S.W.Y.N ¤ Someone Wants You Nuts ¤
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 Mon Héroïne.

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AuteurMessage
Gabrielle E. Dimitrov
A.C.A.I.I
A.C.A.I.I
Gabrielle E. Dimitrov



 
▌Né(e) le: 13 Novembre.
▌Pays d'origine: Corée.
▌Statut: 3ème année

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MessageSujet: Mon Héroïne.   Mon Héroïne. EmptySam 15 Mai - 12:59

Il devait être aux alentours de dix-huit heures, le soleil encore haut dans le ciel était caché derrière de gros nuages opaques. Depuis le matin, il n'avait pas cessé de pleuvoir sur l'Irlande, sans épargner Bourg-en-Bière et sa prestigieuse université. Dans les rues désertes du petit village, on pouvait voir de temps à autres de rares étudiants courir, encapuchonnés dans leurs vestes, pour se mettre à l'abri de l'averse au chaud dans les cafés ou les boutiques. A cette heure-ci, la Pimentine devait être bondée. Et alors que tout le monde occupait sa fin d'après-midi en lisant un bon livre près du feu de la salle commune, en prenant un verre avec des amis ou en s'avançant dans ses devoirs ( genre ), Gabrielle attendait sur un banc, sous la pluie, les mains dans les poches. Le regard vide, fixé sur un point inexistant, une cigarette éteinte depuis un temps indéterminé entre les lèvres, l'air plus morte que vive. Sous ses yeux s'entassaient de larges cernes violacées, alors que cheveux et vêtements lui collaient à la peau, lui donnant une allure sinistre. Elle ne portait pas de vestes, juste une chemise qui avait été blanche avant d'être transparente, et laissait deviner les contours de son sous-vêtement. Perdue au milieu de la rue sur ce banc, comme une gamine abandonnée ; à cette différence près qu'elle ne tentait en rien de retrouver Papa-Maman, comme si elle les avait trop longtemps cherchés et s'était lassée. Lasse, oui, c'était le mot. Les rares anonymes qui se risquaient à mettre le nez dehors passaient devant elle sans la voir, sans remarquer que sous cette pluie torrentielle attendait une petite fille aux yeux éteints, rien sinon la certitude que se lever serait une meilleure idée que rester ici à ne rien faire.

Gabrielle n'était pas allée en cours, aujourd'hui. Elle n'avait pas fermé l'oeil de la nuit, n'était sortie de son lit que quand le soleil avait entamé sa longue descente, et n'avait rien avalé depuis. Son dernier repas lui semblait si lointain qu'elle n'aurait su dire avec précision quand elle l'avait pris ; et malgré sa totale indifférence aux protestations de son corps, n'importe qui aurait deviné qu'elle allait bientôt arriver au bout du rouleau, si ce n'était pas déjà fait. Pour parvenir jusqu'à ce banc, il lui avait fallu marcher. Marcher, elle savait faire. Tout du moins le croyait-elle. Chacun de ses pas avait été une potentielle chute, hypothétiquement douloureuse. Elle allait de travers, boitait, tombait, souvent, faisait marche arrière parce que, zut, elle se trompait de chemin. Quand elle s'était enfin posée, elle avait dû fermer les yeux un instant quand la rue s'était mise à tourner comme un manège dans sa tête. Sa tête toute malade, qui percevait le monde par à-coups, comme enfermée dans un nuage de coton. Elle voyait flou, entendait de manière étouffée, ne parvenait plus à faire la distinction entre le chaud et le froid ; ses pensées même ne s'entendaient plus, trop profondément entremêlées pour pouvoir transparaître clairement. Gabrielle ressemblait alors plus à un zombie qu'à une humaine.

« T'as du feu ? »

Elle leva les yeux, battit des cils pour chasser l'eau qui brouillait sa vue sans parvenir à voir plus nettement, sortit un briquet de sa poche et le tendit obligeamment. Une main aux ongles vernis vint l'attraper pour le porter à des lèvres fines. Yeux charbonneux, veste sombre. Les cheveux étonnamment secs. Une longue mèche blonde frôla son visage alors qu'elle levait la tête pour comprendre que l'inconnue avait un parapluie. A quoi ça servait, déjà ? La voix claire résonna encore.

« Y'en a à vendre à deux pas d'ici, tu devrais en trouver un pas cher. »

Les ongles vernis rendirent le briquet qu'elle remit au fond de sa poche, les mèches dorées s'éloignèrent avec des claquements de talons. L'instant d'après, elle ne savait plus si cette brève entrevue avait vraiment existé ou n'était que le fruit de son imagination. Dans tous les cas, c'était le signal qu'elle attendait : l'appel de la nicotine. Gabrielle étira ses jambes à faire craquer ses genoux et se leva. Elle retira la cigarette trempée qui occupait encore ses lèvres pour la jeter négligemment sur le trottoir et se mit en marche, avec l'idée d'aller au bureau de tabac du coin. Sauf que curieusement, les rues ne lui semblèrent plus tout à fait droites. Le chemin plus tout à fait le même. Les boutiques plus tout à fait au bon endroit ... Elle s'arrêta finalement quand elle trouva un morceau de ciel dans une flaque. Le monde cessa de tourner. Rien n'avait plus de sens. Le haut était le bas, le bas était le haut, la gauche et la droite allaient au même endroit, on ne sait où, sans doute nulle part. Elle se baissa au-dessus la flaque pour tenter de comprendre, perdit l'équilibre et tomba à genoux dans un nuage qui éclata en mille gouttelettes. Plus de ciel. Plus rien. Juste de l'eau, de l'eau comme il en tombait un peu partout. Elle se demanda qui pouvait pleurer autant, pour qu'il y ait autant d'eau. Bientôt, ce serait le Déluge, Noé et son grand bateau, les licornes qui resteraient sur l'île ... Pauvres licornes. Mourir noyées, quelle triste fin. Elle en frissonna. Ou peut-être qu'elle avait juste froid. Ou chaud, après tout. C'était un peu pareil. Ce n'était pas très agréable. Elle se releva avec l'impression de porter le monde avec elle, chancela, trouva un mur sur lequel s'appuyer et glissa le long de la pierre pour s'asseoir. Un long manteau noir passa devant elle sans se retourner. L'espace d'un instant, elle pensa à le rappeler. Mais à quoi bon, finalement ? Que pourrait-elle bien lui dire ? Excusez-moi, Monsieur le manteau, c'est par où, le bateau de Noé ? Vous savez pas ? Alors où est-ce qu'on peut acheter des clopes ? Allez, juste une cigarette. Nan, pas une Camel, elles sont dégueulasses. Une gauloise, une vraie, pour bien s'arracher. Ses lèvres s'entrouvrirent pour laisser filer un gémissement étouffé alors qu'elle étendait ses jambes sur le trottoir, heureusement épargné de la pluie par le porche d'une boutique. Sa tête bascula sur le côté, ses paupières lourdes tombèrent sur ses yeux rougis. Elle se laissa tomber, poupée de chiffon, dans l'immobilité. Le concert chaotique des gouttes sur le bitume lui parut de plus en plus éloigné, jusqu'à ce qu'elle ne l'entende plus du tout. Et puis plus rien.


Dernière édition par Gabrielle E. Dimitrov le Mer 21 Juil - 1:52, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Mon Héroïne.   Mon Héroïne. EmptyMar 27 Juil - 19:08

Et tu te retrouves thanatonaute, à baigner dans un univers sans couleurs, voguant entre la disparition et l'exacerbation des sens. Difficile de savoir par où nager, quand à un instant tout te hurle dans la tête, et quand à un autre les cordes vocales de ton monde d'absence se tordent jusqu'à ce qu'il n'en sorte plus aucun son. Difficile, mais pas impossible ; en fait, ce n'est pas la bonne question. La vérité, sous cette couche de crasse qu'on appelle mauvaise foi, c'est que tu n'as pas envie de savoir comment t'extraire d'ici, comment retrouver le son de la réalité sans déformation, chasser ce rideau noir qui t'empêche de voir ta propre carcasse pourrir sur les trottoirs. Qu'il est moche, le monde qui t'attend derrière, qu'il est moche et cent fois moins soutenable encore que cet état de ni-vie ni-mort. Il n'y a rien pour toi, petite chose, ce monde te déteste, tu le sens encore attaquer tes chairs tant qu'il y a un battement de cœur pour te raccrocher à la vie. Visqueuse, toute faite du sang qui coagule sur les plaies les plus infâmes d'un corps. Quitte à choisir le suicide, tu aurais pu faire plus propre ; il existe des solutions expéditives et – presque – sans douleur. Mais ce n'est pas là non plus ce que tu souhaites, car c'est encore devoir obéir aux lois de la réalité pour la quitter. Alors tu ne fais plus rien. Ton corps avide réclamait pitance, et tu le regardais souffrir, ce corps qui t'avait trahi, ce corps qui n'était plus à toi, qui ne l'avait jamais été, que l'on t'avait ravi avant même qu'il soit achevé. Il y avait presque quelque chose de jouissif à passer tes doigts blancs sur ses côtes qui ressortaient comme une supplication, sentir le creux béant qu'on appelait faim, près du sternum, voir le pantin de chairs se mouvoir de plus en plus faiblement ; retrouver presque tendrement les cicatrices qui depuis le début présagent sa chute et déforment la peau, comme plus tard les vers quand ils s'en disputeront la carcasse.

Mais bien sûr, il y avait toujours d'écrit dans le livre de poche de sa destinée cette foutue ligne qui stipulait que jamais elle ne pourrait se laisser mourir – car c'était ce qu'elle faisait, héroïne de tragédie grecque (ou pas) – tranquillement. La vie de Gabrielle se résumerait à une longue série de suicides ratés, et elle mourrait de vieillesse, sans descendance, après soixante-treize ans d'Enfer. Douce ironie. Elle n'était pas en état de comprendre ce qui lui arrivait que déjà elle comprenait, et son inconscience muette hurlait au sabotage. La chaleur vitale infligée par on ne sait trop quoi, en vérité cette veste en cuir qui faisait se pâmer la moitié féminine de l'Université, réveillait déjà les sens de la morte, qui n'était pas morte, pour la troisième fois, dispersant progressivement le nuage de coton qui empêchait le passage des ondes à ses tympans. Allô, allô, ici Alpha 13, Corbeau, vous répondez ? A vous. Nan, pas à moi, nan. Laisse-moi dormir, je suis très bien où je suis.

« Bon, tu ne me laisses pas le choix. Je vais être obligé de t'embrasser. »

Petit moment de flottement. Ses lèvres bougent, louvoient.

« Si tu trouves ma bouche, te gêne pas. »

L'enfant s'éveille, étire son dos qui craque sur le support humain où il est maintenu. Ses paupières s'agitent comme des ailes de papillon se préparant à l'envol, notez la comparaison aussi sublime que ridicule, à vrai dire ses paupières ressemblaient simplement à deux bouts de peau qui s'agitaient disais-je, en réponse au mouvement oculaire sous-jacent qui présageait l'éveil de l'enfant, indiqué déjà clairement dans la première phrase de ce paragraphe foireux. Reprenons. L'odeur du goudron trempé fut le premier à arriver jusqu'à son cerveau nouvellement actif – c'est moche – suivi de près par un parfum qu'elle ne connaissait malheureusement que trop bien. Le cuir, mélangé à cette eau de toilette au nom stupide. Pharaon, quelque chose comme ça. Elle ne voulut pas comprendre, d'abord. Et puis l'idée se fraya un chemin jusqu'à sa conscience, et elle envoya son poing de toutes ses forces dans le visage d'Alex.

Forces qui, je précise, étaient à cet instant aussi développées que celles d'un gamin tout juste sorti du ventre de sa mère, en exagérant très peu. Elle se fit mal.

Se dégageant aussi brusquement que son état le permettait de son étreinte, elle tenta un mouvement pour se lever, changea d'avis en voyant ses efforts vains, s'éloigna comme elle le put. Rictus. Grimace. Un enchaînement d'informations et de questions s'agitèrent dans son cerveau, tambourinant contre son crâne. Ça ne devait pas se passer comme ça. Alex et Gabrielle ne devaient plus se croiser depuis l'autre soir, encore moins depuis l'autre après-midi. Ce devait être terminé, clos, elle l'avait envoyé au diable avec ce qui lui restait d'intégrité. Alors pourquoi était-il là, agenouillé sur le trottoir, les cheveux dégouttant rouge ? C'était absurde. Comme si tout ça ne s'était jamais passé. La peau de l'autre contre la sienne était seulement encore trop présente dans sa mémoire pour qu'elle croie ne serait-ce qu'une seconde à un mauvais rêve.

« Qu'est-ce que tu fous ? »

On est pas amis, que je sache.
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