S.W.Y.N ¤ Someone Wants You Nuts ¤
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Tao Lyngheid
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Tao Lyngheid



 
▌Né(e) le: 3 décembre
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MessageSujet: Re: Retour au port   Retour au port EmptyDim 13 Juin - 18:30

Tao n'avait pas la lune, pour le guider sur la rive. C'est Mani qui l'avait. Il ondoya au rythme des vagues, mains derrière la tête, nu sur les flots, en attendant que la mer le recrache d'elle-même. Pas de gilet de sauvetage accroché à lui, cette fois, et il avait toujours éprouvé de la difficulté à flotter tout seul. Trop agréablement engourdi pour nager, il ne s'inquiéta pas de suite à savoir s'il se trouvait réellement à la surface plutôt que dans les abysses du ventre des eaux. Peu lui importa d'où lui venaient les ombres.
Mani avait la lune et Tao avait Mani. Il bascula sur le ventre, la tête couchée sur ses jointures, pour mieux la voir, et peut-être entrevoir le reflet d'une étoile dans ses yeux. Était-ce un mirage de dernier souffle, qu'on lui accordait, avant de le rendre aux sirènes? Encore une fois, Tao était loin de s'en inquiéter. Un peu plus près, mais toujours loin. Il fit l'amour à Mani, avec son regard. Il se vit se lever de lui-même et la rejoindre près de la fenêtre, l'enlacer par derrière, le nez dans ses cheveux fous, à respirer leur douceur. Mais il saisit l'oreiller plutôt que ses seins, et trouva les draps contre lui plutôt que les courbes de Mani. Il baissa les yeux lorsqu'elle entreprit de dompter sa tête de fleur qui s'était battue avec le vent.
C'était pas mal.
Il se dressa sur ses coudes. Au large il crut la voir revenir.
T'en veux une?
Pour le repêcher, peut-être. Il s'assit sur le bord du lit, sur son radeau de fortune possiblement déjà coulé.
Bon, j'y vais.
Et un pied, sur sa tête. Il prit l'hameçon sans ligne, le constata dans sa main un instant, mais ne s'alluma pas de cigarette.

Il souhaita qu'elle reste. Pas pour lui dormir dessus, mais pour encore. Pour qu'elle le noie, pour de bon. Ça lui ferait peut-être passer sa faim. Mais elle avait déjà renfilé ses pelures, le privait d'elle. Il n'aurait plus rien à se mettre sous l'œil pour faire patienter son estomac. Alors il souffla, et se leva, avec l'intention de reconstituer, à son tour, le casse-tête de ses vêtements éparpillés. Il s'y prit lâchement, enfilant d'abord le bas, mais ne se rendit même pas au pantalon. Elle avait mal au bras. Et il vit la chaussure qu'elle cherchait avant elle. Il tendit le pied pour envoyer son propre soulier dans le tas qu'il avait érigé avec ses affaires et en profita pour faire disparaître sous le lit celui de Mani.

- Fait voir.

Il s'efforça d'entretenir un air impassible et indiscutable de guérisseur qui en avait vu de toutes les couleurs et qui n'avait pas l'intention de se composer des rides de compassion pour si peu. Mais il prit tout de même le bras refroidi par le sortilège, se plantant devant le corps qu'il prolongeait et, dans son sarrau très imaginaire, examina la chose. Il tâta, plia, déplia, leva, abaissa, se pencha pour écouter, pour sentir, et y planta même les crocs, avant de se prononcer, se passant une main sur le menton.

- Je te recommande les bains et l'abstinence.

Il se pencha pour lui rendre sa chaussure, amusé sans vraiment l'être. Il lui prit finalement une cigarette et lui redonna aussi son paquet. Elle pouvait partir, maintenant. Retourne d'où tu viens, dans ton château vide et plein de fantômes. Retourne danser sur une table et t'exhiber devant tous ces cons dont les trop nombreux que j'appelle mes potes. Va me rayer de ta liste, que tu puisses passer au suivant.
Tao lui tourna le dos, pour masquer son amertume, et s'habilla, très occupé à faire comme si de rien.

Une fois seul dans la chambre, il sécha ses vêtements encore humides en songeant à rester ici, ou à changer d'embarcation et à ne plus jamais retourner à l'université. Il ne la terminerait jamais, sa thèse, ça devenait évident, alors pourquoi perdre son temps à le prétendre? Plutôt partir maintenant, pendant qu'il en avait l'audace. Partir n'importe où et se faire passer pour un moldu. Vivre comme un moldu, à peu près, et recoudre des moldus. Il pourrait faire infirmier, il avait ce qu'il fallait. Il gagnerait de l'argent, se louerait une chambre, puis un appartement, toujours dans ce quelque part sans nom, et il s'achèterait une grosse télévision. Ce qu'il serait bien... Il se trouverait une jolie femme mariée et deviendrait son amant. Rien de compliqué. Et quand il en aurait les fonds, il emmènerait Lae en Alaska. Callan viendrait peut-être avec eux... Ce serait juste comme il faut.

Un grondement sourd le tira de ses planifications. Son estomac n'attendrait pas à demain. Seulement, s'il sortait d'ici, Tao se doutait qu'il n'arriverait pas à revenir, ou à aller ailleurs qu'à S.W.Y.N. Très bien alors, s'il retournait à l'université ce soir, il devrait brûler sa thèse inutile. Il fit face à la glace, pour acquiescer et que l'entente soit officielle, conclue entre lui et lui, seulement ce visage, il lui rappela un autre visage. Dans sa tête de petit garçon ivrogne, il y avait longtemps mais c'était comme hier, ou tout à l'heure, ou maintenant, il avait fait une promesse à Lae. Et elle, en retour, elle l'aimait. Elle l'aimait juste. Elle l'aimait, c'est tout, c'est simple. Et ça l'était. Fallait bien le mériter, cet amour.

- T'es con, Lyngheid à deux bras.

Et tu parles à ton reflet, manqua-t-il ajouter. Il s'en garda car autrement, il aurait posé le pied dans un cercle vicieux. De quoi y passer la nuit... Il attacha son pantalon, glissa les pieds dans ses souliers et alla vers la fenêtre. Mani, par là-bas, qui passait devant les vitrines, s'en allait vers sa suite à elle, qu'on aurait dit tellement évidente. Sa suite sans Tao. Il fronça les sourcils. Qui c'est qui en avait décidé? Personne, à ce qu'il sache. Il enfila vite fait son t-shirt, dénuda l'oreiller et transplana avec la taie de coton jusqu'à la route principale, un peu derrière Mani. Il la rattrapa au pas de course.

- T'as oublié un mouton! plaisanta-t-il en arrivant à sa hauteur.

Il la retint par l'épaule, lui déroba son bras.

- C'est encore fragile, faut faire attention...

Ce disant, il appliqua, soigneux, le long carré de tissu là où il y avait eu la fracture, l'enroulant tout autour et, d'un coup de baguette, le figea dans le froid, comme un de bandage de glace.

- Tient. qu'il lui sourit, T'en as pour quelques heures avant que ça s'évapore. Ça coulera même pas. ... Normalement.

Tao avait décidé de faire sans le con du miroir et ses conseils. Celui qui disait qu'il vaudrait mieux qu'il la laisse tranquille, la fausse dragonne, que c'était pour son bien. Il disait qu'il s'était déjà noyé, et qu'elle lui couperait la tête sans l'avertir, s'il n'était pas assez prudent. Qu'il aille voir ailleurs, s'obstinait-il à lui faire entendre. Des filles il y en avait des tas. Et des jolies, en plus. Des femmes plus mûres aussi, s'il préférait, il suffisait d'aller voir plus loin. Pour autant que ce soit ailleurs, et pas sur la route principale aux côtés de Mani Leverenz. Bref ce con, ne parlait plus à personne. Parce que Tao, mains dans les poches, s'éloignait toujours, en regardant cette soit-disant dangereuse Mani du coin de son œil espiègle.

- T'as eu peur de te noyer? Je me doutais que t'étais pas trop du genre à t'attarder mais... Il haussa les épaules. T'avais hâte d'aller tirer un trait sur Tao Lyngheid, sur ta liste d'épicerie?
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Tao Lyngheid
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MessageSujet: Re: Retour au port   Retour au port EmptyLun 14 Juin - 6:30

Ce merci-là lui convient. C'était un merci à la Mani, mais c'était un merci quand même, qu'elle avait pris le temps d'articuler, comme un reste de vieille politesse. Elle avait gratté le fond du pot avec un couteau et lui avait plaqué son merci dans la main. Tient, prends ça. Mais quand on a faim, on se contente de ce qu'il y a.

- Ça me fait tellement plaisir...

Ah oui? Vraiment? Et comment donc! Plaisir que ça ne lui fasse visiblement pas plaisir, à elle. Ou encore, qu'elle cherche à l'insinuer. Elle aurait aussi pu le remercier comme une des patientes de l'infirmerie. Elles, elles savaient remercier. Et pas que poliment. Le feu sur les joues, les rires nerveux, les regards qu'il faisait mine de ne pas sentir scotchés sur son visage concentré d'assistant qui prenait son travail au sérieux... La crème de la crème du remerciement. D'un autre côté, à la longue, elles manquaient d'originalité, les reconnaissantes demoiselles. Du coup, Mani et son merci tout ratatiné, ça mettait un peu de gris dans sa réserve trop colorée.

Elle se soucia même de le ramener, un moment, en terrain connu. Et il s'y laissa traîner, l'humeur au rire. Mani l'amoureuse, c'était beau à voir. C'est qu'elle était douée. Tao s'y serait cru. Elle aurait pu être à peu près n'importe laquelle de ses copines passées, à un certain moment alors qu'ils se promenaient quelque part, voire sur la route principale de Bourg-en-Bière. Pareil. Excepté que cette fois, il n'avait pas à faire l'effort de tourner la tête, et d'embrasser le front qui attendait ses lèvres, et de serrer la taille qui attendait son étreinte. Non, cette fois, il pouvait tranquillement gardé ses mains dans ses poches, à l'abri des caresses aussi automatiques qu'insignifiantes, pour lui.
Mani était aussi gourmande que lui, il n'avait pas besoin de lui fabriquer des marques d'affections. Elles, les non-Mani, pour s'imaginer que leur venait l'envie qu'il les culbute, il fallait nourrir leurs illusions sentimentales. Oui, oui, je t'aime aussi, et quand on s'aime, on en arrive là... Oui, oui, je t'aime toujours, et quand on s'aime toujours, on recommence. C'était pas compliqué, pourtant. Comme Mani. Un peu... Pas tout à fait. Mani c'est différent. Mani c'est bien, c'est bon. Avec Mani il avait pu se contenter de faire. Sans réfléchir, sans être ailleurs et là à la fois, et surtout, sans son casque d'astronaute qui lui gardait de l'oxygène dans le cerveau.
Peut-être qu'il était dépendant... Alors ce serait à ça qu'elles serviraient, toutes, à combler les élans de cette dépendance. Ça expliquerait des choses. Un truc animal, mathématique. Tao plus besoin-chair égal filles. Ou égal cuisses. Il aime les cuisses.

C'est là qu'elle apparut, devant ses mots et devant lui. Qu'est-ce tu veux, Mani? Que je te culbute aussi, encore, dans la ruelle? Ok.
Et ben oui. C'est ce qu'elle disait, avec plus de mots et de la subtilité, mais ce soir il se sentait malin. Merci Mani. Alors Tao entendit : Je veux un second tour. C'était drôle alors il lui lâcha un sourire plein de rire.

- Qu'est-ce tu racontes, Mani... T'oublier serait t'insulter, ça entacherait ta beauté de marquise et embarrasserait ta légèreté de fantôme.

En deux enjambées, il raccourcit la distance entre eux et lui pinça le menton comme à une gamine qu'on voudrait bouffer et dégueuler et ravaler encore parce qu'elle est trop mignonne. Puis donner à manger au chien. Son nez presque collé au sien, il mitrailla ses beaux yeux de ses pupilles.

- Tu voudrais que je t'oublie parce que ça t'éviterais de devoir m'oublier malgré toi. Si je t'oubliais, ça te donnerait une raison de plus de ne pas revenir me faire du charme. Un argument de plus contre ton insatiable appétit de moi.

Il s'arrêta, la lâcha et jeta un coup d'œil autour, mais ne cessa son exposé.

- Moi je les aime, tes menaces. Même quand je les comprends pas. Attention Tao, oublie-moi parce que sinon...

Il revint à Mani, la prit par les épaules et la regarda en plissant les paupières, vicieux, courbant même un peu l'échine pour être à sa hauteur.

- Parce que sinon... je te coupe les cheveux.

Il se redressa d'un coup, tendit ses ailes et lui attrapa la main pour l'entraîner dans une rue perpendiculaire.

- Viens, je t'ai trouvé de la pâture, Mani.

Il s'arrêta devant la porte d'une petite auberge croche et écrasée entre deux ruelles tellement sombres qu'il semblait qu'en y glissant les doigts, l'on aurait pu toucher le noir. Dans la fenêtre, une silhouette courbée était entrain de faire pivoter la pancarte qui disait « soyé les biainvenu » afin qu'on y lise « fête de laire ». Tao toqua sur la vitre. Un gros œil le fixa méchamment et une tête saturée de rides le chassa en lui envoyant des coups de mentons. Alors Tao attira Mani contre lui pour la montrer, se dessina un air piteux, et la porte s'ouvrit, en grinçant avec la voix qui les accueillit. Qui n'aurait pas pitié d'une pauvre petite bergère égarée.

- J'ai plus de chambres!
- On aimerait manger.

La vieille, si elle y voyait véritablement quoi que ce soit, les examina dans le cadre de la porte en reniflant avec la trompe qui lui pendait au milieu de la face et juste au-dessus sur ses lèvres disparues, tel que le veut la tradition, chez les vieux. Quand il n'y a plus personne pour les embrasser, les lèvres, elles se tirent.

- Hein?
- MANGER!

C'était sorti tout seul. Et la vieille, son gros bulbe bleu planté dans sa tête rivé à Mani, s'écarta, les invitant à pénétrer dans son auberge aussi sévèrement atteinte d'arthrite qu'elle. Elle tendit devant Tao une patte crispée et éleva l'autre en tendant ses doigts tordus. Il fouilla ses poches, déposa cinq mornilles dans sa main. Elle ne cilla pas. Il en déposa cinq autres. Toujours rien. Il ajouta quelques noises. Elle demeura raide comme une morte. À cours de mornilles, il lui céda un gallion. Les bouts de squelette se refermèrent enfin sur le butin en craquant et la vieille se balança d'un pied à l'autre jusqu'à la cuisine.

- Les vieilles savent y faire avec la bouffe. s'encouragea-t-il.

Un peu moins d'une minute dût s'écouler avant qu'émergent des rideaux graisseux qui séparaient la cuisine du comptoir un défilé composé d'ustensiles, de verres, d'un pichet de bière brune et de deux bols fumants de ragoût à base d'agneau, ou de mouton. L'Irlande pour dîner. Le tout se déposa en désordre. Suivit la vieille, qui clopina jusqu'à ses invités, en maugréant sous sa moustache, et ajouta sur la table une petite tarte qui sentait bon la pomme. Elle repartit et on ne cessa d'entendre ses marmonnements que lorsqu'elle claqua une porte derrière elle.
Tao ne se fit pas prier pour s'emparer d'un bol et planter sa fourchette dans un premier quartier de viande. Puis un deuxième avant même d'avoir avaler le premier. Il fit passer le tout avec une gorgée de bière. Et poursuivit l'affaire, penché sur son agneau délicieusement assassiné.
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Tao Lyngheid
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MessageSujet: Re: Retour au port   Retour au port EmptyMer 16 Juin - 2:09

Mani et le sucre, ça c'était une histoire d'amour, songea Tao en levant le nez de son bol une petite seconde en la voyant faire neiger sur sa tarte. Mais qu'une petite seconde, parce que l'estomac réclamait plus. Il avait promis qu'il ne gaspillerait rien, cette fois, que le trottoir resterait propre. Mais pour ça, il fallait le contenter. Un poing sur la table, l'autre soudé à sa fourchette, Tao piquait, se bourrait la bouche, mastiquait à peu près, avalait, et recommençait. Il mangeait comme il avait toujours mangé et comme sa mère avait toujours détesté qu'il mange. Mais elle n'était pas là pour lui dire de corriger sa posture et de se tenir droit, pour lui commander de ne pas s'empiffrer et de prendre une bouchée à la fois. Il avait déjà tenté de négocier le nombre de coups de mâchoire à donner avant de pouvoir avaler. Son père avait commis la faute de sourire, ce qui avait encouragé Tao à défendre sa cause, mais l'argumentation, qu'il entretenait plus ou moins seul, hélas, s'était terminée assez abruptement. C'était ridicule. Il faisait encore le clown. Assied-toi convenablement et mange tranquillement. Tao avait lâché ses ustensiles et plongé le visage dans ses pommes de terre, pour bouffer comme un chien. Il n'avait pas eu de dessert et en plus il avait dût monter dans sa chambre sans terminer.
Mais il n'y avait plus de chambres, à l'auberge, alors s'il venait à Mani l'envie de le réprimander pour ses mauvaises manières, il faudrait qu'elle s'y prenne autrement. De toute façon, d'après l'attention qu'elle-même semblait porter à sa tarte, bien qu'elle le fit plus finement, il devinait qu'elle ne s'outragerait pas de sa voracité. Malgré cela il sentit, à un moment, ses yeux de fauve peser sur ses paupières. Il s'excusa auprès de son ragoût et consentit à Mani un regard, après avoir pris soin de s'être remplit les joues.

La question qu'elle fit tomber dans son bol lui fit couler un regard vers le plafond. C'était encore plus sérieux qu'un souper de famille ou qu'un tête-à-tête en amoureux, même faux. Ça devait ressembler à ça, manger avec la Marquise. Elle tâtait son repas avant d'y mettre la dent. Mais dans le cas de la dame de Vrenzele, c'était justifié, parce qu'elle la mangeait, cette intelligence qu'elle tripotait d'abord du bout du doigt.
Tao, pour une fois, prit son temps pour mâcher. Il se rinça la gorge d'une gorgée de bière et s'essuya les lèvres du revers de sa main, avant de rouvrir la bouche sans que ce ne soit pour la remplir encore. Il avait prit le temps de réfléchir, pour de vrai, d'où toute la sagesse de la réponse qu'il lui rendit.

- Parce que je ne l'ai jamais été.

Il aurait pu s'arrêter là, jouer avec les mots, lui montrer comme il est vif d'esprit et continuer à se gaver en paix, mais non. Parce qu'il y était allé un peu vite, justement, sur l'agneau et, l'estomac disait, dans son dialecte de gargouillements, qu'une petite pause, il serait pas contre. Et donc son hôte poursuivit, comme s'il croyait vraiment ce qu'il disait mais que ce qu'il disait, il n'allait pas le chercher bien loin.

- Je vois pas, et n'ai jamais vu, en quoi je devrais être intimidé par toi. Tu parles fort, t'as l'air sûre de toi, tout ça... Ouais ok t'es Mani Leverenz, bla bla bla... Et alors? Peut-être que je t'ai jamais crue, voilà pourquoi. Peut-être que cette nuit que tu t'en ai pris à cette pauvre table innocente, je l'avais attendue, pour confirmer que tu étais bel et bien possédée par la Marquise.

Une vraie belle explication à la Tao. Ses exposés, plus jeune, étaient souvent mémorables. Les instituteurs les plus malins le faisaient passer quand les élèves commençaient à en avoir marre et qu'ils cognaient tous des clous sur leur pupitre. Alors le petit Tao, avec ses gros yeux phares de Plutonien et ses cheveux trop longs de fille mais pas encore autant à l'époque, atterrissait dans sa soucoupe volante pas tout à fait au point et traduisait ses histoires outre-planète en norvégien ou en tchèque. Le plus inquiétant c'était quand il débarquait à l'avant sans fiche aucune. Tu n'as pas besoin de tes notes, Tao? Non madame, c'est tout dans ma tête. Tu ne préfères pas les avoir avec toi, juste au cas où... C'est que, j'en ai pas. De toute façon, c'est dire s'il arrivait à relire lui-même ses pattes de mouche infirme.

Après avoir expulsé un rot, pas trop gras mais tout de même fièrement sonore, l'estomac se sentit d'attaque à nouveau, c'était sa façon de héler la tête pour qu'elle commande à l'équipe « manger » de se remettre au travail. C'était parti pour la finale. Tao en termina rapido-presto avec son ragoût et, pour combler le vide, allégea la portion de Mani de quelques bouchées. Il goûta aussi la tarte aux pommes, en la mutilant considérablement, et enfin, cala son verre de bière, tomba sur ses coudes, pour de bon, sa tête nichée dans ses mains, et son visage face à Mani, qui fumait.

Elle s'obstinait à le contredire et, il fallait l'avouer, presque aussi bien qu'il le faisait envers elle, sinon mieux. Elle savait l'art de se convaincre de son invulnérabilité. Toujours le mot pour tout. Elle devrait parler toute seule, elle aurait moins l'impression de perdre son temps. Tao avait voulu l'interrompre, mais il manquait d'air dans le ventre. Alors il l'avait écoutée, comme si comme ça, se refusant à laisser son venin maniesque salir et empoisonner son ego d'envergure lunaire. Propre et pur que l'ego de Tao, il roulait debout dessus, pour se déplacer. Et quand des choses comme Mani menaçaient de l'en faire tomber, il disparaissait à l'intérieur comme dans une boule de hamster. Ha! Ha ha!

- Écoute... eeeuuuh... Mani.

Il aimerait bien faire comme s'il oubliait les prénoms qu'il n'oublierait forcément pas, à partir de ce soir-là. Avant de continuer, ne sachant, en vérité, absolument pas se qu'il allait débiter, il s'adossa contre le dossier de sa chaise et joignit ses mains derrière sa tête en étendant ses jambes under the table. Il poussa aussi un soupir pour avoir l'air plus ennuyé.

- Quand je suis né, j'ai glissé de sur la plaque. Alors que toi, t'as du y atterrir à pieds joints. En me relevant, je me suis cogné de sur la plaque, ou alors c'est toi qui me l'a pétée sur le coco quand t'es arrivée. Je me souviens plus très bien... Mais le fait est qu'effectivement, des fois j'en ai marre. C'est forcé. Mais même si je voudrais très fort, je pourrais pas être sur la plaque. J'y serais un imposteur. Le problème, quand t'es pas sur la plaque, c'est que les autres qui le sont pas non plus sont éparpillés un peu partout et n'importe comment alors que ceux qui sont sur la plaque, se tiennent tous plus ou moins de la même façon. Quand même, enfin finalement, je préfère être à côté parce que...

Il baissa les bras, baissa les yeux. Et son ton explicatif de séduisant imbécile perdit un peu du vent dans ses voiles.

- Ce serait tellement plus simple et plus con et plus gris et plus normal.

Il fallait s'arrêter là. C'est ce qu'il fit, posant ses bras devant son bol et se dénichant un nouveau sourire.

- T'imagines, je n'aurais jamais su, pour ta possession.

Il attrapa même un brin de rire, au passage. Mani et la Marquise, ça c'était une autre grande histoire d'amour. Il croisa les bras en retrouvant le dossier.

- La Marquise, toutes ses histoires, c'est à moi qu'elle les a confiées. J'en ai jusqu'à ma mort et je vais mourir vieux, alors... Parce que, comme tu l'as probablement compris, non seulement y'a les histoires de la Marquise vivante, mais y'a toutes celles de ses morts, de ses vies, et y'a des alternatives. Même le passé, ça se retravaille, surtout quand il n'est pas écrit sur les parchemins. Alors ouais, j'en ai, des histoires. Comme par exemple celle de la fois où y'avait famine, faute de cervelle fraîche au pays. Fallait trouver un moyen d'en importer. Mais Mani, on avait parlé de dîner, pas d'histoire. Ça c'est hors contrat.
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Tao Lyngheid
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MessageSujet: Re: Retour au port   Retour au port EmptySam 19 Juin - 22:43

Mais qu'en dire de plus, de cette Mani tricheuse, et qui s'assume. De cette Mani qui ne prend même pas la peine de mentir. Tao, agacé, se dit qu'il aurait évité son baiser, s'il l'avait vu venir. Elle en faisait une habitude, comme si elle pouvait se le permettre, comme ça, facilement. Il y avait quoi, comme clauses, sur ce contrat avec la fille du diable? Aurait-il vendu son âme, sans le savoir? Maudite. Mani qui goûte bon la pomme, c'est dégoûtant. Mani la pomme qu'il ne faut pas croquer. Ce qu'elle pouvait être... Frustrante. Cependant, il fallait garder son calme. Respirer par le nez, expirer la tempête et inspirer un contrôle parfait. Mains crispées sur ses bras, menton bas, les yeux rivés sur la démone, Tao mordait sa lèvre inférieure pour faire passer son énervement. Ouais c'est ça, garder son calme. Elle essayait de lui passer un collier autour du cou, comme à tous les autres cons qui étaient passés avant lui. Tous les autres cons... Quelle horreur. Tao se vit dans la meute des amants de Mani, perdu parmi tant, trop d'autres, n'arrivant même pas à s'y retrouver. Mais qu'elle connerie est-ce qu'il avait faite? La gentille mémé lui avait tendu des gâteaux et lui, gros bêta, était tombé dans son piège. Mais la mémé, il aurait dût s'en douter à lui voir ses manteaux de fourrures, les toutous, elle les préférait morts. Elle se rassasiait de leur chair, puis les en dépeçait et se paraît de leurs peaux, ou alors elle les remplissait de pierres et décorait son salon, en faisait des tapis, des couvertures... Que ferait-elle de lui, si elle venait à l'attraper pour de bon? Ou alors c'était fait... Comment savoir? Tao n'était plus sûr de rien. Il avait envie de déguerpir sous les jupons de sa grand-mère. Grand-maman le gaverait de biscuits sans rien lui demander en retour, sinon de rester un moment dans son fauteuil à pleurnicher ses histoires de chien errant. Elle l'écouterait en lui tricotant un bonnet sans oreilles. Elle lui dirait qu'il faut faire gaffe aux mémés qui traînent dans les rues, qu'elles cachent souvent des chaînes, sous leurs robes. Que tout ce qu'elles veulent faire, avec les beaux gaillards comme son Tao, c'est de les mettre en cage et de les faire crever de faim! Et puis elle lui dirait « tient, prend ça mon p'tit » en lui tendant six autres biscuits, plus deux petites douzaines pour la route. Les vieilles savent y faire avec la bouffe, c'est sûr.

Alors Tao, arrivant au bout de ces pensées que lui avait inspiré une miette sur le plancher, releva sa tête pour tuer Mani avec ses yeux une fois de plus. Il planta son coude sur la table, et l'accusa avec son index en plissant les paupières.

- Non. Jamais. Ta boucle pour toutou de poche, tu te la mets où je pense, Mani. Je ne me soumettrai pas au moindre de tes caprices de fausse marquise. T'es qu'un corps d'emprunt, ne l'oublie pas. Dès ta première ride, elle te jettera comme une vieille qui pue, la marquise, et elle ira en trouver une autre. Il te restera plus que tes restants de charmes pour attirer quelques derniers moucherons, avant de te fantômiser. Et quand tu seras fantôme, t'auras plus rien que le pâle souvenir de ce que t'as été, avec tes railleries de vieille que personne ne voudra plus entendre. Tu seras plus dans le vent, tu seras le vent. Et on te passera à travers sans s'arrêter.

Il aurait pu continuer, mais sentit qu'il risquait de glisser dans une autre histoire. Il baissa le bras, et le ton, mais n'en termina pas tout de suite de fouiller les iris de Mani.

- D'abord mon histoire je m'en fous je la raconterai à... quelqu'un d'autre. Tout ce que je veux c'est coucher avec toi encore. Parce que t'as mis trop de sucre sur la tarte et que j'ai pas eu de dessert... En plus, ton bras, tu te l'ai abîmé toute seule, t'avais qu'à faire attention. C'est ton bras, pas le mien. Par contre, si t'en veux p...

Froncement de sourcils. Tao se cogna la tête sur un mur. Il allait vraiment dire ce qu'il s'était entendu penser? Oui, on dirait. Il fit demi-tour. Un peu sonné, pas trop certain. C'était mal? Il n'en savait trop rien. Le mieux, c'était de changer de sujet. Brusquement il se leva en plaquant ses paumes sur la table plus violemment que prévu. Raison pour laquelle il baissa un instant les yeux vers la surface de bois graisseuse en murmurant un rapide :

- Pardon.

Au meuble pour donner le bon exemple. Mais il ne tarda pas à s'en remettre à sa voisine mal élevée.

- C'est toi qui la veux, mon histoire.

Et il se pencha, à son tour, vers Mani, parce qu'il voulait son parfum, mais s'efforça de lui laisser entendre qu'il ne voulait que lui montrer qu'il n'avait jamais appris à marcher en laisse et qu'il n'avait pas l'intention d'apprendre.

- Et je te la donnerai que si tu me la demandes et que j'y crois, ou si tu viens te casser un autre bras dans les douches. Ce n'est pas un contrat, ni une règle, c'est comme ça et pas autrement.

Il lui prit son paquet de cigarettes, en glissa une entre ses lèvres et rangea le reste dans une poche de son jean. Ensuite, il s'adressa à la vieille, qui devait se trouver quelque part dans les lieux...

- MERCI! beugla-t-il.

Et il reprit, vers Mani, doucereux, en lui caressant le visage d'une main, et le décolleté, le cou, l'épaule, du regard. L'appétit vient en mangeant, qu'ils disent. Une entrée à la pomme ne peut qu'annoncer un grand repas... C'est ce que Tao se disait en ravalant sa salive.

- Penses-y, ma chérie.

Ils étaient mariés, ce soir. D'ailleurs, le mari quitta sans laisser le temps à sa douce de lui répondre.
Dehors, Tao expira ses premières bouffées grises, se traîna les pieds devant l'auberge, sur la rue déserte. L'air frais de la nuit lui fit du bien. Il y avait trop de Mani, là-dedans, ça l'embrouillait, et ça lui demandait plus de présence, plus de lui, plus de neurones, surtout. C'était dur de devoir réfléchir autant quand tout ce qu'il avait envie de faire c'était de tout foutre par terre ce qu'il y avait sur la table et de prendre Mani dessus, les jupons par-dessus bord et hop. Il tira sur sa cigarette en regrettant presque ne pas l'avoir fait. Mais il fallait tenir son bout. Ne pas lui montrer qu'elle pouvait faire ce qu'elle désirait avec lui comme avec n'importe qui. Ne pas la laisser le convaincre de sa banalité. Il n'était pas question de se conformer à l'ordinaire. Et pour ça, il était prêt à prendre des risques qu'il n'avait pas l'habitude de prendre. De ne pas se contenter de faire le bouffon pour faire le bouffon, mais de marquer un but, pour de vrai.

Tao fit dos à la porte, planté sur le chemin. Viendrait-elle? Non. Non, elle ne viendrait pas, elle transplanerait et irait l'oublier dans les bras d'un autre. Ça ferait tellement Mani. Ou alors elle viendrait, lui demanderait son histoire avec un vrai air de bergère et ça le ficherait dans un de ces états... Non, non... Elle ne viendrait pas. C'est la vieille, qui viendrait, pour lui dire que sa femme était partie parce qu'elle était trop fatiguée. Ou qu'elle était partie avec un autre. Qu'elle divorçait, tient. Mais non. Mais si. Elle ne viendrait pas. Ou alors viendrait. Ou pas. Ou...

- Il pleut, il pleut bergère, presse tes blancs moutons, allons sous ma chaumière... gnagna gnagna gna gnaaa...
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Tao Lyngheid
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MessageSujet: Re: Retour au port   Retour au port EmptyLun 21 Juin - 15:38

D'abord il y eu Mani la petite fille qui lui donna presque envie de lui courir après pour lui tirer les cheveux. S'il n'avait pas été occupé à fumer, il l'aurait fait. Avant qu'elle ne parte pour de bon. Parce que c'est ce qu'il crut qu'elle faisait, qu'elle partait, et que lui ne la rattrapait plus. Il l'avait déjà fait une, même deux fois. Rattraper Mani au vol, courir pour la saisir dans le sens contraire. La première fois à la Pimentine, la deuxième sur la route principale.

Mais finalement, c'est Mani l'hypersensible qui l'emporta sur la robe qui courait. Tao n'en fut guère heureux, bien qu'elle lui laissa croire, un moment, qu'il aurait peut-être droit à une part de dessert. Ce qu'elle disait, c'était vraiment long, et pénible. Elle lui répétait qu'il jouait mal. Ouais et alors, elle n'avait toujours pas remarqué, qu'il était déficient? Elle parlait de s'amuser comme s'il y avait une recette, pour y arriver, et qu'il gâchait tout. Qu'il lui lançait carrément les ingrédients en pleine poire, même. Mais ce n'était pas prémédité, non? Voulait-il vraiment faire du mal à Mani? En fait, il songea sérieusement à la pousser, pendant qu'elle lui débita ses reproches en bloc, mais c'était parce qu'il voulait qu'elle se taise, qu'elle arrête ça, ses enfantillages. Pourquoi elle braillait tout le temps comme s'il était si méchant? Oui bon, il avait tendance à lui cracher des mots un peu rudes, mais c'est parce qu'elle était Mani! Elle pouvait le prendre, non? Il l'avait cru, peut-être... Ou alors il cherchait vraiment à lui faire du mal, justement pour provoquer ça. Pour qu'elle le laisse tranquille, même si une partie de lui ne le voulait pas. L'autre Tao, lui, l'imposait à sa manière. Si toi tu n'arrives pas à lui tourner le dos une fois pour toute, on fera en sorte qu'elle parte d'elle-même. Malin, ce Tao-là. Ce Tao même pas réfléchi qui agissait malgré l'autre Tao qui restait tout con derrière sa cigarette morte.

Il jeta le mégot par terre, cracha à côté et croisa les bras en regardant Mani rapetisser sur la route. Ce serait plus simple, s'il la laissait rapetisser jusqu'à jamais. Ce serait plus simple, sans Mani. Comme avant, avec des gens qu'il ne passait pas son temps à frapper avec des mots et qui ne lui demandaient pas constamment de savoir jouer, qui se contentaient qu'il sache rire. Ça c'était bien. Ça c'était la vie d'étudiant qu'il lui fallait. Il n'y était jamais question de se compliquer l'existence, avec les filles. Mani était plus compliquée qu'il n'y paraissait, maintenant il en était certain. Ses règles, son jeu, ça ne lui rentrait pas dans la tête. Il devait être trop intelligent, un truc comme ça. C'était le genre de jeu qui plaisait à la majorité, et qui était adapté pour la majorité, formaté pour le cerveau mâle traditionnel. Le sien était en jujube, en plus d'avoir poussé à l'envers.

Tao décroisa ses bras, les lâcha le long de son corps et ses mains retournèrent se nicher dans leur poche respective. Il se planta au milieu de la route. Mani était frustrée de ne pas avoir eu son histoire, au fond. Ce n'était que ça. Ou presque. Tao sentait qu'il avait peut-être tiré un peu fort sur une corde fragile, en revenant sur la jeunesse, la vieillesse... Lui ça ne lui faisait rien, qu'on le traite de futur vieux, mais Mani elle le puisait vraiment de là, son oxygène; de la belle superficialité qui l'avait faite. Elle n'était pas la seule. Cependant elle devenait réellement cassante. Et pour ne pas qu'il la brise, avec sa maladresse pleine de méchanceté gratuite, elle le fuyait. Ce n'était pas dénué de logique, comme réaction.

Il soupira. La bergère, elle n'en voulait pas, de sa chaumière. Mais la pluie recommençait. Pas aussi fortement que tout à l'heure, mais toujours aussi mouillée, hélas. Sotte, Mani allait se noyer sous l'averse. Elle glisserait, avec ses chaussures de fille, et elle tomberait, elle se cognerait la tête sur le bord du chemin et se noierait dans la pluie, exactement. Il soupira encore, en plaquant ses paumes sur ses tempes et en serrant les dents. Elle l'y obligeait! Il n'avait même plus le choix.
Tao posa un genou sur le sol, appuya ses mains sur l'asphalte, de chaque côté de son corps, releva le postérieur et, au son de la détente imaginaire, décolla à toute allure. Courir, ce n'est pas compliqué. Pas de règles. Qu'un objectif, et on le fixe comme ça nous chante. Courir, Tao, il aimait bien. Alors c'est ce qu'il fit, écouta le vent se rompre et lui couler sur le visage en sifflant dans ses oreilles, jusqu'à Mani. Soudain incertain, il manqua filer tout droit sans s'arrêter, mais s'arrêta. Parce qu'elle ne lui laissait plus le choix. Il ne voulait pas se sentir responsable de la noyade de la bergère toute sa vie.

Tao souffla, marchant à côté de Mani. Trois fois, qu'il la rattrapait. Il lui jeta un regard, en coin, en faisant mine d'être toujours essoufflé, et finalement, passa aux aveux, comme un adulte trop sérieux, bien que plus réservé, dans sa fausse assurance de senior.

- Il faut que je te dise un truc sur la marquise, Mani. Dans toutes ses morts elle est jeune, et prise dans le souvenir de sa beauté, le plus beau qu'elle ait, d'après elle. Mais t'imagines si elle aurait vieillie? D'abord ça aurait fait encore plus d'histoires, mais elle serait devenue encore plus puissante. Et des hommes, elle aurait connu non seulement le goût de leur cervelle, mais aussi de leur cœur. Le goût de leur amour aveugle et d'autres trucs dont on se fiche quand on est jeune. Et puis ses rides, elle aurait appris à les aimer, ou au moins à s'en foutre. Elle se serait mariée, mais son mari l'aurait tellement aimée qu'il lui aurait laissé avoir des amants plus jeunes sans chialer, pour qu'elle rêve encore.

Les yeux rivés devant lui, Tao évitait soigneusement de tourner la tête vers sa droite. Parce que peut-être qu'elle s'en moquait, ou s'en moquerait, de ce qu'il allait lui dire, mais il le dirait quand même.

- Tu serais... Je sais pas combien de fois plus forte si t'avais pas cette faiblesse-là. Je sais que c'est soi-disant sérieux, pour toi, ce que je te raconte, mais t'as qu'à te dire que c'est une histoire... Mais t'as peur de quoi, au juste, de perdre Mani, si tu vieillis? Tu ne tiens pas qu'à un visage et des cuisses, tu sais... Si t'y croyais alors vieillir ce serait rien. Et tu serais libre de vivre comme tu l'entends sans jamais que quiconque arrive à te faire du mal en te traitant de future vieille. En plus Mani, même quand t'auras quarante ans, cinquante ans, il y aura encore des jeunes hommes pour t'aimer, tu verras. Et t'auras le droit d'en profiter. Parce que t'es une femme. Et puis si tu préfères les vieux comme je serai, t'auras tout autant le droit d'exiger qu'on t'aime, et de la manière que tu veux... Tu seras toujours belle, dans les yeux de quelqu'un. Et parce que tu n'auras plus vingt ans, tu te seras rendue compte que c'est suffisant. Que c'est même un million de fois mieux que d'être belle dans les yeux d'une foule de gars que tout ce qu'ils voient c'est que t'as une tête pas mal et qui n'ont qu'envie de passer leurs besoins de chair sur toi ou sur les fantasmes que tu leurs inspirent.

Tao espérait voir SWYN apparaître bientôt, pour qu'il se la ferme. Pour que Mani se souvienne que des fonds de bouteilles devaient l'attendre dans la salle commune, ou qu'elle avait envie de prendre une douche, et qu'il en avait besoin aussi. Ou pas, mais qu'importe.

- Crois-moi tu devrais essayer. Ça te ne coûteras que ta vie... Et je t'en garantis la réussite. Je serais prêt à jurer, tellement je suis sûr de ce que je te dis. Autrement t'auras qu'à me trouver, pour te plaindre, et je ferai en sorte que t'ai aucun regret de ne pas avoir fini comme la marquise.

Ça y était, c'était sorti, ce bloc de guimauve qui lui entravait les voies respiratoires, et la voix. Pas étonnant qu'il manquait d'air dans les méninges. Il retrouverait son inspiration, bientôt... Et il pourrait chanter encore. Mais la Marquise le bouderait peut-être un temps. Elle risquait d'aller en hanter une autre, pour qu'il la cherche à nouveau. Ou alors elle se débarrasserait de lui une fois pour toute.
Il ne voulait pas savoir comment.
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Tao Lyngheid
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MessageSujet: Re: Retour au port   Retour au port EmptyMer 23 Juin - 5:18

Elle l'avait écouté. Il aurait dû s'en douter. Elle écoutait trop bien, Mani, et elle le ferait sentir coupable de ses propres mots. Ça y est. Elle le fit, plutôt faillit lui faire regretter son débordement. Mais il ne prit pas longtemps à se dire qu'elle n'en ferait pas de cas, qu'elle resterait Mani, en la voyant se découvrir les épaules et les cuisses, auxquelles il résista, d'ailleurs, sans grand mal, baissant les yeux, déçu, malgré lui. C'était pourquoi, déjà, qu'il avait gaspillé sa salive? Il ne savait plus. Peut-être qu'elle avait raison, qu'il ne la rattrapait que pour ce qu'elle avait à offrir à sa vue, à ses mains. Alors il choisissait de ne plus la voir, de fixer le vide, là, près du sol. Il y avait du vide entre leurs pieds et la chaussée humide. Il n'avait pas besoin de voir les flammes dans ses prunelles pour les entendre crépiter dans sa voix. Tao ne lui en voulait pas, il avait seulement envie de la traiter d'idiote, ou de n'importe quoi. Et de se renvoyer l'insulte lui-même. C'était son idée, de s'acharner sur un cas qu'il ne comprenait pas, et sans raison.
Ou alors si, pour une raison, ça. Pour ce baiser qu'il n'attendait pas. Pour cette taille qu'il n'était plus certain d'avoir l'occasion de toucher. Pour les aimer, ces lèvres silencieuses, sans peine. Les aimer trop fort, pour qu'elles se taisent encore, et longtemps. Et que ça finisse dans un soupir. Il aurait dû fixer le bandage plus solidement. Comme ça, sa bouche n'aurait plus parlé.

À en croire ce qu'elle racontait, ce soir c'était sa dernière chance de goûter de la Mani. Parce qu'elle en avait marre, et que tout ce qu'elle voulait, elle l'aurait eu. Ça l'ennuyait, Tao. Demain, il retrouverait le bon lui, et elle la bonne Mani. Et il ne la regarderait plus et elle s'en ficherait parce qu'elle l'aurait rayé de sa liste. Elle aurait gagné. Elle avait déjà gagné. Mais le plus con c'est qu'en se demandant ce que lui aurait gagné, et comment il aurait pu y arriver, il ne trouva pas de réponse. Le but ce n'était pas tant de résister à Mani, lui sembla-t-il. Alors le but c'était...? Savait pas. Pas vraiment besoin de but, de toute façon, quand on prétend ne pas avoir de règles, et qu'on est pas capable d'en suivre.

Elle le prenait pour le Tao qui l'ignorait dans les couloirs. À ses yeux, le vrai Tao, c'était celui-là, le beau, le désinvolte, le frère, les cheveux trop longs, le bleu. Pas le méchant, pas celui qui lui soignait le pied et le bras et qui la traitait de future vieille. Pas celui qui se surprenait à lui tendre des promesses, naïf, tout droit descendu de la lune. Mais parce qu'il était Tao, et que le vrai, le vrai de vrai, était fou, et pas seulement lunatique, mais lunaire, et pas seulement somnambule, mais rêvé, et voyant. Parce que tout ça, même si l'amertume lui assénait un autre coup sur la nuque en lui composant une tête un peu défaite, et que la désillusion lui passait un nœud autour du cou en étranglant son sourire, ne lui empêcherait pas d'ouvrir la bouche encore et de penser qu'il finirait par trouver quelque chose. Juste... quelque chose. C'est beau, d'être con. Et bien qu'il douta qu'il arriverait à cesser de l'être comme elle le lui intimait, il s'assit à côté de la petite fille, consentant à lui raconter son histoire. Il le fit doucement, sans la regarder.

- Dans les couloirs du château de la Marquise, il y avait des ombres et des pas, qui traînaient. Tout le temps. Mais très peu de fantômes. La grande dame leur trouvait une fadeur amère, sans texture, sans saveur. La Marquise, ce qui l'intéressait, c'était ce qui palpitait encore de vie, ce qui saignait et qui, sous la dent, se rompait, se déchiquetait et se libérait de son pouls, passant d'un corps à l'autre. Et revivait. L'esprit, le souvenir, la soi-disant âme, même partielle, elle n'en avait que faire. Elle voulait le charnel, dans sa main, coulant le long de ses doigts, incrusté sous ses ongles. Et elle l'avait. Les hommes, elle les préférait vidés de leur bêtise humaine, sans cervelle, donc. Bien vite s'avéra-t-il que l'unique plat figurant à son menu fut la fringante matière cervicale masculine. Cependant il se trouva qu'un jour, les jeunes hommes n'ayant toujours pas passé, et finit, à sa table furent envoyés sur le champ de bataille, le Pays entrant en guerre. Les événements s'enchaînèrent à une telle allure que la Marquise n'eut point le temps de remplir son garde-manger. Heureusement, ses chasseurs et chasseresses dénichèrent suffisamment de méninges mâles pour que leur maîtresse ait de quoi subsister tout au long des combats. Hélas, les soldats furent peu nombreux à avoir échapper aux feux des bombes et des canons, lorsque la guerre prit fin, et la Marquise eut de plus en plus de mal à satisfaire son appétit de belle ogresse. Elle décida donc de convoquer toutes les jeunes familles du royaume. Elle pourrait ainsi constater de la qualité et surtout la quantité de ses mets à venir, ainsi que les maris dignes de son couvert. Dans la première famille qui se présenta devant elle, il apparut que le père était un fantôme. Dans la deuxième, pareil. Ainsi que dans la troisième, et dans maintes autres qui suivirent. À la neuvième famille, la Marquise interrogea la mère. Comment cela se fait-il que vous ne vous soyez pas remariée? L'autre lui répondit qu'il ne restait plus que des vieux ou des éclopés, et qu'en plus, un mari fantôme, c'était un mari idéal. Il pouvait toujours veiller sur les enfants et puis, pendant la guerre, les femmes, disait-elle, avait appris à se débrouiller seules, pour gagner leur pain. Et il n'était plus question que le père ne gaspille les économies en alcool, tout lui passait à travers, même elles. La Marquise demanda alors comment elle assurerait leur descendance, et la femme lui renvoya que des enfants, elles n'en avaient pas besoin d'une dizaine, que moins serait mieux, parce que ça ferait des bouches en moins à nourrir. Leur entretien se conclut là-dessus. Le problème était sérieux. Au lendemain de son enquête, la Marquise commanda la construction d'une vingtaine de paquebots. Cependant les travaux prirent du temps, et du temps, la Marquise en avait bien peu, car ses réserves arrivaient à leur fin et vint finalement le jour où un serviteur lui annonça, le dîner venu, qu'il n'y avait plus rien à servir. La colère de la jeune femme était terrible, mais elle n'en fit rien paraître, et ordonna plutôt au domestique de s'agenouiller à son côté et, d'un coup, planta sa fourchette dans son crâne. Il ne cilla pas, et elle, lentement, porta l'ustensile devant sa bouche, et goûta, du bout de sa langue, le liquide rougeâtre qui coulait sur le métal. Elle plissa les paupières, et le serviteur la regarda : Alors? Elle haussa les épaules, et exigea qu'il aille sur-le-champ lui trouver de quoi la contenter. Plutôt que de lancer une partie de chasse, il se pencha afin de poser sa tête sur l'assiette vide de sa dame.

Tao avait soif. Il prit le poignet de Mani, le porta à sa bouche et le mordit, assez fort pour y laisser une trace un instant, mais pas assez pour que ça saigne. Cela dit, ce fut peu concluant car il n'avait pas les crocs suffisamment aiguisés. De toute façon, du sang de Mani l'aurait sûrement fait dégueuler. Il tourna la tête, sans croiser les yeux de la petite fille, et chercha dans la rue, du regard, une enseigne.

- Si tu veux la fin, faudra que tu viennes avec moi.

Il lui prit la main, et se leva.

- Je peux plus continuer. J'ai soif, mais pas de pluie. Et je veux me déshabiller. J'ai froid au derrière.

Le jean mouillé ne l'épargnait plus, c'était inconfortable, qu'il y croit ou pas.

- Là.

Qu'il pointa.
Possiblement la dernière option de toit avant SWYN. Mais pas une auberge, cette fois. Un hôtel. À peu près. Tant qu'à se ruiner, aussi bien le faire jusqu'à atteindre le fond de ses poches.
Le commis, à demi-endormi, écarta du bout du doigt les moutons de poussière ratatinés qui étaient venus avec la monnaie, et tendit en échange une clé en marmonnant des indications.
Dès qu'il mit un pied dans la petite pièce obscure, Tao déboutonna son pantalon, retira son t-shirt et l'abandonna sur ce qui devait être le lit. Il sema ses chaussures sur son chemin vers la salle de bains et avec sa baguette, alluma les bouts de chandelles qu'il restait dans les chandeliers. Débarrassé de son jean, et bientôt de tout le reste, il se fit couler un bain chaud, cala un grand verre d'eau et plongea se réchauffer les fesses. Il continuerait son histoire quand il en aurait envie. Et en attendant, au cas où Mani parlerait, il jouerait à se noyer. Les mains sur les rebords de la baignoire, il fit couler sa tête et écouta son cœur battre contre les parois de céramique. Et il compta un, deux, trois, quatre, cinq... D'habitude il tenait au moins jusqu'à... six, sept, huit, neuf, dix, onze... La dernière fois il avait fait genre... douze, treize, quatorze... Presque deux minutes... quinze, seize, dix-sept, dix-huit... Peut-être qu'il arriverait à en faire trois.
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MessageSujet: Re: Retour au port   Retour au port EmptyVen 25 Juin - 2:38

Il compta au moins jusqu'à quatre-vingt-trente-douze, mais hésita à continuer. Les battements de son cœur ne frappaient plus le bain avec autant de vigueur et de rythme qu'aux premières secondes, et sa tête était entrain de se remplir d'eau. C'est aussi parce qu'il se douta que Mani ne le sauverait pas, s'il persistait à se noyer davantage, qu'il émergea finalement de l'eau. Elle ne ferait pas comme sa mère et ne le tirerait pas par le bras en lui disant qu'un beau jour (un beau jour), elle arriverait trop tard. D'ailleurs, une bonne fois, elle n'était pas arrivée du tout. Mais Tao, convaincu qu'elle arriverait, était demeuré sous l'eau, les joues gonflées, les mains crispées sur le rebord laqué, puis on l'avait cueilli, en prenant la peine de lui tenir la nuque. Quand il avait ouvert yeux, il avait vu son beau-père, et il lui avait craché de l'eau au visage.

Il n'eut pas d'eau à cracher au visage de Mani. Et dégagea plutôt le sien de ses cheveux.
Il aurait cru entendre sa babysitter. Sauf qu'elle ne l'aurait pas embrassé. Tao souffla, oxygéna son pauvre cerveau sec, et acquiesça en se répétant mentalement combien de temps il avait tenu. Faudrait qu'il s'en souvienne, pour le dire à Lae. Il tenait un registre, en faux, mais ça l'amusait bien de faire comme s'il tenait un vrai registre de toutes ses tentatives de noyades. Au moins deux ou trois centaines d'entrées devaient y figurer, maintenant.

Quelle question. Il ne répondit pas. Ça méritait réflexion. La réponse lui sembla, sur le coup, tellement évidente que c'en était encore plus con que lui. Puis, tellement impossible que rien que de la concevoir était désagréable. Mais il ne se fit pas souffrir à y penser bien longtemps et se leva, alors que l'eau coulait toujours. Il irait retrouver Mani dans la chambre. Peut-être qu'elle s'était déjà déshabillée, qu'elle l'attendait, lascivement étendue sur le lit, prête à clore l'entente. Il aurait son dessert. Et puis après, ce serait comme elle avait dit. Il disparaîtrait. Il était trop Tao, pour devenir l'ami de Mani. Et elle était trop Mani, pour ne pas qu'ils s'effritent, à se tenir trop près l'un de l'autre. Difficile de dire pourquoi, mais c'était comme ça et il ne pourrait rien y changer même s'il le voudrait. Quand même, c'est dingue comme il aimait se battre contre cette évidence, juste pour se contre-dire. Impossible, donc, de chasser cette voix qui lui racontait que ça ne reviendrait jamais comme avant, qui l'invitait à continuer, parce qu'il n'y avait pas de raison de faire volte-face, qu'il était trop tard pour revenir, de toute façon. Par contre, l'autre voix, celle qui disait qu'il perdait son temps, qu'il faisait n'importe quoi et qu'il le regretterait, et bien elle, il avait trop d'eau dans les oreilles pour l'entendre.

Rapidement, et très approximativement, il épongea ses cheveux dans sa serviette avant de se l'enrouler autour de la taille sans se sécher davantage. Après s'être débouché une oreille en sautant sur un talon, tête inclinée, il fit taire le robinet avant que la baignoire déborde. Il allait oublier. Et il y était, enfin, à tirer sur la poignée, puis sur la serviette, à dégoutter sur Mani... Peut-être que si elle était gentille, il lui ferait même une danse de gogoboy. Ça la ferait rire, ou alors elle crèverait de honte. Mais il en doutait, des deux possibilités. Elle ferait comme si c'était normal. Ou alors elle le ferait arrêter. Sauf que le mieux ce serait qu'elle danse aussi. Ils danseraient tellement qu'ils en oublieraient la suite et ils tomberaient endormis. S'il en trouvait la force, il lui chanterait un petit rap tchèque joliment vulgaire avant de décoller. L'inspiration viendrait d'elle-même.

Dans la chambre, plus personne. Juste des restes de Mani, dans l'air. Un paquet de cigarettes, sur la couverture. Et ses souliers. Tao se pencha pour regarder sous le lit. Personne.

- Mani?

Quelle conne, songea-t-il en s'allumant une cigarette en coin de sourire. Elle lui avait laissé un mot. Il le lut rapidement, ne termina pas la dernière phrase et laissa tomber le papier à ses pieds. Elle ne pouvait pas être partie depuis bien longtemps, il n'avait même pas fait de deuxième tentative à inscrire à son registre des noyades. Parce qu'il avait une histoire à terminer et une question à laquelle il devait répondre. Il n'avait pas oublié, malheureusement. Alors à son tour, Tao ouvrit la porte, mais en s'y ruant, et bondit, enfin presque, dans le couloir. Pas de Mani. Il s'engagea dans l'allée d'un bon pas, la fumée lui sortant par les narines, les cendres neigeant à ses pieds. Au tournant, il la vit, quelques mètres plus loin, s'apprêtant à descendre l'escalier. Il écrasa ce qu'il restait de sa cigarette sur le mur et chargea en poussant un rugissement trop viril. Dans le même élan, Tao attrapa Mani par la taille, la tourna face à lui pour l'appuyer sur son épaule et la prendre comme une poche de patates. Il l'avait crue moins légère. D'un bras, il la tint fermement contre son oreille, de l'autre, il se mit en garde contre les coups qu'elle pourrait tenter avec ses jambes. Et parce qu'il sentait trop bien son rôle de Tarzan, il s'adressa à elle avec sérieux, en vrai homme de la jungle.

- T'es qu'une trouillarde, Mani Leverenz!

Il la ramenait à son arbre d'une démarche ferme. Quatre fois, qu'il la rattrapait. Il ne put s'empêcher de songer que la mère de Daniel Qué avait raison, quand il l'avait entendu dire à à sa fille que plus les femmes se montraient indépendantes, plus les hommes leur couraient après. Il avait alors demandé ce que devaient faire les hommes, dans ce cas et, comme si c'était évident, elle lui avait rit en lâchant un « Devine, petite tête! ». Longtemps il se l'était grattée, la tête, en essayant de trouver la réponse à son problème. Tao en était venu à déduire que, si les femmes se montraient indépendantes dans le but que les hommes s'empêtrent davantage dans leurs filets, alors c'est qu'ils devaient se laisser berner et s'accrocher à leurs jupes en pleurant, avec des fleurs plein la gueule. Bizarrement, il n'avait jamais vraiment mis cette technique en pratique, quand les filles avaient tenté ce coup-là avec lui. Et c'était frustrant de penser, là maintenant, que Mani l'avait possiblement bien eu.

- T'as peur de pas t'ennuyer autant que tu crois que tu vas t'ennuyer, pas vrai! Toi et tes idées préconçues de fille soi-disant affranchie de cervelle mâle. Quand tu seras une déesse, ou une Marquise, alors seulement je t'accorderai le bénéfice du doute.

Il poussa la porte demeurée entrouverte et la referma vivement d'un coup de pied par derrière. Enfin, courbant l'échine une fois devant le lit, il se débarrassa de son fardeau en le lâchant sur le matelas. Les jambes de Mani entre les siennes, il posa ses mains de chaque côté de sa tête et lui fit face ainsi, ne quittant pas ses yeux de vue, et ne lui camouflant pas son sourire.

- Tu parles d'une sortie... Si t'as pas envie de coucher avec moi, ça va. Je m'en fous. Mais t'aurais pu attendre que je te réponde, non? Tu croyais quoi, que je t'avais oubliée? Quand c'est toi qui fais attendre, je parie que ça va mais quand c'est les autres, alors là... Princesse... Tu prends tes grands airs? En plus t'as tout faux, avec l'histoire.

Il se redressa, pour s'asseoir sur les hanches de Mani, et croisa ses bras.

- Et puis d'abord, pour pas que t'aies de regrets, je te dirais comment la Marquise, en dehors des histoires que je suis le seul à raconter sur elle, elle n'est plus rien qu'un fantôme dépassé qui regrette le goût du sang. Mais parce que ça ne serait sûrement pas suffisant pour te convaincre... Je te regarderais bien droit dans les yeux, et je te dirais : Qu'est-ce que c'est que tu veux, à la fin, Mani? Et toi tu me répondrais... Tu me répondrais quoi?

Ce n'était pas exactement la réponse à laquelle il avait songée en premier lieu mais, tant pis. Ça lui était venu tout seul.
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MessageSujet: Re: Retour au port   Retour au port EmptyLun 28 Juin - 4:52

Elle essayait de le faire cauchemarder c'est ça? Forcément. Elle voulait lui déchirer son beau décor d'hôtel ordinaire. Mais il ne la laisserait pas faire, apparemment pas décidé à déloger de sitôt de son trône. Quel trône, d'ailleurs! Avec un trône pareil, n'importe qui voudrait être roi jusqu'à ce qu'il se décompose sur le velours de son siège. Cependat Tao était encore jeune, et solide, il ne se décomposerait pas avant... longtemps. Puis cette position, plus ou moins assise, plus ou moins naturelle, définitivement suggestive, devenait cependant le vecteur d'une pressante distraction qui occupait la quasi-totalité du peu d'esprit qui l'appuyait toujours dans ses entreprises. Il sut tout de même se montrer un tant soit peu attentif aux grommellements de Mani. Par contre, conscient qu'il ne l'empêchait sûrement pas de respirer, là où il était, il ne considéra pas la remarque sur son poids, et se consola en se disant qu'il ne s'agissait que de muscles, de toute façon.

Il attendit qu'elle finisse, s'accommoda de la fumée qu'elle lui souffla dessus comme si de rien, s'efforça de garder ses yeux fixés sur les siens, ou au moins sur sa tête, et retint même ses doigts impatients fermement plaqués entre ses côtes et ses bras. Parce qu'il les lui aurait bien mis autre part. Mais il essayait la politesse, ou plutôt un genre de civilité. Autrement, Tarzan risquait de prendre de sérieux penchants de ses cousins les gorilles et éviter les détours.

- Je comprends.

C'est comme ça qu'il commença, hochant la tête et clignant des paupières, compréhensif, de toute évidence. Puis il passa une main sur sa crinière de lion mouillé, renifla comme un homme des cavernes, se gratta le menton avec ses griffes taillées de tigre. Les poings planté sur ses hanches bouillonnantes, il baissa les yeux sur sa serviette.

- Je comprends que t'aies du mal à t'imaginer ce que tu voudras quand tu seras vieille. Mais si tu te rends pas jusque là, tu ne pourras jamais me prouver que j'avais tort quand je te dis que tu seras une plus que Marquise. Et si tu crèves délibérément avant, je saurai que j'aurai toujours eu raison et que t'étais morte de peur et que t'as pas eu le cran de relever mon défi et de surpasser la Marquise. Ou que t'as pas eu le cran de me faire confiance.

Mine de rien, il y avait de la réflexion, derrière ses mots. Il devait faire preuve de logique. Parce qu'il avait découvert en Mani une mathématicienne de la parole. Il se doutait, cela dit, que peu importe les mots qu'il avait le malheur de laisser s'échapper de sa bouche, elle les ferait équivaloir à « conneries », mais parce qu'il avait toujours eu une ambition d'illuminé, il persistait.
Oui Tao de l'ambition, il en avait tellement que ça devenait du délire, pour certains. Et ceux qui éprouvaient de la sympathie pour le trop inspiré, se convainquaient qu'il devait sans doute plaisanter. Il avait longtemps considéré le métier de président du monde, plus jeune, puis celui de président de la lune. Il s'était dit que le jour où il deviendrait le lunatique le plus important du petit satellite blanc, c'est qu'il en serait venu à ce jour où il pourrait absolument tout faire. Mais alors là, tout. Et même plus que tout. C'était tellement évident qu'il n'avait pu qu'en tomber de sa chaise, en classe, frappé par cette sublime révélation. Il avait parlé, et parlé, et parlé, encore et encore en manquant verser une larme parce qu'il oubliait de cligner des yeux. À l'internat, on l'avait amené chez le directeur et pendant tout le trajet il n'avait fermé la bouche que pour avaler sa salive. Il s'en était fallu de peu pour qu'on ne le croit malade. On avait soupçonné la fièvre, puis un sort, une potion... Et finalement, un professeur, souriant à l'entendre, lui avait ébouriffé les cheveux en déclarant qu'il avait bien raison. Tao s'était tu. Un temps, figé. Et un dernier « oui » soufflé d'entre ses lèvres avait conclu son interminable discours oral. Qui se poursuivait, depuis, entre ses deux oreilles.

Mani l'aurait encore plus détesté gamin. Ça se voyait à sa tête, qu'elle avait dû être une enfant terrible. Un beau petit monstre en robe qui se fichait bien de ce qu'il ferait plus tard. Qui profitait amplement de son maintenant. Qui devait s'être dégotté quelques sujets dès son premiers cri, et qui jouait, beaucoup. Qui jouait encore et qui se fichait de demain. Ah ça, en fait, pas exactement. Ce qui était surprenant, par ailleurs, de la part d'une fêtarde de sa trempe. Les fêtards ne doivent pas s'inquiéter des lendemains, autrement ils ne seraient pas des fêtards. Et Mani se souciait de l'état de son royaume de la fête, pour les lendemains à venir, parce qu'elle se souciait de la présence de Tao. Il ne fallait pas qu'il pollue sa scène plus longtemps, comme si c'était possible, comme si elle avait songé que ça pourrait l'être, comme si elle avait perdu son assurance de Mani. Elle devait craindre les somnambules. Ils avancent sans savoir où ils vont. Ils croient marcher sur des fleurs alors qu'ils mettent les pieds sur des cactus. C'est ce qu'ont dit. Mais les cactus, les fleurs... D'une tête à l'autre, ils peuvent bien changer de costume, troquer leurs épines pour des pétales, et vice versa. Après, allez savoir ce qu'ils sont réellement. Qui sait, ce n'est peut-être que de l'herbe.

La taie d'oreiller devenue bandage s'était déchirée, tout à l'heure. Il n'avait rien fait, l'avait presque oubliée, mais voilà que la fissure lui disait bonjour, ainsi dévoilée par la posture de Mani. On l'avait contaminé, lui et les autres étudiants de Santé magique, avec des réflexes, à l'université. Il essayait de les combattre, des fois, juste pour s'assurer qu'il n'était pas devenu un guérisseur automatique, mais c'était franchement difficile. C'était devenu plus que des habitudes. Des réflexes, en somme. C'est dire s'ils n'étaient pas innés.

Il songea à ce que Mani avait averti, tentant de discerner ce qu'elle disait de ce qu'elle ferait. Tao éprouvait de plus en plus de mal à croire à la facilité qu'elle semblait déterminée à lui faire entendre lorsqu'elle lui répondait. Ce ne serait pas surprenant de la voir déguerpir, en effet, dès l'instant où il lui en donnerait l'occasion. Quoi que, il ne la retenait pas avec des chaînes, non plus. Mani était capable, il n'en doutait pas une seconde, de le jeter par terre, s'il lui en prenait l'envie. Alors c'est que l'envie ne devait pas y être à ce point... Il pourrait en profiter. Mais plutôt que de l'embrasser, comme il en avait envie, et de lâcher ses mains sur sa taille, sur ses seins, comme il en avait toujours l'appétit, il ne fit rien. Ou du vent, avec sa bouche. C'est que c'est peut-être tout ce qu'elle y entendrait, mais il dit tout de même, n'osant d'abord pas la regarder en face.

- Ça me ferait chier d'avoir eu raison.

Et ce n'était pas plus agréable de le dire.
Il se détrôna lui-même, finalement, poussé par un coup de vent. De toute façon c'était devenu insupportable, de rester assis là sans rien faire.

- Tire-toi si c'est ce que tu veux, je te rattraperai pas. Mais d'abord, laisse-moi refaire ton bandage laisse-moi refaire ton bandage laisse-moi refaire ton bandage. Sinon je vais mal dormir et t'auras un somnambule à tes trousses.

Se disant, il avait saisi sa baguette dans la poche de son jean sur le plancher et retourné vite fait au lit. Il viola l'intimité d'un nouvel oreiller et enleva l'autre taie encore froide. Avant de refaire le bandage, Tao réchauffa le bras de Mani en l'enveloppant de ses deux mains, de ses paumes qui avaient brûlées de réchauffer autre chose.

- Je comprends, aussi, que tu préfères qu'on remette le dessert à plus tard...

Qu'il plaisanta sans être d'humeur à plaisanter.
Et il refit le bandage.
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Tao Lyngheid
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MessageSujet: Re: Retour au port   Retour au port EmptyLun 5 Juil - 18:07

Le costume du troubadour devenait trop grand pour lui. Tao s'en extirpa et jeta ses habits de poète sans le sous à ses pieds. Ils furent plusieurs à se battre pour hériter des vêtements et en vinrent à les déchirer, de leur enthousiasme sauvage de petits mâles en rut. Il s'assit sur le matelas mis à nu par Mani, les coudes sur ses cuisses légèrement écartées, ne s'inquiétant pas de ce que sa serviette un peu courte ne masquait plus. La tête en appui dans ses mains qui lui faisait comme un socle, il songea que c'était faux. Tout l'était. Il soignait les filles parce qu'il le fallait bien, mais il aurait pu se passer de leurs cils battants. Évidemment, qu'il aurait pu, on ne choisit pas de se fendre le crâne pendant des années en Santé magique seulement pour ausculter des demoiselles. On le fait parce que... Parce qu'on a la vocation, forcément. Tao avait la vocation. La preuve : il étudiait encore. Il était fait pour ça. Et ses mauvaises notes, il les devait à la négligence des professeurs. Ils ne voyaient pas toute l'étendue de son talent particulier.
La belle plaisanterie, oui. Non les profs, ce prof, avait eu raison, quand il lui avait demandé pourquoi il avait choisi ce domaine-là. Je veux... soigner les gens...? Il y avait eu de quoi rire, à ce bredouillement de réponse trop simple qui n'en était pas vraiment une, et à la tête qu'il s'imaginait avoir faite en s'étouffant avec. Saleté de Mani. Au fond, elle les enviait, toutes ces pauvres filles qui se permettaient de battre des cils comme des filles et de parler comme des filles.

Il tomba sur le dos, bras en croix, et le matelas le cueillit sur son gros ventre dur plein de ressorts. Tao voudrait un gros ventre dur plein de ressorts, quand il serait vienx. Ça devait faire un drôle d'effet... Il tourna la tête et vit, sur le rebord, ramper la chemise tachée du troubadour.

- Merde, ils t'ont pas bouffée, non? qu'il murmura en remuant à peine les lèvres.

Saleté de troubadour.
Il souffla un ouragan et comme un drapeau blanc, cela s'envola à la manière de la fumée. Mais ça reviendrait, il le pressentait, comme un orage. La suite de l'histoire, dans les mots de Mani, avait été hideuse et fausse comme un accord raté. De la musique de film d'horreur moldu aurait bien fait, comme trame sonore à sa voix de sorcière pleine de mensonges. Elle avait violé son troubadour en lui plantant des vis dans la tête, et avait tué le fil de l'histoire, à son avantage et à celui de la Marquise. Il aurait dû l'en empêcher et la faire taire, quitte à précipiter le dessert. Mais il l'avait trouvée belle, dans sa robe de déesse grecque. Et n'avait pensé, en l'écoutant, qu'à la lui enlever, pour qu'elle lui enlève, à son tour, son costume de statue de musée. Un jour on les exposerait, tous les deux, et on ferait croire à tout plein d'histoires, quand les enfants passeraient devant en les pointant du doigt. On leur dirait qu'il s'agissait de deux dieux qui étaient tombés du ciel pendant une bagarre, et qu'ils avaient atterri dans un lac de nuages et que, sur le coup, ils s'étaient figés. À la fois dans la glace, dans le blanc, dans le vide, à l'abri du temps et de la gravité. On les avait repêché dans le ciel, avec des lassos, puis on les avait cloués ici, dans un musée. Et quand les enfants demanderaient si un jour ils redeviendraient comme avant, vivants, et qu'ils remonteraient dans leur ciel de dieux, on leur dirait que peut-être.

Tao leva les jambes, comme un levier, plia les genoux, et propulsa ses pieds vers le haut. Comme un ninja il atterrit sur les ressorts, puis bondit sur le sol et perdit sa serviette, mais il la remit autour de ses hanches, avant de pousser la porte.

- Mini Mani... Ton histoire c'est de la triche.

Il l'accusa sans conviction, et prit place sur le siège abaissé de la toilette, jambes croisées. Et vit alors la chemise rappliquer dans le cadre de la porte, et la lui claqua en plein col. Il faisait chaud, dans la salle de bain. Le bain fumait du brouillard et les miroirs suaient.

- Tu te fais cuire, ou quoi?

Il rouvrit la porte, finalement, en se disant que d'ici à ce que la chemise lui grimpe dessus, il aurait le temps de la faire brûler en mots. Avec Mani, en plus. Il se servirait de la Mani cuite comme un homard sur un nid de chemise grillée, dans une assiette de ressorts.
Posément, comme le condamné qu'il était, il exposa ses faits sans presse, les réfléchissant au fur et à mesure que les mots se liaient.

- Tu t'es servi du troubadour injustement et tu lui as fait faire des trucs qu'il ferait pas, en vrai. Tu peux pas raconter les histoires de la Marquise, t'es possédée, alors c'est impossible que tu racontes les choses justement. Tu vois pas clair, t'es comme dans le brouillard d'un fantôme. Mais c'est pas important.

Il porta son regard vers la baignoire, sur Mani qui y mijotait. Il douta qu'elle n'ose s'y noyer. Il se dit que c'était con, cette chambre, cet hôtel, ce Bourg-en-bière déserté par SWYN. En vérité, ils n'étaient peut-être plus là. Ils étaient tellement ailleurs qu'ils n'existaient plus. Ils s'étaient écartés de la route sans le savoir et maintenant ils erraient sans vraiment chercher à retrouver leur chemin. Parce qu'ils savaient c'était par où, la route, mais que pour une raison stupide, ils restaient là, entre deux ici. Ouais c'est ça. Et Tao s'agenouilla par terre, appuya ses bras sur le rebord du bain, et plongea une main sous l'eau, pour jouer au requin.

- Je sais bien que je suis con et que tu t'en aies aussi rendue compte. Mais toi non plus t'es pas tellement brillante, non?

Il lâcha sa main prédatrice du regard et se concentra sur le visage de Mani, sur ses yeux pleins d'ectoplasme, soi-disant.

- Je te supplierai pas, parce que j'en ai pas besoin. Et tu l'as dit que parce que tu crois encore que tu peux gagner. Et je sais même pas quoi. C'est pas un jeu. C'est trop compliqué et trop simple, ou trop con, pour en être un...

Pas vrai? Ses yeux bleus tentaient de s'en convaincre, tout comme il fixait Mani pendant que sa main la mordait, la goûtait plutôt, ici, et là, du bout des doigts ou de la paume toute entière. C'était épuisant, pour la tête, de répéter, de tourner en rond, de parler, toujours et encore, en portant ce sentiment de devoir se défendre, et remettre, constamment, les points sur les i que Mani envoyait valser d'un coup de pied.
La chemise le prenait par la cheville, mais il la laissa faire, et sourit, indolent, posant sa tête sur son bras.

- J'ai une idée... Pour t'aider à te débarrasser de moi. Si j'arrive à te faire croire que je te veux du bien, je parie que j'arriverai plus à te rattraper. Que tu me laisseras plus faire, parce que tu t'empresseras de faire en sorte de ne plus voir. Même si je me baladais nu dans les couloirs de l'université.

Il se redressa un peu, fit nager sa main contre le ventre, contourner la poitrine, et remonter jusqu'au visage, pour le lui prendre, glisser ses doigts sur la joue, et enfin se hisser jusqu'à la bouche, et l'embrasser. Embrasser Mani, et la Marquise, avec la chemise du troubadour qu'elle avait triché.

- T'es d'accord?

Ce serait facile, en plus, pour elle. Tout ce qu'elle aurait à faire, c'est lui tourner le dos.
Il s'éloigna, et l'attendit, toujours agenouillé près de la baignoire, en la regardant en dessous du menton, le côté de sa tête une fois de plus contre le creux de sa paume.
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Tao Lyngheid
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MessageSujet: Re: Retour au port   Retour au port EmptyMer 14 Juil - 20:24

Dans les hôtels c'est bien, il y a toujours quelqu'un qui passe derrière nous pour ramasser ce qu'on aura laisser traîner précisément dans l'idée que quelqu'un passe toujours pour le ramasser. Mais la prochaine fois qu'il aurait envie de payer pour qu'on balaie ses pas à sa place, Tao irait dans un hôtel moldu. Il demanderait une chambre avec une télévision et il regarderait la télévision absolument toute la nuit. Il visiterait tous les postes disponibles et paierait pour avoir tous les postes possibles et imaginables, même ceux qu'on disait qui n'étaient pas pour les enfants, parce qu'il n'est pas un enfant. Il devrait peut-être rester une deuxième nuit, pour ça, mais il était prêt à payer. Ce serait infiniment mieux que de faire semblant d'écouter Mani lui refaire le coup du « t'as toujours rien compris, mais je vais t'expliquer, comme je suis si intelligente ». C'était pas trop grave, il pouvait encore jouer au requin et ça lui plaisait bien comme jeu. En fait, Mani, avec d'autres mots, elle lui répétait qu'il n'était qu'un Tao parmi tant d'autres. Pas nécessairement d'autres Tao, mais des comme lui. Mais elle aurait beau le répéter jusqu'à sa mort, il n'entendrait pas plus. Mani se trompait, c'était une grosse tache sur sa belle page d'histoire. Parce que Tao était Tao. Ce n'était pas qu'une affaire de prénom ou d'égo de type cumulonimbus, mais c'était comme ça quand même. On pourrait en écrire une jolie thèse de niaiseries.

Comme elle achevait sa tirade, et qu'il la regardait toujours avec son presque invisible sourire de quelqu'un qui fait semblant d'écouter et que ça amuse bien de mal faire semblant d'écouter, il fit mine de lui renvoyer son jet d'eau. C'est qu'il manqua un peu son coup, mais ça ne le dérangea pas tellement. Il baissa les yeux, pour regarder la part de Mani qui mijotait, et pour regarder sa main immobile vibrer à travers les vaguelettes. Il écarta les doigts, et il plaqua sa patte sur la cuisse de Mani qui venait de retrouver le bouillon. C'est comme ça, qu'il s'y prendrait.
Ne se pressant pas, puisque l'eau était toujours très chaude, il enroba la jambe de Mani, de haut, de bas, de sous, dessus, en se demandant comment il devrait assaisonner son plat. La question se posait, et se reposait, mais il ne lui trouvait aucune réponse. Les mécanismes qui orchestraient (plus ou moins harmonieusement) sa tête l'avaient devancé. Il fallait s'arrêter. Maintenant. Il avait suffisamment réfléchi pour le restant de ses jours en quelques heures seulement passées avec la fille qui cuisait. Alors maintenant, il fallait arrêter, ou alors, sa matière grise, blanche, bleue, orange, toute la matière, elle fonderait et lui coulerait par le nez, les oreilles, les yeux, la bouche et peut-être même par le nombril s'il en avait assez pour qu'elle se rende, ça resterait à vérifier. Mais reste que c'était obligé. C'est comme ça que ça se passe, quand ça surchauffe, il l'avait étudié, dans ses cours de biologie. C'est une réaction chimique, tout à fait propre à son espèce. Et tout le monde sait que les sorciers viennent de Pluton et que la lignée de sangs purs dont est issue sa mère vient d'une météorite qui a frappé la Terre il y a quelques millions d'années, sur une ancienne île déserte dans l'océan, juste au-dessus de la Norvège. Bref, pour les gens de sa caste, c'est comme ça que ça se passe. Ah et, quand ils meurent, il paraît qu'ils fondent. Mais Tao était très curieux, par rapport à cela. Puisque Lae et lui ne sont qu'à demi-météoritiens, qu'adviendrait-il de leur enveloppe corporelle? Deviendraient-ils des espèces de vases? Peut-être valait-il mieux ne pas le savoir, ne pas prendre le risque. Raison pour laquelle il amènerait Lae en Alaska. Ils se congèleraient quelque part par là, pendant qu'ils étaient encore entiers.

Voilà, il y était. Et en sourit, léger comme un astronaute. Il retrouvait la lune dans la mire de son télescope en rouleaux de papier de toilette.
Doux vide que ses méninges au naturel... Apaisante absence de gravité... Ça lui remettait les neurones en désordre.

Tao se dressa sur les genoux, et ses deux bras plongèrent dans la marmite. L'un glissa sous les jambes de Mani, et l'autre sous ses épaules. Comme ça, il la souleva, en se levant. Il sortit de la salle de bain, ou plutôt de la cuisine, en semant des traînées d'eau derrière lui. Pas la peine de les égoutter, les Mani. Il faut les essorer, à mains nues.

- T'es cuite.

Il lui pinça la cuisse.

- Juste à point. Quoi que, si ça n'avait été que de moi, je t'aurais fait bouillir la tête au moins...

Ça demandait réflexion. Il s'arrêta aux abords du radeau en ressorts.

- Au moins quatre minutes. Juste pour être sûr que t'aurais la cervelle grillée, avant d'y piquer ma fourchette. Je préfère.

Il laissa tomber sa pièce de viande sur son assiette. Le lit-radeau ferait l'affaire, pour ce soir. Et quand il eut sa Mani couchée, dès qu'il l'eut, en fait, il s'étendit dessus, et l'impression de cuir à son tour le prit, mais il s'efforça de garder son sang tiède, à défaut de froid (exercice beaucoup trop demandant dans de pareilles circonstances. Trop de pression.).Ce n'était pas pour jouer avec la nourriture, mais c'est qu'il fallait bien dresser l'assiette. Aussi, il avait décidé de l'assaisonner au Tao. Il réinventait le plat du général, ou donnait un nouveau sens à son nom.
Puis il fallait la mettre belle, dans son assiette, la Mani, alors avec sa main, il s'appliqua à écarter les mèches de son visage, plus lentement que nécessaire, et en écarta même une transparente que lui seul voyait, juste là, sur sa joue. Il s'en manqua de peu pour qu'il ne lui improvise un petit rap tchèque, mais il s'en tint, cette fois. Cuisiner demande une certaine concentration, de la « présence » d'esprit, comme on dit, pour ne pas tout cramer. Quoi que y'a des trucs pas mal, quand ils sont cramés. Le bacon, par exemple.

- Ok. Alors.

Oui car, maintenant qu'ils étaient installés pour discuter, Tao pouvait entamer sa défense. Il se risqua à le faire en la regardant dans les yeux.

- Comment je m'y prendrais? Je sais pas. Je commencerais par me demander pourquoi je pourrais te vouloir du mal. Et là je me dirais que je pourrais t'en vouloir, par exemple, de pas être comme les autres filles. De te ficher des lendemains encore plus que moi. C'est que ça, ça pourrait me faire chier parce qu'alors dans ma petite tête je ne pourrais plus me dire que y'a que les mecs qui peuvent se permettre d'agir comme ça. Ça pourrait m'avoir déstabilisé... Mais en fait, non. Je couche avec qui je veux. T'as le droit de faire pareil. Il est possible que je me sois convaincu que je le croyais pas, mais en vrai, maintenant, c'est pas le cas.

Quand même Mani elle a de ce regard qui, s'il ne tue pas, il n'en est pas loin. Tao regarda ailleurs. Le mur, tient.

- Je pourrais t'en vouloir pour Lae. Mais non plus. Pas encore, en tous cas. J'ai pas l'impression que tu la pourris. Même que je me dis qu'elle en avait peut-être besoin. Je ne sais qu'être le grand frère et je me doute que c'est pas assez. Sinon... Je vois pas, franchement. Alors après, je me demanderais qu'elles raisons j'aurais de rien te vouloir du tout.

Finalement, le moulin fonctionnait toujours, tout là-haut, mais à présent, Tao ne fournissait plus le vent lui-même, pour le faire tourner. Ça semblait aller de soi, tout ça. L'effort à fournir, il le concentrait plutôt sur : éviter de se laisser aller à la cuisson à son tour. Alors tient, un petit sourire ça lui donna comme une impression de distance, bien que de distances, il n'y avait plus sur cette planète ressorts.

- J'aurais pu ne rien te vouloir du tout, là, maintenant, mais non. Et tu sais pourquoi. T'es possédée par la Marquise. C'est forcé que je te regarde. C'est pour m'inspirer mes prochaines chansons, mes histoires, c'est pareil. J'étais un peu fâché que t'aies découvert que le troubadour c'était un peu moi. Un peu mais juste assez... C'est que je me sers du troubadour pour m'inspirer mon carburant à vaisseau...

Sa fusée. Très inspirée, la fusée.
La fusée de sous son lit.
Sur ces réflexions à demi-réfléchies, Tao posa sa tête à côté de celle de Mani, dans le creux de son cou là où ça sentait bon. C'est que ça devait être prêt, pour sentir aussi bon. Un fumet de Leverenz fille. De quoi saliver. Mais avant de se mettre à baver, Tao soupira, et mit une main sur la poitrine de Mani. Sait-on jamais, c'était peut-être la dernière fois.

- Après... qu'il lui marmonna, son visage tout contre elle, paupières closes. C'était comme parler à son chameau en peluche quand il était petit et qu'il lui racontait comment il deviendrait président de la lune, en lui tenant une bosse. Je me demanderais pourquoi je pourrais te vouloir du bien. Et la première chose qui me viendrait à l'esprit c'est : je veux pas que tu crèves exprès pour devenir un fantôme. Je suis peut-être nul dans mon domaine, mais je l'ai choisi quand même, et je l'ai choisi parce que j'ai des comptes à régler avec... avec les questions qui s'entêtent à se passer de réponses. Ben c'est que je les ai jamais crues... Mais bon... Voilà. Y'a ça. Mais je sais pas comment m'y prendre pour que tu n'aies plus envie de te fantômiser avant ta première ride. Je veux pas que tu te rendes. Je veux pas que les questions gagnent une manche de plus. Elles ont pas besoin de sacrifices, au contraire. Seulement, quand je te dis ce que je pense, ou même si je te promets un truc, tu me crois pas. Mais mes promesses, je te jure... Je tiens pas de liste mais... Elles sont toujours en fluo, dans ma tête.

De côté, il regarda Mani, et appuya son index sur son cœur.

- Avec Gabrielle c'était facile, en fin de compte. Un coup de baguette et il repartait, son cœur. Mais toi t'es pas cassée... Tu fais comme si de rien. Tu danses sur le bord de l'étagère et je sais pas trop quand tu te jetteras en bas.

Comme une poupée.
Un soupir, et il referma les yeux, fronça les sourcils.

- C'est forcé, aussi, que je te veuilles du bien. Parce que je suis Tao, et que Tao. Et que toi t'es toutes les Mani du monde. Mais... maintenant que je te l'ai dit, tu m'auras à tes trousses jusqu'à la fin de tes jours. Et même avant, quand tu croiras que ce sera la fin de tes jours alors que ça ne le sera pas.
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MessageSujet: Re: Retour au port   Retour au port EmptyJeu 22 Juil - 23:57

C'était toujours comme ça, à la fin. Grossièrement la même histoire qui se répétait, d'un chapitre à l'autre. Mais Tao ne les numérotait pas. C'était des chapitres de prénoms, pas de nombres. Et celui-là, comme tous les autres, semblait vouloir se conclure sur la même note. Celle qui sonnait un peu faux, et qui lui faisait hausser les épaules en prétendant être triste. Il ne haussa cependant pas les épaules, et n'ouvrit pas longtemps les yeux comme pour se gonfler des larmes.

C'était comme tendre la main vers la lune et, un temps, arriver à en caresser le flanc. Ça faisait de la poussière et on n'y distinguait plus rien, dans le ciel. Tao tendait sa main et elle avait trouvé Mani. Il ne voyait plus rien, trop de poussière. Et puis la lune-Mani s'attardait dans son champ d'étoiles, tournait sur elle-même pour qu'il puisse toucher plus longtemps. Et elle lui dit de se taire. Alors il se tut, et retira son casque pour mieux qu'elle l'embrasse. Peut-être lui arrivait-il d'emporter avec elle quelques heureux astronautes, de temps à autres, et Tao espérait trouver cratère à poser le pied, pour partir. Dépose-moi où tu veux, lui dirait-il quand ils auraient fait le tour du Soleil. Et alors qu'elle croirait le lâcher dans le vide, il lui planterait un haricot dans le cœur et s'accrocherait à la liane qui en jaillirait. Avec de la poussière de lune plein la tête, il la suivrait, comme ça, dans sa course, jusqu'à jamais et toujours en même temps. Elle finirait peut-être par se fatiguer de le voir flotter derrière et lui demanderait de revenir se poser. Tao... Tao... Tao... Qu'elle lui répéterait.
Et puis d'un coup, elle le pousserait dans le vide. De justesse, il rattraperait la liane et se demanderait s'il ne valait pas mieux la lâcher pour de bon.

À la dérive sur son radeau, Tao, interdit, étendu sur le dos, appuyé sur ses coudes, regarda Mani et songea qu'elle était vraiment terrible. Et que lui devait être plus que fou, pour lui vouloir du bien. Soit il était un idiot fini, ou alors c'est qu'il était un saint. Il espéra qu'un ange vienne le prendre en lui disant qu'ils s'étaient trompés, là-haut, et qu'en fait, il en avait terminé de se faire chier avec la vie et toutes les Mani de ce monde, même s'il se doutait qu'on avait dû avoir la sagesse de n'en créer qu'une, de ce modèle-là. Mais l'ange, le con et ses ailes, ne descendit pas du plafond vers lequel Tao leva les yeux, désespéré.
Du désespoir il passa rapidement à la frustration de l'ogre que l'on privait de son buffet. C'était pire que de ne pas tenir une promesse, ce qu'elle lui faisait. Cette maudite serviette, aussi. Il n'aurait jamais dû la ramasser, lorsqu'elle était tombée. Reste que la faute était à Mani. Faudrait la mettre au coin, pendant cent-trois ans, au moins. Quand le chérubin viendrait le chercher, Tao lui passerait le mot. Elle verrait, Mani, qu'on ne peut pas s'en sortir en faisant des coups pareils.

Il se leva sur le lit toujours trop bien fait, bras croisés, et détesta la totalité des imbéciles qu'il devinait à la salle commune, comme elle le disait. Évidemment, qu'il y en avait encore, des parasites. Et ils en deviendraient à leur tour, en les rejoignant. Ce serait bien. Ils videraient les derniers fonds de bouteilles, et Mani leur ferait tous tourner la tête jusqu'à ce que le cou leur en casse, et les copains de Tao vérifieraient leur numéro pour savoir à qui était venu le tour, et comme d'habitude ils prendraient pour acquis que lui n'en avait pas pris, et ils auraient raison, et pendant qu'elle occuperait ses prétendants en sélectionnant l'heureux élu, Tao se laisserait embrasser par la première dragonne qui passerait devant sa grotte, et il la vexerait en s'endormant dans un fauteuil, et il se lèverait, calerait d'un trait le whisky qui lui aurait servi de nounours, et il perdrait le Nord et le Sud, virerait à l'Est, monterait le son et danserait, seul ou pas, il l'ignorerait, puis tout cela vacillerait, il prendrait l'Ouest, passerait par la fenêtre et on l'applaudirait.

Il bondit par terre, décroisa les bras comme elle lui lançait son pantalon, qu'il attrapa d'une main, mais ne l'enfila pas tout de suite. C'était parce qu'elle croyait qu'il le suivrait de toute façon, qu'elle l'incluait dans ses plans, ou parce qu'elle craignait qu'il ne la retienne à nouveau si elle s'en allait tout bonnement? Si elle croyait qu'il le suivrait, c'est qu'elle l'avait entendu, et même écouté, quand il disait qu'il serait toujours à ses trousses, mais alors c'est qu'elle n'avait pas compris. Ou c'était lui, qui n'avait pas pesé tous le sens de ses mots. Plus rien à comprendre. Pauvre Tao, songea Tao, il ne sait plus quoi faire. Alors il boude.

- Je me suis trompé. Tu couches pas avec qui tu veux. Tu veux coucher avec moi, mais tu te défiles. Et tes supplications c'est n'importe quoi, tu sais bien que j'en ai envie.

Il laissa tomber la serviette. Marre, de cette serviette mini-jupe complice de Mani pour lui gâcher la vie. Plutôt que de la suivre à la salle commune, il devrait partir à la recherche de Lae. Ah non, peut-être qu'elle y était déjà, au nid de parasites. Après tout elle avait une Mani dans sa vie, et peut-être même qu'elle l'attendait.

Débarquer à l'université avec Mani. L'image était bizarre. Plus bizarre que celle de s'y trouvé déjà en sa compagnie. Le genre d'image qui donne l'impression d'avoir bouffer un truc pourri. S'il arrivait avec elle, ils croiraient que Tao avait perdu. En un sens ils auraient raison. Et puis ils le considéreraient comme tous les autres. Ils lui diraient qu'ils savaient bien que c'était impossible que Mani ne lui fasse pas d'effet. Qu'est-ce qu'il pourrait répondre? Moi... Moi, je lui veux du bien. Comme l'ensemble des mâles qui peuplaient les lieux. Non, du vrai bien. Ben oui, c'est ce qu'on dit. … Peine perdue, il était fichu, on lui passerait un numéro. Il n'aurait plus qu'à se jeter par cette fenêtre, vraiment, et même pas besoin de dormir préalablement. De son plein gré, qu'il le ferait, empoisonné par Mani. Et là, se dit-il en espérant que tous les anges, même négligents, l'entendent, ce serait le moment de venir le chercher.
Sans trop se presser il commença à se vêtir, ruminant des pensées plus parasites encore que ses potes.

- Je sais inventer que les histoires. Et ce que je t'ai dit c'en n'était pas.

À part ses histoires, il faut dire que le reste lui sortait de la bouche plus ou moins clairement, mais il disait vrai. Le croyait fermement, de toute façon.
Il enfila son tee-shirt, à l'envers, et glissa ses pieds dans ses chaussures, ses mains enfoncées dans ses poches.

- C'est énervant, que tu t'entêtes à agir comme la Mani dont tu t'obstines à entretenir la stupide réputation de stupide allumeuse qui n'en fait soi-disant qu'à sa tête... Mon œil, ouais. Tu n'en fais qu'à la tête de la Marquise quand tu crois en faire à la tienne.

Il la devança, la bousculant de l'épaule en passant le cadre de la porte puis, après quelques pas, dans le même élan, fit volte-face en retirant son tee-shirt beaucoup plus rapidement qu'il ne l'avait enfilé, et retrouva la chambre.

- Je veux pas d'une autre idiote. Qu'elle soit rousse, blonde, brune ou bleue. J'en veux pas. Je veux toi. Mais si tu veux plus, tant pis, va en faire chier un autre. Par contre je retire pas les... conneries que j'ai dites, comme tu dis. Elle t'auras pas, la Marquise.

À nouveau à poil, il éteignit, se retrouvant dans le noir.

- Je dors ici. Y'a pas de fenêtre.

Il se coucha sur les couvertures, faisant dos à Mani.

- Tu fermeras la porte, s'il te plaît. Je ne voudrais pas réveiller les autres, je ronfle tellement fort qu'on m'entend jusqu'à Pluton.

Il n'avait jamais ronflé de sa vie, mais se dit qu'elle aurait peut-être pitié d'autrui, à défaut de lui obéir.
Mais en fin de compte, ce chapitre, il ne sonnait pas du tout comme les autres, et Tao se dit qu'il ne pourrait pas se conclure, parce qu'il s'inscrivait dans un livre différent, et qu'il y avait encore du blanc entre la fin et maintenant. Ce devait être un livre écrit en plutonien, ou quelque chose comme ça. Un truc incompréhensible.
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