gaufres. Tao aurait voulu les gaufres. Il avait tenté les gaufres, mais s'était rapidement incliné face aux hauts-le-cœur, repoussant l'assiette, à contre-cœur, et repartant avec une orange, une banane et une pomme.

Une fois de plus, sa thèse était vouée à passer la journée à se languir sous le matelas. Personne ne voulait d'elle. Elle avait beau se tortiller dans tous les sens en s'écartant les feuilles, rien n'y faisait. Elle avait vu son Tao partir, nonchalant, ses mains rangées dans les poches de son jean usé, délavé, les lacets de ses sneakers à peine noués... Gamin, va! Lui avait-elle sifflé en tendant tout de même un rouleau de parchemin pour attraper son tee-shirt, ou sa ceinture. Elle avait manqué son coup et Tao s'en était allé en s'enfonçant un truc sur la tête. Sans doute son bonnet d'âne, avait songé la furie en imaginant au sombre couvre-chef de longues oreilles tombantes. T'as encore oublié ta montre, imbécile! Il avait haussé les épaules.

Il passa la journée à l'infirmerie, à y distribuer les sourires de sa réserve réapprovisionnée. Serein, il alla d'un lit à l'autre en faisant montre d'une efficacité exemplaire. Même l'irréprochable binoclard futur grand médicomage de ce monde ne sut déceler quelque faute à braire haut et fort. Tao vaquait, intouchable, à ses tâches, renouvelant sa bonne humeur à chaque nouveau visage. Prochain dossier sous les yeux, il contourna le paravent et y retrouva sa jolie blonde. Lunettes sur le nez, un énorme bouquin posés sur ses genoux, elle semblait plongée dans une intense lecture. Précautionneusement, se penchant sur le côté en espérant attraper son regard sans trop la surprendre, il s'avança. Et comme il allait la saluer, elle soupira en refermant son livre, et sursauta de le voir.

- Excuse-moi, fit un Tao à la fois désolé et amusé, qu'est-ce que tu lisais?
Elle retira ses lunettes et les posa sur la table de chevet, près du roman.
- C'est rien... Je... Je suis contente de te voir. Mais euhm, mon livre c'est... Un truc moldu, en fait... Ma grand-mère est moldue, elle m'envoie toujours des boîtes de bouquins. Celui-là c'est le quatrième tome d'une série de policiers... Les Roses. Tu connais?
Assis sur le bord du matelas, Tao fit signe que non en secouant la tête et jeta un furtif coup d'œil au parchemin qu'il avait entre ses mains, pour y relire le nom de la miss.
- Faut pas se fier au titre... Tu lis beaucoup?
- À peu près pas. avoua-t-il.

Et elle rit, croyant peut-être à une plaisanterie. Il lui apprit qu'elle devait avoir son congé aujourd'hui, si tout allait bien. Et tout allait bien. Elle pouvait marcher et ses autres blessures superficielles avaient pour la plupart disparues. Tao lui remit ses vêtements, la salua et, alors qu'il s'apprêtait à sortir de l'infirmerie, sa journée y étant terminée, elle le rattrapa. Ils marchèrent ensemble jusqu'à la Grande Salle. Il lui porta sa pile de romans.

- T'es blessé?
- Non, comment ça?
- Ta façon de marcher...

Ah ça, lui expliqua-t-il, ce n'était rien. Il avait buté contre la patte d'une table, pieds nus, et s'était un peu amoché l'orteil, rien de grave. Tout en inventant son histoire au fur et à mesure qu'ils avançaient, il songea qu'il aurait dû en profiter, à l'infirmerie, pour en finir avec la coupure qui lui interrompait toujours sa ligne de vie de plante de pied. Il devait lui rester de la pommade, dans son sac de lutins, mais il devrait d'abord retrouver le sac en question. Cela dit, Tao, dans le moment, se contenta de corriger sa démarche et de sourire, comme un pro.

Megan lui offrit de manger avec elle et il accepta. Ils se greffèrent à un petit groupe de Plumentines qui discutaient politique. Tao ne les connaissait pour la plupart que de vue. Un peu trop intellos pour lui, il les découvrait, cependant, bien moins coincés et snobs qu'il l'avait d'abord cru. Il s'étonna à discuter de façon tout à fait intelligible, après qu'on l'eut aimablement accueilli au sein de la bande. Il arriva même à les entretenir, et les intéresser, assez longuement sur la division de la Tchécoslovaquie et les répercussions au niveau de la politique sorcière actuelle, etc. Subtilement, en glissant une plaisanterie, il parvint à faire dévier le sujet lorsqu'il sentit qu'il manquerait de matière pour alimenter son discours. L'un d'eux alla jusqu'à lui avouer, à la blague, qu'il s'était déjà demandé qui était l'aîné des deux Lyngheid. Tao ne sut trop s'il devait en rire, mais il se convertit finalement en joignant sa voix à celles de autres. En fin de compte, les sympathiques intellos l'invitèrent à sortir avec eux, en soirée. Ils comptaient aller prendre une ou deux bièraubeurres à la Pimentine, pour finir au Corn Flex, plus tard.

- Bièraubeurre, hein? Bah... Ouais! Pourquoi pas...

Un rendez-vous avait été fixé, ils se rejoindraient tous, une heure plus tard, dans le hall. Et une heure et treize minutes plus tard, Tao les retrouva tel que prévu. Excepté que Megan n'y était pas. Les deux autres filles aux cheveux sagement domptés s'étaient transformées en bombes à jupe courte et à jean moulant. L'une d'elles vint à sa rencontre et lui expliqua que Meg était vraiment désolée de ne pas être venue, mais qu'elle était trop fatiguée, finalement. Elle traînerait sûrement à la bibliothèque, le lendemain. S'il voudrait passer la voir, il saurait où la trouver. Devinant la déception sur le visage de Tao, la séduisante rouquine le prit par le bras et l'entraîna vers les autres, les messieurs. Ils avaient abandonné leurs lunettes et leurs vestons, les troquant pour des chemises aux cols déboutonnés ou ouvertes sur leur gilet. Ils avaient muté en... d'élégants gringalets, pendant ce temps que Tao avait passé à décrire Megan à ses potes, pour justifier qu'il avait préféré une bande de cerveaux à eux pour la soirée. Ah et, il avait ajouté une épaisseur. Un pull, léger, par-dessus son tee-shirt noir. Juste pour dire...

- Ça te va bien, le rouge.

La Pimentine, sous la pluie. La demoiselle aux boucles cuivrées cascadant jusqu'au milieu de son dos y pénétra la première, au pas de course, en riant. Suivirent ses cinq camarades, tous aussi trempés les uns que les autres, puis Tao, mains dans les poches, fin sourire aux lèvres. Il avait traîné derrière. Si ça n'avait été que de lui, il serait demeuré sous cette averse chaude.
La rousse avait apparemment été la seule à repérer Mani, et l'avait indiquée à sa complice d'un signe de tête, avant de fièrement l'ignorer.
Les cerveaux s'installèrent à une table au fond du pub et se mirent à sécher leurs vêtements à l'aide de leurs baguettes. Tao se porta volontaire pour passer la commande et se dirigea vers le bar après avoir collecter les poignées de monnaie qu'on lui tendit, laissant le groupe à son séchage. On lui avait donné bien plus que nécessaire. Surprenant, venant de leur part. Mais enfin, il ne s'en plaindrait pas, ça lui donna plutôt une idée.

- Salut, qu'il fit délibérément à l'adresse de la serveuse et non du serveur, tout en s'accoudant au comptoir. C'est assez, pour une bouteille de pur feu?

Non. Ce n'était pas assez. Alors il lui sortit son plus beau sourire en plantant ses yeux trop bleus dans les siens.

- Tu peux m'en passer une déjà entamée, alors?

Il repartit avec une bouteille presque pleine et des verres empilés les uns sur les autres. Les cerveaux eurent l'air un peu surpris en voyant la bouteille atterrir sur la table, mais il suffit que l'un d'eux, en l'occurrence boucles de bronze, clame que c'était un bon choix pour qu'ils s'enthousiasment à l'idée de se brûler la gorge avec le whisky. Tao, incapable de ne pas rire, les servit puis les imita en levant son verre. Ils trinquèrent à monsieur Ogden.

Et... Mani? Quelle Mani? Celle à qui il adressa un clin d'œil? Ah non, ce devait être une autre. Il n'y avait pas de Mani ici. Juste un nuage gris... Ce n'était qu'une averse après tout, ça passerait.
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Tao Lyngheid
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MessageSujet: Re: Il pleut, il pleut, bergère   Il pleut, il pleut, bergère EmptyLun 7 Juin - 21:23

Et voilà que... Marc? Marco? Non, Max plutôt... Ou alors... Max Marco? Marco Max? Monsieur Marc? Marc... Omax. Ah ouais, peut-être, c'est un fichu drôle de nom, alors disons Vert, parce qu'il avait une chemise vraiment verte. Vert s'était mis à leur raconter l'histoire du Pur Feu, et ils écoutaient. Tao le regardait s'activer la mâchoire en songeant à autre chose, plutôt attentif à ce qui se passait au bar. Il se resservit un verre, étant le seul à en avoir avalé la totalité en hommage à ce Ogden et son vieux whisky. Pourtant il y avait cru, à leur pseudo-enthousiasme. N'avaient-ils gaiement levé le coude, tous? Oui! Alors pourquoi, en le rabaissant, avaient-ils si timidement porté l'alcool à leurs lèvres? Ils ne le sirotaient pas, ils le suçotaient, littéralement, comme les suçoteux de jus de cerveau qu'ils étaient. Mais Tao tenait bon, pour la cause, et parce qu'il essayait de se convaincre, se faisant, qu'il y croyait vraiment. Que ce coup n'était pas complètement manqué, que la rousse était aussi bien que... comment déjà? Melanie? Melissa? Me...gan. Ouais, Megan.

Enfin! Je t'attendais, manqua-t-il lancer au messager lorsqu'il feignit se surprendre à le voir débarquer à sa table. Le type avait l'air incertain, comme un type qui se serait fait demandé, plutôt commandé, par la fille qu'il s'épuisait à séduire, de livrer un message à un autre type qui lui était totalement inconnu. Un pauvre type, en somme. Tao joua celui qui n'y voyait rien d'anormal et, au contraire, accueillit l'imbécile avec un large sourire, en ouvrant les bras.

- Hey! Vous êtes l'oncle de Manuela!
- Manuela? Euh, non...
- Sérieux? Désolé c'est que, vous lui ressemblez vraiment, c'est... Wow.

Et le pigeon voyageur lui expliqua que Manuela, puisqu'il apprit que c'était son prénom, lui faisait parvenir une serviette pliée en quatre. Très aimable, remarqua Tao et s'essuyant la bouche avec. Le volatile s'empressa de préciser qu'elle y avait noté quelque chose. Ah!

- Et qu'est-ce qu'elle a écrit, dessus? demanda Tao sur le ton de la confidence.
Pincement de lèvres, vif haussement d'épaules, et l'autre répondait, sur ce ton vaguement irrité.
- Je sais pas, moi...
Tao fit celui qui ignorait que le faux oncle n'était vraiment que le messager, et s'excusa d'une moue désolée.

Il déplia le papier, lu, et le replia soigneusement. Il maintint sa tête baissée un moment, la bouche appuyée sur ses mains jointes qui serraient le mot de Mani. Et il leva lentement les yeux vers elle. De longues secondes il la contempla sans cligner des paupières. Si ça n'avait été de sa tête de cannibale, on aurait pu croire à une petite fermière égarée. On pourrait en faire une histoire pour adultes. Un bon samaritain lui offre de la raccompagner chez elle, la camionnette tombe en panne et... Bing bang. Il la répare. Ils repartent, la camionnette meurt, comme les camionnettes moldues savent si bien le faire, n'en doutons pas, et alors... Bing bang à nouveau, dans le chargement de foin à l'arrière, cette fois.
Tao soupira et démordit de la fermière en se rappelant que le pigeon attendait ses miettes.

- Elle est quelque chose, la Manuela, n'est-ce pas... N'accordant pas au facteur le temps de décider s'il devait acquiescer ou quoi, il poursuivit. Faudrait que je lui réponde...

Vert avait interrompu son cours d'histoire. On s'intéressait plutôt à ce qui se passait de l'autre côté de la table. Sous la crinière rousse, des serpents commençaient à s'agiter, bien que la tête sous les cheveux s'efforçait de n'en rien laisser paraître.

- Vous auriez pas de quoi écrire?

Évidemment, on lui tendit au moins huit plumes de poche. Un peu plus parce que certains des messieurs en possédaient au moins deux chacun. Tao en choisit une de Vert, parce qu'il s'était tellement empressé de la lui tendre qu'il avait manqué lui crevé un œil.
Il hésita, faisant mine de chercher ses mots, puis se pencha sur la serviette de Mani, déchira le bout sur lequel elle avait écrit, et griffonna à son tour.
Il rendit la serviette repliée au messager qui avait sagement attendu et qui repartit aussitôt pour sa prochaine livraison.

- Tu la connais?

Vert, à la demande de Bleu, reprit son exposé là où il s'était arrêté. Le petit couple, qui connaissait probablement déjà l'historique dont il était question, se mirent à discuter ensemble. Tao se réduit à puiser dans une longue gorgée du liquide ambré les onces de patience qui commençaient à lui faire défaut, avant de répondre, son air dégagé retrouvé.

- Qui? Mani? Il haussa les épaules. Pas tellement. Je plaisantais...
- Tu dois être sur sa liste.
Il haussa encore les épaules.
- Tu crois?

Ravie, la rousse se lança dans une diatribe contre la Leverenz. Elle lui concéda un certain talent pour la séduction, mais en vint rapidement à la comparer à une prostituée. Tao fronça un sourcil. Elle lui fit une énumération commentée des conquêtes de Mani, tout en précisant qu'elle en manquait sans doute une dizaine, sinon une vingtaine. Tao lâchait parfois des « ah » ou des « mmhmm » pour l'encourager à continuer de parler toute seule. Assez tôt, en effet, il avait cessé de l'écouter. Non seulement ce genre de cancan de filles ne l'intéressait pas, mais surtout, il se demandait pourquoi elle n'allait tout simplement pas le lui dire à elle, à Mani, combien ça la faisait chier de se sentir laide quand elle la voyait sortir avec tous ces gars dont elle s'était cru amoureuse à un moment ou un autre...

- En tous cas, comme ça tu sauras à qui tu as à faire, avant de te laisser prendre dans ses filets.
- Oui, c'est sûr.
Elle le regarda comme si des cornes venaient de lui pousser sur le front et il lui remplit son verre en souriant.

« Je suis leur berger. Je leur ai promis de la bonne herbe à brouter s'ils rédigent ma thèse.
p.s. Et elle est de quelle couleur, cette petite culotte? »
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MessageSujet: Re: Il pleut, il pleut, bergère   Il pleut, il pleut, bergère EmptyMar 8 Juin - 5:43

Ce qu'il aurait aimé pouvoir entendre ce qu'ils disaient. Si seulement ce type à l'université avait accepté de lui vendre sa cape d'invisibilité. Il en aurait fait bon usage. Plus que bon usage, même. Il en aurait abusé. Et si seulement ce type à l'université la lui avait refilée, sa fichue cape, il n'aurait eut qu'à faire une halte aux toilettes pour disparaître, réellement disparaître, et s'approcher du bar, et écouter, et se réjouir de l'effet de son petit manège. Sa thèse avait raison, elle avait un gamin pour auteur. Mais ce gamin n'avait que faire qu'on le traite de gamin, de fantasque et turbulent petit con ou de quoi que ce soit d'autre. Parce que d'abord on n'aurait pas eu tord, excepté qu'il n'était pas petit, il était grand. Avec sa cape d'invisibilité, Tao aurait tout entendu et, plus tard, il aurait vérifié si Mani se cassait vraiment des bras dans les douches avec ses copains.
Tête inclinée, il essayait de mieux voir ce qui se passait plus loin, au pays de la marquise. Le buffet lui plaisait-il toujours? La rousse, elle, roulait plutôt des yeux de le voir, agacée. Cette Mani hein, elle avait le don de lui pourrir sa vie déjà assez chiante, on s'en doute. Et on s'en fout!
Elle soupira, mais Tao n'eut aucune réaction, trop occupé à ricaner tout seul, bouche entrouverte comme un imbécile. Un bel imbécile, hélas. Elle passa donc à la deuxième étape et se racla bruyamment la gorge. Tao se redressa et la considéra innocemment, bien qu'un peu surpris de voir son air d'institutrice frustrée.

- Quoi?

Ouais, quoi. C'était bien beau jouer les intellos, les gentils et patients garçons, mais pas trop longtemps. Elle aurait voulu qu'il lui mette la main sur la jambe aussi? Très bien. Il s'exécuta en automate et s'en remit à l'oncle Leverenz. Il tentait toujours sa chance, le vilain monsieur, ça se voyait à son sourire de plastique.

- Tao...
- Mais c'est drôle! Ça t'amuse pas, toi, ce type qui fait le hibou?

Elle fit un effort, tenta de lui laisser entendre qu'il avait raison, que c'était plutôt amusant, cette histoire de messages, et lui prit le bras et lui adressant un joli sourire.

- Qu'est-ce qu'il y avait d'écrit, au fait, sur la serviette de Mani?

Tao retira sa main, s'en servit pour boire et profita du sursis accordé par le whisky pour réfléchir. Il avait intérêt à se montrer un peu plus gentil, s'il voulait que la rousse lui montre la couleur de sa petite culotte, tout à l'heure, alors il trouva un moyen d'éviter la question. Il posa son verre et approcha son autre main, dans laquelle il tenait le bout de papier chiffonné, comme s'il allait le lui montrer. Et il se trouva qu'au moment de desserrer les doigts pour que Rousse puisse profiter de la plume de Mani, son verre pas tout à fait vide était juste en-dessous. L'encre noir s'y dissipa en un rien de temps. Tao ouvrit de grands yeux désolés.

- C'est pas grave, tu peux me le dire... fit-elle en battant nerveusement des cils.

Elle avait raison. Il chercha l'inspiration pour une esquive et ne la dénicha pas au bar. Au contraire, il y rencontra de quoi le distraire. Mani s'était penchée vers son oncle comme si elle lui confiait un truc grave. Et pas qu'un peu grave, s'il se fiait à la tête que l'homme afficha juste après. La voisine de Tao dut à nouveau l'interpeller pour qu'il décroche.

- Ça disait, ça disait... Tao Lyngheid, t'es le prochain numéro sur ma liste.
- Et t'as répondu quoi?
- Toi t'es le dernier.

Elle rit. C'était bon signe, à moins qu'elle n'ait feint. Dans ce cas, ce serait tant pis pour elle. Tao préféra croire qu'elle avait cru à son invention. Elle changea de sujet, de toute façon, et lui demanda de quelle origine était son nom de famille. Il répondit sans faire montre d'un grand intérêt pour la matière. Habile, elle enchaîna les questions, apparemment très intéressée par ses histoires de nationalité. Elle dit qu'elle aimerait aller en Norvège, un de ces jours. C'est comment? Contrasté. Qu'est-ce que tu veux dire? Le climat est... contrasté. Et tu parles le norvégien, c'est ça? C'est ça. Dis quelque chose! Il fit la sourde oreille et sourit à son sauveur qui revenait enfin vers eux, abandonnant avec enthousiasme boucle de cuivre à la Norvège. Il se chargea de la serviette sans se faire prier, mais ne la déplia pas de suite.

- Alors?
Tao se pencha pour attraper le regard du monsieur, qui s'obstinait à s'intéresser au mur.
- Ça va, elle fait pas trop chier?
Il voulait savoir ce qui s'était dit, mais sans que l'autre comprenne qu'il n'avait pas la moindre idée de ce qui se discutait entre Mani et lui.
- C'est plutôt vous, le rigolo, non? C'est Mani, son prénom. Elle me l'a dit.
- T'as raison, commença Tao, le rire au coin des lèvres, je savais que ça l'agacerait. Je voulais pas vous déranger... J'avoue avoir profité de... De la situation, disons. Désolé.
Ce qu'il pouvait se montrer sincère, quand il se mettait sérieusement au mensonge!
Le type hésitait. Une question lui brûlait la langue, c'était évident. Tao porta son whisky à ses lèvres, comme si de rien.
- Ça... ça ne te dérange vraiment pas, alors? l'interrogea-t-il en rose.
De quoi il parlait... Tao haussa les épaules en secouant la tête, cloua son sourire sur son visage.
- Mais non! Pourquoi ça me dérangerait?
- C'est vrai que c'est qu'une aventure... En fait, je vous envie, tous les deux.
- Ouais, on est trop bien...
La rousse ne masquait pas sa confusion, mais on aurait pu croire au dégoût, en voyant sa tête.
- Moi, ma femme... Enfin, ça ne risque pas d'arriver. Elle m'aime trop pour me partager, qu'elle dit.

Oh Mani! Mani, Mani!

- Pas de chance. On dit que la perfection n'est pas de ce monde, que veux-tu...

Ils grimpèrent sur la table et se martelèrent les pectoraux de leurs poings pour affirmer leur virilité : ils rirent en chœur. Un peu plus et ils s'envoyaient des claques dans le dos.
Tao poursuivit, on ne peut plus de bonne humeur.

- Alors, alors, voyons voir ce que chérie a écrit...

La missive lui rappela la présence de sa voisine, mais il ne suivit pas les recommandations de Mani. Cette fois, sans prendre la peine de déchirer la serviette, il répondit. Oublie ça. Je le sais déjà, en vrai. Mais tu me dois quelque chose, tu te souviens? Parce que j'ai gagné. Avant de te dire ce que je veux, j'aimerais avoir ton avis. Toi, ma chérie, tu ferais quoi d'une Mani, à ma place? Hormis l'épouser.
Il rendit la serviette prête à retourner à l'envoyeur.

- T'arrives au bout de tes peines, j'crois...

Ils échangèrent un regard complice et dès que le messager eut tourné le dos, le sourire de Tao s'estompa quelque peu. Il guetta le visage de Mani, prêt à y interpréter le premier brouillon de réponse.
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MessageSujet: Re: Il pleut, il pleut, bergère   Il pleut, il pleut, bergère EmptyMar 8 Juin - 15:46

Tao était assis devant un jeu d'échecs. À côté de lui il y avait une rousse qui lui tirait sur le bras en le suppliant d'arrêter. Elle était belle et plus intelligente que lui, mais ça, il préférait l'ignorer. Plus patiente qu'on aurait pu le croire, elle persistait à lui vouloir du bien. De ce bien qu'il aurait également désiré s'il avait donné à sa rousse la chance de lui montrer qu'elle avait un joli décolleté, elle aussi, et qu'elle n'avait pas déboutonné une agrafe de plus, tout à l'heure devant son miroir, sans raison. Elle persistait à s'accrocher parce qu'elle se croyait seule. Ses copains Vert et Bleu ne lui plaisaient pas, elle les trouvait ennuyants et moches. Quant au petit couple que formait sa copine avec l'autre binoclard en congé de lunettes, mais binoclard tout de même, elle doutait fortement qu'ils soient intéressés à partager leurs couvertures avec elle. C'est dire s'ils n'avaient pas déjà pensé au prénom de leur futur premier enfant et à la couleur de sa chambre. Et puis, elle s'imaginait mal ramasser un gaillard de la place. Elle n'en avait aucunement l'envie, et aucunement le cran. Alors elle persistait. À lui dire des choses qu'il n'entendait pas, à le secouer comme un pantin qui aurait perdu ses cordes entre les mains d'une Mani, comme un garçon, avec les cheveux longs, et un gros vide dans ce qui lui servait de caboche; un ballon dégonflé. Il ne rebondirait pas.

Tao savait assez mal jouer aux échecs. Constamment, il devait fournir un effort mental supplémentaire pour d'abord se rappeler les déplacements des pièces avant de jouer. Il s'était peut-être trompé, une fois ou deux, mais qu'est-ce qu'il en savait. Même s'il aurait su... Il n'aimait pas jouer aux échecs, en vérité. Trop compliqué, trop engageant. Quand on perdait, on perdait trop. C'était blanc ou noir. Il fallait être sûr de gagner, pour engager le premier pion. Il ne manquait pas d'assurance, car il ne manquait pas d'ignorance, quand il s'y mettait, gaspillant toute sa petite sagesse en réflexions techniques, de l'ordre de la stratégie. Mais ce qu'il lui manquait, c'était peut-être une conscience. Elle était bien là, sous sa perruque rousse, à vainement lui tirer les cheveux pour se faire entendre, mais il avait perdu l'ouïe. Il n'avait pas entendu, tout à l'heure, quand elle avait tenté de lui faire entendre qu'il détestait, ces jeux-là. Mais elle réussit, malgré le silence que Tao voyait lui sortir de la bouche, à lui faire enlever son pull. Comme une maman. Mais une maman Wendy Darling qu'on a le droit d'avoir envie d'amener dans sa cabane. La rousse ne baissait les bras, mais en attendant que Tao manque de poussière de fée, elle les occupait à faire ce qu'il avait omit de faire, sécher son linge. Seulement, en se débarrassant d'une épaisseur, son bonnet d'âne n'avait pas tenu et était tombé par terre. Ni vu ni connu, glissé sous une table au coup de chaussure du premier passant. Et Mani revenait des toilettes en même temps.

Ils parlaient trop longtemps, et elle avait l'air trop à son aise. Il aurait pu crier à l'injustice, après tout, c'était elle la spécialiste de son domaine. Les masques, les costumes, tout le flafla qui ne lui disait absolument rien, à lui. Tao essayerait de sa maquiller tout seul et il aurait l'air d'un clown méchant, ou triste. Ou juste raté. Un fou. Mani était la reine. C'était presque trop facile, pour elle. Parce qu'elle s'obstinait à conserver ses règles. Autrement elle renonçait, il le saurait bientôt.
À voir la façon dont le hibou virevoltait joyeusement vers lui, il ne rendit évidemment pas son sourire à Mani. Et fut loin d'accueillir le pion à bras ouverts, cette fois. Sans attendre il déplia le mot et le lu. Il fronça les sourcils en voyant le hibou retourner vers sa maitresse avant qu'il ne l'eut chargé d'une réponse. Mais en se penchant à nouveau sur la serviette, il se demanda si ça valait vraiment le coup de répliquer à ça. Encore des menaces, c'est tout ce qu'elle avait, de cacher sous sa robe.

- Je peux voir?
Avec plaisir. Il lui tendit le mot sans hésiter.
- Comment ça, elle n'était pas dans son état normal? Elle parle de quand? De qui?
Bras croisés, adossé dans sa chaise qu'il faisait pencher vers l'arrière, Tao fixait le bar, songeur. Il répondit sans en détourner son attention.
- D'elle. L'autre soir.
- Tu la connais ou pas, alors? Pourquoi t'as dit que tu ne la connaissais pas tellement?
- Je la connais pas. faisant face à la rousse. Tu veux pas aller ailleurs? Y'a une place bien, pas trop loin...
- Le Corn Flex?
- Non.

Elle ferait un détour aux toilettes, d'abord. Tao ne l'attendit pas pour se lever. Sans oublier d'oublier son pull sur la chaise de la rousse et son bonnet d'âne sans oreilles quelque part, il prit sur lui de livrer son dernier message, et rejoint Mani et son hibou au bar. Il s'accouda entre les deux en tournant le dos au gros poisson de la dragonne. Le décolleté de la bergère tout juste sous le nez, il ne se gêna pas pour y plonger les yeux. Il remonta cela dit rapidement à la surface, fin sourire aux lèvres. Il lui parla près de l'oreille, mais ne prit pas la peine de chuchoter. Que l'autre entende ou pas, il n' en avait que faire.

- Pas étonnant de voir le genre de crétins que tu pêches, avec des règles pareilles... Y'a que toi et des cons qui n'en ont qu'après tes fesses, pour vouloir jouer. Des maris en manque qui vont faire passer leur frustration sous ta robe... On se lasse vite. Au moins, je saurai, maintenant.

Il éloigna son visage de ses cheveux, pour la regarder en face, et entrouvrit les lèvres mais avant de parler, échappa une amorce de rire.

- J'allais te demander de quoi t'avais si peur, pour sortir tes menaces. Puis j'ai cru que ça faisait peut-être partie de ton jeu, que j'étais censé te répondre que je ne craignais pas le feu seulement, je crois pas que t'en ai, de feu. T'as pas grand chose à part ton décolleté. Du coup, je vois pas l'intérêt de continuer. J'ai rien à craindre et... Peu à gagner.

Il repartit sans regarder le hibou. Il l'avait complètement oublié, à vrai dire. Comme la rousse qui retouchait son maquillage devant la glace. Il ouvrit la porte de la Pimentine. Dehors, il pleuvait à verse. D'épais nuages noirs se désagrégeaient en de lourdes perles qui coursaient droit vers le sol. Tao ne se fit pas prier pour sortir. Porté par les flots, il finirait sûrement par s'échouer sur cette berge au sable fin et doux à nouveau. Mains dans les poches, il marcha d'un pas lent, le menton levé vers l'océan qui lui tombait dessus. Si la rousse le rattrapait dans de telles conditions, c'est qu'il s'était peut-être trompée à son sujet.
Et Mani? Qu'elle s'étouffe avec une arête... N'était-ce pas ce qu'elle cherchait, de toute façon.
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MessageSujet: Re: Il pleut, il pleut, bergère   Il pleut, il pleut, bergère EmptyMer 9 Juin - 4:28

- RIEN À FOUTRE DE TA PETITE CULOTTE, MANI LEVERENZ!

Le silence de la pluie avait refermé la porte du pub, et le grondement de Tao s'était dispersé dans la rue. Aucun passant pour l'entendre. Juste de l'eau, qui avait imbibé ses vêtements et faisait frémir chaque parcelle de sa peau. Il demeura planté au beau milieu du chemin, poings serrés de chaque côté de son corps. Tremblant, pas de froid, juste de...

Pourquoi être venue laver sa jolie robe sous la pluie. Pourquoi ne pas l'avoir laissé disparaître. C'est ce qu'elle voulait. Elle voulait continuer de jouer avec ceux qui la laissait gagner à tous les coups. Ceux qui savaient jouer. Il ne savait pas. N'y arrivait pas, et n'y arriverait pas plus même s'il le souhaitait ardemment. La preuve : son silence. La honte passait toujours. Mais se retrouver là, seul avec l'écho de la voix de Mani qui se répercutait sans cesse entre ses deux oreilles, était à la limite du supportable. Ses contradictions se joignirent au vacarme, vinrent le narguer, comme des mauvais souvenirs. Il s'en éloigna, se retrouva de l'autre côté de la voie, devant la vitrine noire d'une boutique de fringues.

Sa tête se reflétait à la hauteur du ventre d'un mannequin portant une longue robe rouge. Ses cheveux lui collaient dessus, léchaient ses épaules et son visage. Il dégagea son front, se pencha vers lui-même puis, à deux mains, lissa ses longues mèches brunes pour les faire disparaître sur sa nuque. Ce visage, ce beau visage que les rides épargnaient encore, que la génétique avait pris soin de polir finement, d'harmoniser, de creuser, d'ourler, de colorer... Tao eut un haut-le-cœur. Il libéra sa chevelure, plaqua ses paumes sur la vitre et vomit à ses pieds le peu qu'il lui restait dans l'estomac. Il entendit son nom résonner derrière lui. La dragonne, la vraie, avec les écailles rousses. Sans se retourner, il lui envoya un doigt d'honneur et termina de souiller le trottoir, que la pluie prit soin de nettoyer juste après. La Pimentine se tut à nouveau.

Tao essuya sa bouche sur son bras et leva la tête pour avaler des gouttes de nuages. Pas de lune, ce soir. Juste des gros tas de gris. Pas de lune, ce soir, Tao. Qu'est-ce qu'on fait? On ne fait rien. On attend, parce qu'on est fichu. Tao Lyngheid l'est. Il n'a pas d'esprit, juste beaucoup d'imagination et trop de doutes. Comprend toujours tout de travers. Parce qu'il se tient debout sur la tête. Il a gaspillé toutes ses larmes et sa rage trop tôt, trop vite, trop jeune. Après, ça fait un trou dans la cage là où il devait y avoir un oiseau. Ça lui apprendra, à voler des larmes et de la colère. Sa sœur lui crèvera dans les bras et il n'aura plus rien à pleurer. Il vomira encore, et on le pointera du doigt, mais il l'aura cherché.

Comment elle fait, Mani, pour être Mani? Comment elle fait pour éviter les coups? Comment elle fait pour avaler tout ce whisky? C'est une sorcière, mais pas que ça. C'est une succube, qu'on craint comme on convoite. Et une harpie, qui piétine sans remords tout ce dont elle a envie. Une sirène, aussi, qui te charme et te noie. C'est une dame, une fille, une méchante ou une gentille. Une dragonne, une licorne... Une tornade ou un oasis de paix. C'est comment? Contrasté. Comme la Norvège. Mani, c'est la Norvège... Il a cru en vouloir, mais c'est fini. Ou alors c'est l'Alaska. Une liste sans fin de possibles et de réponses qui cherchent des questions. Mani... Elle déborde de tout. La vie lui sort par les oreilles. À côté d'elle, Tao est un faux, une imitation... Le brouillon de quelque chose, tout au plus.

Assis par terre, le dos contre la brique suintante, Tao a étendu ses jambes devant lui sans craindre qu'il ne devrait les plier pour libérer le chemin à quiconque. Il faut qu'il recharge les batteries, une fois pour toutes. C'est elle, le problème. Elle lui prend tout dès qu'ils se retrouvent dans la même pièce. Un moyen de défense, peut-être. Sûrement. Ils sont incompatibles, de toute façon, alors à partir de maintenant, il n'aura qu'à éviter de partager son air. Elle s'en réjouira. Elle n'aura plus à lui répéter que cette soirée n'a jamais eu lieu. Qu'il a halluciné, autrement dit. Qu'il est dingue. Il aurait possiblement fini par la croire, de toute façon... Alors voilà, c'est dit, il n'a plus qu'à baisser les bras et ne plus chercher à comprendre le jeu. Jeter sa pioche et cesser de se demander ce qu'il y a derrière le mur.

Tu comprends pas, Tao! Va jouer ailleurs! C'est dur de marcher sur son orgueil. Et pire quand on est gosse. La première fois, on jette son balai par terre et on les envoie tous chier haut et fort, les gros cons. On prend sa petite sœur par la main et on se convainc que le reste du monde peut aller se pendre, qu'on en a rien à faire parce qu'on a une Lae pour nous rappeler qu'on est important. On se répète que le Quidditch est un sport pour les imbéciles. Et que ceux qui l'ont inventé avaient du temps à perdre. Puis, plus tard, quand on doit y retourner, parce qu'on est toujours qu'un gamin et qu'on a forcément des amis avec qui on a hâte d'aller jouer... On essaie de faire bien, au moins assez bien pour ne pas être celui qui fait perdre son équipe. Et si jamais... Tao! T'as toujours rien compris, ou quoi! Alors on fait le clown, on s'improvise voltigeur au risque de se casser en mille morceaux. Si on se casse, on rit, et si les autres se moquent, on s'en moque, et on recommence. Bien vite ils oublieront pourquoi ils riaient, ils se souviendront seulement avoir rit, avec toi.

Tao leva les yeux vers la Pimentine. De la pimentine... Il en aurait besoin, s'il restait encore longtemps sous la pluie, bien que le pire de l'averse semblait être passé. À l'intérieur, les cerveaux devaient toujours en être à leur premier verre de whisky, à moins qu'ils n'aient profité de l'évasion de Tao pour s'en remettre à leurs bièraubeurres. Ils devaient se dire qu'ils s'étaient trompés, à son sujet. Tant mieux, parce qu'effectivement, ils s'étaient trompés, et Tao aussi. Il se releva, ruisselant, son t-shirt l'enveloppant comme une deuxième peau, coincé dans son jean trop lourd, avec l'impression de marcher dans des éponges. Ce n'était pas aussi désagréable que ça en avait l'air, il suffisait de ne pas accuser un quelconque inconfort trop vite.
Il traversa la rue.
Mani, trident en main, prête à l'empaler.
Il poussa la porte.
Mani, en sous-vêtements bleus, flottant dans un verre de Pur Feu.
Il entra dans le bruit et l'air brumeux, trouva Mani de dos, cala le verre de son voisin et la prit de face, par l'épaule.

- Hey...

Par la nuque. Et plaqua sa bouche sur la sienne.
Hiboux, moutons, dragonnes... Envolés.

- J'avoue. C'est après tes cheveux, que j'en ai.

On s'en moque, et on recommence. Même si en bout de ligne, on ne sait plus trop pourquoi...
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MessageSujet: Re: Il pleut, il pleut, bergère   Il pleut, il pleut, bergère EmptyJeu 10 Juin - 4:19

Tao vola son perchoir au hibou, s'en fit un banc et y posa ses fesses trempées, rendant ses fils à Mani, pour un temps. Parce que c'est plus facile, quand quelqu'un décide pour soi. D'habitude ce n'était pas trop son truc, mais pour une fois... Après ce lavage de cerveau que lui avait fait subir la pluie, il pouvait, devait, s'accorder une pause. Ce tête-à-tête avec lui-même avait duré assez longtemps, il aurait la paix pour au moins une dizaine de jours, si tout se déroulait normalement. Tao poursuivrait la normalité sans relâche, s'il le fallait. Il n'aurait qu'à s'entourer de ces gens avec qui il fait bon ne pas avoir besoin de penser avant d'ouvrir la bouche, et jouer à l'étudiant encore un peu.

Il attrapa le carton de cigarettes et y entama la première étape de sa désintoxication à lui-même. Un bien fou que la tabac qui s'immisce entre les lèvres et qui glisse dans la gorge, empoisonne doucement. Encore et encore, entre deux gorgées de chocolat chaud. Du chocolat pour grands garçons nauséeux. Merci Mani.

- Mmhmm... J'sais.

Ou alors c'est le whisky qui ne voulait plus de son estomac. Peu importe. Cela dit l'estomac en question était une plaie, ces temps-ci. Les caprices de l'âge, peut-être? Tao commençait à se faire vieux. La preuve, l'université ne voudrait plus de lui, bientôt. Et un de ces jours, dans pas si longtemps, on le prendrait pour un vieux hibou marié en quête de chair fraîche. Il sourit dans sa tasse, tourné vers le comptoir. Il avait toujours le baiser dans la tête, et pas grand chose d'autre. Il avait dit qu'il ne l'embrasserait plus jamais. Jamais, jamais. Mais en fait, il était plutôt content de lui. Heureux de s'être surpris, heureux de ne pas s'en être tenu à ce qu'il avait dit. Peut-être qu'il avait surpris Mani, aussi. En plus, elle n'avait pas hésité à lui passer la main autour du cou.

Elle sembla bien sérieuse, tout d'un coup, voire pressée. Il ne prit pas la peine de se tourner vers elle, confortablement accoudé sur le comptoir, dos voûté. Il lui jeta un regard de biais, s'en remit à ses dernières bouffées de cigarettes et but encore quelques gorgées de chocolat chaud. L'envie de se dépenser en se vengeant sur Mani lui était passée. Ce n'était pas de la fatigue, mais davantage de la paresse, un relâchement. Il ne baissait pas les armes, il les laissait tomber. Ou alors il en adoptait d'autres, différentes, moins lourdes.

- J'en ai un peu marre, de tout ça... commença-t-il en portant sa tasse à ses lèvres.

Il s'alluma une nouvelle cigarette et renvoya son paquet à Mani. Des gestes lents, un débit sans presse.

- C'est trop. Marre d'être trop con pour être heureux, tu comprends? Non... Tu peux pas. Regarde-toi.

Il leva son menton vers elle en ricanant doucement. Clope au coin de la bouche, il pivota sur son siège pour faire face à Mani, la tête appuyée dans sa main, le corps qui penchait vers le bar.

- Une vraie... J'sais pas, genre... T'es Mani, quoi. T'es spéciale, c'est pas faux. Parce que tu le veux bien et... Te fâche pas on fait que discuter... mais, l'autre soir, je me suis dit que j'avais vu une Mani que peu de gens devaient avoir vue, tes proches peut-être. J'ai raison, pas vrai? Et ça m'a fait comme...

Il haussa les épaules, termina son breuvage, chercha ses mots dans l'étalage de bouteilles derrière le serveur.

- Me suis dit que t'étais pas que celle que je croyais que t'étais. Et ça a fait... Tout le truc. C'est ça qui t'as rendue spéciale, à mes yeux. Digne d'intérêt, si tu préfères... ajouta-t-il, goguenard, avant de poursuivre, retrouvant un certain sérieux et reportant son regard sur Mani. Mais on dirait que c'est ce qui te fait peur, chez toi et, je t'en ai voulu. Parce que contrairement à toi, je n'arrive pas à être les deux sans m'y perdre. ... Me croirait en thérapie... termina-t-il en marmonnant, avant de commander un autre chocolat, avec du gin.

Une tasse à nouveau pleine en main, il s'adossa au bar, fit face à la clientèle de la Pimentine, un public désintéressé. Son regard se fixa à la table des cerveaux. Et bien qu'il vit qu'ils le virent les regarder, il ne délogea pas, les voyant sans vraiment les voir... Demain, ils ne l'aimeraient pas. Ils devaient déjà avoir commencé, de toute façon. Ils le jugeraient et la rousse ajouterait une victime de plus à la liste de Mani, sans doute convaincue que le dénouement de la soirée de Tao qu'elle s'imaginait était inévitable. Mais qu'elle croit ce qu'elle veut, ne prenait même pas la peine de songer Tao. Il avait d'autres chats à fouetter. Du genre tigresse, du genre panthère. Avec un fouet en jujube. D'humeur à rire plus qu'à pleurer, désormais. Après la pluie, le beau le temps.

- Tu m'aimerais, si j'étais un fantôme? Tu voudrais d'un fantôme Tao à qui confier tes gros chagrins? On se raconterait des trucs pas propres...

Et hop, il revenait à son comptoir, achevait sa cigarette et débarrassait ses mains, pour confronter Mani, de front., de près. Avec son pied, il attira sans effort son banc contre le sien, et glissa ses doigts sous ses cheveux, sur son épaule, caressa sa joue du revers de son index, avant de le passer sur ses lèvres, et de l'appuyer sur son nez « Bip! », visiblement amusé.

- T'es belle quand t'es en colère et que ça te frustre de l'être... Quand t'es hors de ton contrôle...

Et que tu t'en prends aux chaises et aux tables et que tu déchires ton gilet en te roulant par terre, etc.
Il approcha sa bouche de son cou, respira un peu plus d'elle, empoignant sa hanche. Et lâcha un soupir, pour s'éloigner légèrement en expirant une portion du brouillard qui risquait de le tromper. Son sourire se dissipa avec. La proximité ne le gênant pas, il riva ses yeux aux siens, se fit insistant, pour appuyer ses mots.

- Honnêtement, tu préfèrerais que je fasse comme si je t'avais jamais lu la plante de pieds?

Il faisait dans les règles, maintenant? Il n'aurait su dire, carrément incapable d'en juger. Il devait toujours n'avoir rien pigé, d'où l'empressement de Mani d'en finir, probablement. Il aurait pu la comprendre, ou faire semblant, mais il ne se sentait pas encore la paresse d'abandonner. C'était peut-être la faute au chocolat, ou au gin, ou aux deux... Ou seulement que ça lui disait pas. Pas tout de suite.
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MessageSujet: Re: Il pleut, il pleut, bergère   Il pleut, il pleut, bergère EmptyVen 11 Juin - 4:57

Si lui réfléchissait trop, il lui sembla que Mani réfléchissait trop bien. Comme une calculatrice. Elle lui avait renvoyé des réponses qui se tenaient droites, enlignées les unes à côté des autres, au garde-à-vous, et Tao avait défilé devant elles, fasciné. Mani était leur chef de file, et elles obéissaient, enchaînaient les formations, toutes aussi solides les unes que les autres. Il avait cherché des failles, mais éprouvé d'abord du mal à en trouver. Ses raisonnements étaient logiques, et oui, ça avait quelque chose de surprenant. Il l'entendit lui expliquer ce qui lui était apparu comme des impasses, des labyrinthes, et elle les avait traversés avec aisance, se faufilant entre les mots, avec une assurance qu'il n'avait pas. Elle avait posé des diagnostics, lui expliquant Tao. Un Tao étendu sur le comptoir, et elle lui avait disséqué le cerveau. Regarde, c'est comme ça que ça fonctionne.

Il écouta, mais ne manqua pas de se soumettre à quelques distractions que lui inspirait cette Mani qui savait tout. Presque tout. Elle semblait convaincue de ses propres formules, et devait l'être, pour agir aussi rationnellement, selon la logique Mani. Elle était comme ça, et les hommes réagissaient comme ça. Point. Et maintenant il y avait Tao. Qui malgré l'originalité de sa démarche, n'en demeurait pas moins pourvu des mêmes intentions que le reste de sa horde. D'après elle. Mais il s'entêtait à en douter. Pour la contredire, évidemment, mais aussi parce qu'il avait besoin d'y croire. Il avait dit à Mani qu'elle était comme tout le monde, qu'elle était comme lui, mais en vérité, Tao, dans son amour-propre, se répétait qu'il était un modèle unique. Autrement, ça ne fonctionnerait pas, ça n'aurait aucune chance de fonctionner... La lune, tout ça. Ses belles conneries d'illuminé, il y tenait plus qu'à ses cheveux, mine de rien. Ça expliquait tout, mais sans rien expliciter de façon cohérente, comme les équations de Mani. Ils ne pouvaient pas s'entendre, c'était une évidence. Raison de plus, aux yeux de Tao, pour persister, aveuglément, au risque de devenir pot-de-colle. Aussi, ça ne semblait pas la retenir de l'embrasser.

- Je suis pas jaloux.

De tout ce qu'elle avait débité, il était resté accroché à ce reproche.

- Je peux pas l'être parce qu'on ne joue pas au même jeu et que je n'ai pas envie de jouer au tien. Si j'étais jaloux, je serais pas assis ici, je serais là... Pour réussir un coup de plus.

D'un coup de tête il indiqua le territoire occupé par la dragonne.
Contrairement à sa sœur, il ne croyait pas avoir grand chose à apprendre de Mani. Mais que Lae se plaise à traîner avec elle... Il ne s'arrêtait jamais trop longtemps à y penser. Lenaïg avait eu droit à un frère immature et peut-être un peu trop aimant, un père intermittent et une mère indigne, alors qu'elle aurait eu besoin de quelqu'un de plus enclin à faire ce que Mani faisait. La traiter comme une autre. Tant que ça ne semblerait pas la rendre malheureuse, il n'oserait pas s'imposer.

Quant à lui et les filles, les autres, il aurait pu s'opposer à ce qu'elle avait avancé, mais elle n'avait pas tort. Les filles venaient, il les laissait venir, se contentant d'afficher la plus belle crinière. C'était son seul appât; faire en sorte d'entretenir son charme, de ne pas l'abîmer. Il n'avait qu'à sourire et ouvrir la bouche pour dire des choses, n'importe qu'elles choses pour autant que ça plaise à la mouche qui s'était prise dans sa toile. Il faisait le lion, plutôt. Il suffisait d'être grand, fort, d'être beau... C'est les lionnes, qui se fatiguent à la chasse. Comme Mani. Seulement dans son cas, elle ne se livre jamais complètement à un roi. Elle lui fait profiter de son talent pendant un temps, puis repart dans la brousse, à la recherche d'un spécimen plus intéressant. Ce devait être ses yeux de chats, qui inspiraient à Tao des safaris en savane africaine. Car ces iris gris il ne les quittait jamais longtemps, pour retrouver le vertige qu'ils inspiraient, c'était comme avancer dans une brume épaisse, jamais certain de ce qu'il découvrirait au prochain pas, au risque de buter contre un mur, de tomber dans une faille ou d'entrer en collision avec une montagne de chocolat, ou de jolies cuisses.

- Je cherche parce que toi tu ne profites pas. Tu n'as pas profité. Tu aurais pu, mais non, parce que tu n'étais pas en scène. Tu t'offres. Tu l'as dit toi-même, t'es comme un spectacle. On s'assit et on regarde. Et toi, du haut de ta scène, tu sélectionnes les spectateurs qui te plaisent. C'est une façon de profiter, peut-être, mais c'est tout arrangé. Dans les coulisses, tu t'effaces. Je parie que t'as arraché les rideaux de ton théâtre, que tu vis sur les planches. Mais l'autre nuit, le monde n'avait plus la tête à se divertir devant tes belles jambes, alors il n'y avait plus personne pour te regarder. Je me suis égaré dans ton décor... Je suis pas un fantôme alors ça t'as fait oublier ton texte, un moment... Et parce que je suis pas bon acteur, t'as raté ta scène. Je cherche parce que...

Haussement d'épaules.
Tao baissa les yeux sur ce qu'il restait de chocolat chaud dans sa tasse. Il agrippa l'anse et fit lentement tournoyer le liquide à l'intérieur, absent. Mani était une actrice, une chanteuse, une danseuse, lui s'imaginait qu'il figerait, sur scène. Il était le spectateur qui s'asseyait dans un coin de la salle et qui passait la représentation à faire plus ample connaissance avec sa compagne du moment. Il assistait sans voir, désintéressé car trop loin. Le spectacle faisait partie de son décor à lui, comme tout. Mais la toile s'était déchirée. Quelque chose comme ça...

L'envie de poursuivre sur le cas des fantômes lui passa. Mani et ses fantômes, il se garderait d'en dire ce qu'il en pensait, ce soir. Il tolérait les fantômes, se montrait aimable ou indifférent, dépendant des ectoplasmes à qui il avait à faire. Mais ne partageait pas cette idée de soit-disant sagesse qui venait avec ces angoisses éternelles. Mani y faisait avec les morts, lui avec les vivants. Il se dressait contre la mort et la repoussait à coups d'aiguilles, de potions, de scalpels et de baguette. Elle conversait avec, alors que tout ce qu'il savait lui dire c'était : non.

Il bu une gorgée, et appuya son menton dans sa main en inclinant la tête vers Mani. Elle n'avait plus l'allure qu'il lui avait trouvée à son arrivée, entrain de signer un autographe à un admirateur... Le hibou chanceux de la soirée. Il crut d'abord pouvoir accuser la fatigue, mais en vint rapidement à en douter. Non, pas déjà. Pas si longtemps après leur nuit blanche dans la salle commune. Elle avait eu le temps de dormir, de se remettre...
Finalement il sourit, laissant tomber sa robe de guérisseur à ses pieds et se rappelant cette question qu'elle avait posée. Il avait cru qu'elle plaisantait, mais le sourire qu'il avait attendu n'était pas venu. Alors il se prêta au jeu, à ce jeu-là qui n'était pas trop compliqué.

- Si t'avais pas été belle...Je crois que t'aurais été... plus indépendante. Tu te serais pas souciée de ce que les autres pensent de toi et tu te serais donnée à fond dans tes trucs de spiritisme, mais pas au point d'en devenir antisociale... Des amis t'en aurais eu quelques-uns, mais pas trop parce que ça t'aurait emmerdée... T'aurais jamais pensé à devenir fantôme avant de devenir vieille. Et... tu serais sortie qu'avec des types que tu aurais jugés intelligents et matures... Peu. À l'université tu serais passée plutôt inaperçue parmi tes pairs, les professeurs les plus perspicaces t'auraient hautement estimée, et puis dans le monde des sorciers on aurait entendu ton nom souvent, plus tard.

Son sourire s'estompa légèrement en arrivant au bout de ses suppositions.

- Et ce soir, on aurait jamais fait l'amour... T'aurais pas voulu de moi.
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MessageSujet: Re: Il pleut, il pleut, bergère   Il pleut, il pleut, bergère EmptySam 12 Juin - 5:10

On allumait de plus en plus d'étoiles, là dehors, et on montait le volume de la Pimentine. Dans un coin elle parlait fort, dans l'autre elle trinquait en manquant se casser des verres, de ce côté elle chantait, à portes et fenêtre ouvertes, à l'opposé elle embrassait, elle éclatait de rire, elle se détendait sous les chutes d'alcool et se gonflait d'insouciance en même temps.
L'odeur était au genre humain coincé entre quatre murs. Un parfum de légèreté, un goût de chaleur. Dans l'air, des éclats de bonheur servis en fût. La Pimentine, sur sa route silence, se dandinait de gauche à droite, faisait danser les papillons qui piaillaient dans son ventre enflé. Elle enfanterait des solitudes, le jour venu, mais elle ne manquerait pas, d'ici là, de les immuniser à la réalité en les gavant d'ivresse. Qu'ils tètent, tous, jusqu'à en ramper, gavés. Tête basse, ils ne verraient pas le soleil se moquer d'eux.

Tao n'avait pas l'intention de rester encore longtemps. C'était plus compliqué qu'il ne se l'était imaginé, coucher avec Mani. Pourtant, il avait cru, des années durant, le contraire. Qu'il fallait jouer un peu, faire l'intéressé... Comme d'habitude. Il ne l'aurait pas soupçonnée capable de faire montre d'une orchestration aussi complexe. Des partitions surchargées pour des mains et des pieds à quinze doigts. Et elle chantait fort, en enterrant la cacophonie musicale. Mani et ses goûts musicaux, qu'en savait-il, après tout. Elle lui donnait envie de jouer avec ses poings et sa tête. Ou de se lever sur le banc et de marcher, encore une fois, sur les dents de l'instrument. De courir sur le clavier en se trémoussant comme un imbécile qui ne comprenait rien à rien et qui n'avait pas envie de comprendre quoi que ce soit, jamais. Qui sait, peut-être qu'on lui inventerait de l'étoffe de génie. Il s'imaginait bien Jade, adossé dans l'ombre, bras croisés, en acquiesçant imperceptiblement, clope au coin de sa gueule précieuse et baveuse. Tao saluerait son public en tirant la langue, et il tomberait dans le bide du piano, entraîné par un raz de marée d'applaudissements. On se demanderait où il était passé. Alors, il se réveillerait et se découvrirait assis au bar de la Pimentine, entrain d'écouter Mani se demander si elle avait envie de lui ôter son pantalon ce soir.

Il avait fait l'effort de la rejoindre sur sa scène déserte. Il n'en avait pas l'habitude et avait dû trébucher dans l'escalier en montant, mais il y était arrivé, devant ce public sans visage. La scène s'était peut-être enfoncée quelque peu dans le sol, du coup, sous le poids de son ignorance. Il faisait dos à l'assistance, échappait des silences, perdait son sérieux, jouait trop, cessait de jouer, riait de se tromper, se fâchait en se laissant prendre au jeu, lâchait ses répliques en désordre s'il ne les improvisait tout simplement pas. Mieux aurait valu demeurer sagement à sa place et attendre de s'endormir, pour s'éveiller dans une salle comble au lendemain, avec assise au siège voisin du sien une jolie demoiselle. Plutôt, il avait tiré la comédienne par la manche pour l'entraîner dans les coulisses. Il ne s'était même pas laisser le temps d'y penser et de renoncer.

C'était dans son corps, dans son ventre vide et son sang ivre. Les cuisses de Mani lui ceinturant le bassin. Ses seins qui embrassaient son torse. Ses mains qui s'emparaient de sa peau. C'était dans sa tête. C'était dans les yeux de Mani. Il ne s'y reconnaissait pas. Deux reflets troubles essayaient de le berner, de l'égarer. Il se résout à les éviter, finalement, et porta son regard sur la main libre de Mani, qu'il couvrit de la sienne, et serra doucement, avec l'intention, cependant, de ne pas la laisser s'échapper.

- Je te l'ai dit, je joue pas à ton jeu et ce qu'on y gagne, à ça, qui est je ne sais quel jeu si seulement c'en est un... J'ignore ce que c'est. Je veux pas savoir avant d'y arriver.

La Pimentine, par ici, n'avait pas besoin de hausser la voix. Elle parlait près, d'une bouche à l'autre. Elle était le souffle entre les deux. Le reste existait approximativement. Des taches de Bleu, des grains de Vert. Les reliques d'un feu. La boucane dissipée qui barbouille les visages. Le sourire discret de Tao.

- Tu t'arrêtes à tout ce que je dis... Tu réfléchis plus mes mots que moi...

Un truc de filles, peut-être. Elle n'était pas la première à lui revenir avec des choses qu'il avait dites et dont il ne se souvenait que vaguement. Elles avaient vraiment toutes un coin de crâne destiné à cette tâche, donc. Des listes de détails, avec le nom d'un pauvre type pour titre.
Mais il n'allait pas s'en outrer. D'entendre Mani brasser des questions, comme ça, obstinée, à son avis, était dérangeant, mais aussi séduisant. Elle arrivait toujours à se farder de naturel, mais elle parlait trop, pour une Mani. Trop bien, il l'avait déjà noté. Elle faisait l'erreur de le prendre au sérieux. Il devait l'être, en quelque part, mais c'est parce qu'il était Tao. En tant que Mani, ça faisait... trop cerveau, de prendre la peine de se défendre aussi peu physiquement.

Son regard remonta le long de leurs doigts qu'il avait noués ensemble, jusqu'à s'ancrer aux pupilles de Mani, comme avant. Il n'y perdait pas goût, y prenait de plus en plus plaisir, bien que ce n'était pas totalement sain. Il ne percevait pas, dans ces iris, les suites qu'il avait l'habitude de voir venir, dans d'autres yeux. S'accrocher à ces deux énigmes lui permettait également de ne pas trop s'abîmer les neurones. Car si Mani préférait s'en tenir aux mots encore longtemps, lui en revanche, ne s'en sentait pas les facultés mentales et y voyait encore moins les intérêts.

- Et tu te la poses toi-même, ta colle. Je vais te la simplifier.

Il affirma, parvenant à réduire encore un peu le vide qui la séparait d'elle :

- Je vais te faire l'amour.

Ses lèvres planèrent sur le cou de Mani, atterrirent sur la courbe de son épaule, rebondirent à quelques reprises.

- Comme ça c'est mieux, non? poursuivit-il en goûtant sa nuque, Parce que si t'as pas envie d'en avoir envie, alors qu'on sait que tu en as envie, ce sera pas ta faute, t'auras qu'à te dire que t'étais indécise... Et que t'as... profité. Parce que tu n'avais rien de mieux à faire... Ou que tu voulais te débarrasser de moi une fois pour toutes.

Il acheva sa remontée sur le lobe de son oreille, appuya sa joue sur la sienne et entrouvrit les lèvres pour parler, mais s'interrompit. Les doigts de Mani toujours prisonniers des siens, il se leva et avança entre ses jambes. Sa main demeurée jusqu'à présent inoccupée prit appui sur le tissu de la robe, au bas du dos de Mani, pour la presser contre lui.

- Viens...

Parce qu'il était affamé. Parce qu'il le désirait, elle le savait. Parce qu'elle le désirerait, il s'en doutait. Parce que le hasard les avait voulu ici, ce soir. Parce qu'ils avaient négligemment repoussé le reste. Parce que pourquoi pas.

La Pimentine ferait la grimace et les cracherait sur le trottoir de la nuit. Tao entrainerait Mani avec lui, dans le gris. Il lui tiendrait la main et la guiderait dans le brouillard.
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Tao Lyngheid
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MessageSujet: Re: Il pleut, il pleut, bergère   Il pleut, il pleut, bergère EmptyDim 13 Juin - 0:32

Tricher? Tao aurait dit autre chose, s'il n'avait pas été occupé à mieux, bien qu'une accusation de tricherie sonnait comme un compliment, d'entre les lèvres de Mani. On ne l'avait jamais traité de tricheur, à ce qu'il sache. Les plus éclairées avaient soupçonné l'indolence, le détachement, une légèreté d'oiseau qui s'arracherait les plumes si on le mettait en cage malgré lui. Si on le menaçait de poser un verrou sur les barreaux. Il ne verrait plus les mangeoires, ni les jouets, ni même son propre reflet, il ne verrait que ses plumes et leur superfluité. Elles s'accusaient d'avoir été mauvaises propriétaires, de ne pas avoir choisi le bon oiseau, trop peu chantant. Bernées par son beau plumage et son apparente docilité. Elles fronceraient les sourcils de le voir siffler pour Mani.

Tricher? Tao? Jamais de plein gré. C'était toujours autre chose. Un autre mot qui mentait, qui lui, trichait, mais ce n'était que le mot. On ne triche pas de choisir un mot... Dans les règles de Tao. Il devrait mettre ces règles sur papier, un de ces jours, pour les fixer. Ça lui simplifierait la tâche, en la rendant plus sérieuse, cependant. Il n'avait pas l'esprit de chasseur de Mani, la logique du prédateur.
Mais tricher comment, il s'agissait d'envies, de désir. On ne triche pas l'amour, on le fait. On le ment, parfois, on le précipite, on le savoure, on le voit venir, ou pas. Ils l'avaient vu venir, tous les deux. Tao l'avait souvent anticipé, presque à tous les coups, excepté la toute première fois.

Elle, dans son ennui de femme enrôlée dans les forces de la Famille, n'avait pas eu les maladresses des filles, n'avait pas fait battre ses cils et sourire ses rêves. Elle l'avait regardé, lui avait dissimulé sa pensée et avait effleuré son innocence du bout des doigts. Elle lui avait présenté ses amants compositeurs et avait masqué ses baisers derrière des mots. Recommence. Lentement. Plus fort. Elle avait fait naître le rouge sur ses joues. Toucher sa candeur. Elle avait appris les caresses à ses mains, s'était moquée, à gorge déployée, de son impatience. Avait profité de sa jeunesse. Il ne s'en était pas plaint, qu'elle profite, qu'elle abuse. Il avait redemandé souvent, s'était fait tourner le dos quelques fois. Tu penses qu'à ça. Et il répondait résolument. Je t'aime. Elle souriait, s'enfilait une autre coupe de vin. Non... Aime la musique, plutôt. Parce qu'elle t'aime bien, toi. Il s'efforçait de mal jouer. Mais elle me fait chier... Elle lui déboutonnait sa chemise. Raison de plus. Glissait ses doigts dans ses cheveux. Tu en sortiras plus... grand.
Plus grand, elle n'oserait plus rire de lui quand il lui dirait qu'il l'aime. Mais il n'avait pas eu suffisamment de temps pour grandir. Elle lui avait recommandé un autre professeur, et lui, la dernière fois, dans la cuisine, avait ouvert la fenêtre, et la cage, et l'oiseau était parti. Elle avait pleuré, crié, que c'était l'oiseau que son mari lui avait offert, et que Tao était un gamin, un gamin stupide et égocentrique, qu'il n'apprendrait jamais rien. Elle avait repoussé sa main, l'avait frappé au visage et lancé ses partitions sur le perron avant de claquer la porte derrière lui. Il n'avait rien compris.
Et comprenait toujours mal, peut-être, mais ça n'avait plus aucune importance. L'importance d'un vague souvenir qu'il évoquait à la blague, en riant jaune.

Mais il n'avait pas besoin de comprendre quoi que ce soit, lui sembla-t-il, pour se permettre de coucher avec Mani. Il comprenait qu'elle le laisserait faire, même si elle parlait de remettre à plus tard. Non, le moment était parfait. Tao n'avait pas besoin d'une suite. Elle n'existait pas tant qu'il n'y serait pas. Cette nuit, il ferait l'amour à chaque parcelle de Mani. L'histoire se terminerait là.
L'estomac mis à nu devant l'alcool, sa tête libérée du doute encombrant et handicapant, Tao voyait clair. Il ne voyait qu'avec son corps. Il n'y avait plus que Mani et son parfum, partout. Mais Mani, aussi, qui le regarda comme on regarde quand on est toujours trop conscient. Elle ralentit la danse. Il ne porta pas attention à ce qu'elle ajouta. Être à la hauteur... Elle sortait ses dernières cartes, ça ne vaudrait plus la peine d'ouvrir la bouche, après ça. Et il ne l'y encouragea pas. Sourit plutôt de l'entendre, rapprocha son visage du sien, abaissa une manche de sa robe et lui embrassa l'épaule. Elle était prête à le suivre, relâchait son emprise sur elle-même. Il maintint sa main dans la sienne, mais plutôt que d'entraîner Mani à sa suite, il la serra contre lui.

- Tu penses trop...

Lui pas assez, peut-être. Mais il assumait. Il n'était plus question de jeu, de gagnant, de liste. Tao n'en voulait pas, ou plus, de liste. Ça se résumait à un nom, qui changeait, qui s'effaçait, reparaissait ou pas. On tenait des listes pour lui, de toute façon. Lui-même en était une, liste. Une liste de qualités, une liste de défauts, un liste d'intérêts, un liste de caractéristiques physiques, une autre pour les trucs qu'il n'aimait pas bouffer, une liste de notes, une liste de cours, une liste d'amis, de connaissances, de rêves, de chaussures, de sous-vêtements, de boucles d'oreilles, de bas... Une liste blanche, aussi.

Mani, dans ses bras, au bord de la planche, avec lui, sur le seuil du plongeon, de la noyade.
Deux figures s'envolèrent du tableau de la Pimentine, n'y laissèrent pas même leur ombre. Seulement qu'un fond de chocolat chaud au gin dans une tasse et les restes d'une cigarette qui se fumait toute seule. Le serveur éviterait de la gaspiller.

Les lattes du plancher gémirent, à l'atterrissage, et Tao manqua perdre pied mais se rattrapa rapidement. Les ombres étaient maîtresses, dans la pièce, n'ayant pour concurrentes que les pâles lueurs des étoiles qui perçaient par une fenêtre ronde. La chambre onze n'était pas bien grande, comme les autres. Quelques meubles, un lit simple... Et pas un son venant de l'extérieur, outre le clapotis de l'eau qui trébuchait contre la coque du Boat-en-Train, retenu à bon port en attendant son prochain départ.

Tao retrouva le visage de Mani, colla son front contre le sien, glissa ses doigts sur sa nuque et l'embrassa sur la joue, au coin des lèvres, sur sa bouche. Puis, retroussant petit à petit la robe de la bergère, il lui découvrit les cuisses et la débarrassa du vêtement en le lui retirant vers le haut. Le tissu léger flotta près du plafond et cascada jusqu'au sol. Tao fit chavirer Mani sur les couvertures, envoya ses chaussures s'assommer contre un mur et se dressa, au-dessus d'elle, une main de chaque côté de sa crinière qui lui faisait une couronne de pétales d'argent autour de la tête. Il retira son t-shirt, le jeta par terre. Et étendit ses jambes le long des siennes, son bassin sur ses hanches, son ventre sur le sien, enfin, Mani, entière. En appui sur ses coudes, il s'appliqua à dégager son front de quelques mèches indociles. Il n'avait plus rien à dire, qu'à faire. Et il ne tarda pas à s'y remettre. Ses lèvres, sans frontières pour les retenir, dégringolèrent tout en baisers sur la poitrine de Mani, que Tao n'eut pas de mal à dételer de son soutien-gorge. Affamé, fiévreux, il massa, attisa du bout des doigts et pressa de tout son corps. Il aspira, caressa, avec sa bouche, goûta le parfum de Mani, le mêla au sien. Sa taille entre ses mains, et ses fesses, et ses cuisses. À lui, ouverte, la Mani paysage polaire, nue. Il prit sa jambe droite et traça, du bout des lèvres, un chemin jusqu'à son pied, et revint par l'intérieur, l'embrassa, encore. Et encore.

[La suite...]
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