Ça faisait plaisir de savoir que Lydwin avait retardé son retour chez elle pour assister à la fête qu’Andrew avait organisée avec ses potes. Beaucoup de gens étaient rentrés chez eux un peu plus tard pour assister à la fameuse fête d’été, mais peu étaient ceux qui l’avouaient de manière si directe. Étonnant de la part d’une fille si timide, songea Andrew qui lui, ne rentrait pas chez lui, cet été. Le Maine n’avait pas sur lui la même attraction que l’Irlande. Que l’Europe. Et il n’avait pas particulièrement envie de supporter les humeurs de son paternel. Puis à quoi bon quitter la fac quand des filles y passaient l’été ? Des journées comme celles-ci avaient un intérêt que les rivages du Maine ne verront jamais. Même recouverte de sa robe d’été plutôt que du bikini, Lydwin attirait l’œil d’Andrew qui la dirigea jusqu’à l’endroit dont il venait de lui parler.

Le coin était tranquille, isolé par une rangée d’arbres plantés sur la grève du lac par des élèves de botaniques d’il y a cinq ans. L’endroit n’était pas secret mais personne ne le remarquait à moins de contourner le premier arbre et de tomber sur cette clairière miniature de laquelle on pouvait atteindre les vagues mourantes du lac sur la rive à moins d’une vingtaine de mètres de là. Lydwin s’installa sur une serviette, rapidement séduite par le charme du lieu tandis qu’Andrew affichait son plus beau sourire colgate.

" Pas mal, hein ? J’étais en deuxième année quand j’ai découvert ce p’tit coin de paradis. Avec Alex et Elias, on avait mit des fusées explosives dans la robe d’un grand con de septième année. Il voulait nous faire la peau, alors on s’est planqués ici le temps qu’il décampe. "

Prenant place dans l'herbe à côté de Lydwin, Andrew pointa le boisé sur leur gauche.

" Même du château, personne peut nous voir. "

Il prit une pause, l’air de contempler un instant l’endroit, et ajouta à l’égard de Lydwin :

" J’y viens pas souvent, non. J’saurais pas t’expliquer pourquoi. "

Autant que possible, Andrew ne jouait pas le même numéro à deux filles. Il pouvait parfois manquer de délicatesse et agir comme le dernier des crétins, mais au moins il ne servait pas le même scénario aux filles qu’il désirait. Andrew était certes un incontestable charmeur, toutefois il agissait de manière naturelle. Si ses raisons de se rapprocher d’une fille étaient souvent douteuses, pas une fois il n’avait embrassé une fille qu’il n’avait pas un minimum apprécié d’une quelconque manière. Jennifer Smith avait beau être jolie, Andrew la trouvait tellement chiante qu’il ne consentirait à la toucher que sous l’influence d’un miracle. Lydwin, en revanche, avait cette rare caractéristique d’être très naïve. La majorité des filles préféraient jouer la carte de la méfiance quand l’attention de l’un des Cinq Plumes était posée sur elles. Pas Lydwin. Elle savait, et ne se doutait pourtant de rien. Un adorable paradoxe. Dangereux à la rencontre des deux opposés.

C’était presque trop facile. Andrew laissa son regard pensif s’attarder quelques secondes sur la surface du lac avant de le détourner rapidement comme si quelque chose lui était soudain revenu à l’esprit. Relevant ses verres fumés, Andrew sorti de sa poche une petite bourse dont il agrandi le contenu d’un coup de baguette magique. Il s’agissait de deux verres de cristal transparent. Sur l’un d’eux, il lança un Aguamenti et de l’eau coula jusqu’à deux centimètres du rebord. D’un troisième coup de baguette, le liquide transparent adopta une couleur blanche comme neige. Couronnant le tout d’un clin d’œil, il lança :

" Pina colada ? "

Avec la chaleur qu’il faisait, Andrew se servit un verre lui-même après avoir tendu le sien à Lydwin. Voilà à quoi avaient servit ses premiers cours de sortilèges. Si plusieurs ne voyaient pas l’utilité de transformer de l’eau en boisson ou de changer une mitaine en sifflet, Andrew avait bien jeune comprit que l’imprévu n’était pas prévisible, et qu’avec la magie, on ne savait jamais à quoi s’attendre.

Andrew était visiblement fier de son petit coin. Lorsqu'il dit comment il l'avait trouvé avec ses deux compaires, sa camarade ne pu réprimer un rire.

"Décidément, vous avez le chic pour vous faire remarquer messieurs les Pluumes."

C’était une bonne première journée de vacances, se dorer la pilule en compagnie d'un beau garçon fort sympathique, on pouvait difficilement demander plus. Mais le jeune homme pouvais en donner plus; il faisait son numéro de "beau gosse" et semblait presque le faire par automatisme ou bien en était-il tout à fait conscient et ne pouvait résister à l'envie d’appliquer son pouvoir de séduction. Et bien qu'elle soit persuadée qu'il n'y avait rien d'autre derrière ces agissements, elle, elle ne pouvait s'empêcher de rougir et d'être contente.
Par ailleurs Andrew en fit encore plus.

"Pina colada?"

Lydwin n'en avait jamais pris ni même goûté, les seuls "alcools" qu'elle appréciait était la bière mélangée à de la limonade et du cidre, mais attention: doux! Et oui mademoiselle avait ses exigences.
Un peu hésitante mais toujours curieuse, la plumentine pris le verre que lui tendait Andrew. L'odeur était très particulière, la couleur était appréciable et elle rappelait celle du lait dont cette chère Lydwin était totalement fada.
Elle pris alors, encouragée par le clin d’œil de son camarade, une première gorgée qui déclencha une légère grimace, puis une seconde qu'elle trouva déjà plus appréciable, et finalement elle trouva qu'elle aimait cette boisson, qu'elle dût se retenir de vider d'un trait, laissant à peine trois gorgées au fond de son verre.
Lydwin sentit alors une chaleur empourprer ses joues et, elle le savait, cela n'était dû ni à une gêne ni même au jeune homme. Elle commença par se retourner, s'éventer avec sa main se rafraîchir le visage imaginant un pchiiiiiiiii au contact de leur fraîcheur, et d'un seul coup, plop, elle se sentait bien mais biieen.
Sensation d'enfance, de nudité et de liberté; elle n'avait plus d'interdit.
Mais il ne faut pas sous estimer le corps de la jeune femme, la boisson n'agissait que petit peu par petit peu.

"C'est trèèès bon. Mais... heu ça donne encore plus chaud et ça, c'est pas juste."

Lydwin colla alors son visage contre la pelouse d'une fraîcheur incomparable, regardant d'un air attendri le jeune homme. Elle n'arrivait pas vraiment à réfléchir:

*c'était bon, fait exprès? arracher la pelouse sur l'autre joue... conteeeente. va s'moquer? aaaarr chaud.*

Plutôt décousues comme pensées, mais dans son état la plumentine n'en avait que faire. Elle se roula dans l'herbe ayant pour but de se rafraîchir tout le corps et vînt se cogner à son camarade.

"Ah pardon Andy, dit-elle en affichant un grand sourir, tu veux bien me préter ta main."

Ni une ni deux, Lydwin saisie sa proie et la colla sur sa joue gauche qui n'avait pas la chance d'être au contact de la verdure. Elle soupira affichant son contentement d'un long "Haaaaaaaa". Et ferma les yeux sentant monter toujours plus sa température corporelle.





[Je suis vraiment désolée, je n'arrive pas à faire mieux, j'espère que la qualité sera supérieur à la quantité ^^']

Alors ça oui, les Cinq Plumes possédaient un chic fou, voire un talent inné, pour se faire remarquer non seulement des filles, mais de la fac toute entière. Personne ne pouvait avoir une absence d’opinion sur leur bande. Ils étaient sans conteste dans chaque nouveau ragot lancé par Mr. T, chaque histoire de cœur, chaque insulte en provenance de la maison du corbeau. Connus de tous, méprisés par certains, aimés par d’autres. Ne pas savoir qui étaient les Cinq Plumes, c’était clairement pas possible. Tout le monde parlait d’eux, en bien ou en mal. Andrew se riait de toute cette attention, en profitait, heureux à sa manière au sein de sa bande de potes. Pas de doute, pour Andrew, être membre des Cinq Plumes, c’était le pied. Tout comme cette journée, qui avait aussi son lot de plaisir. Andrew avait Lydwin pour lui tout seul, et vu l’endroit isolé, rien ni personne ne pourrait venir déranger leur tête à tête.

" Tu dois le boire lentement, y’a du rhum là-dedans. " Précisa Andrew d’un sourire amusé en notant le verre de Lydwin pratiquement à moitié vide.

La chaleur frappante du soleil faisait davantage tourner la tête, Andrew le remarquait aussi, comme si les rayons perçaient la peau pour en faire bouillir les veines et l’alcool qui y passait. La sensation, agréable, étourdissait légèrement. Andrew prit une autre gorgée de son propre verre, et rigola en voyant Lydwin se coller le visage sur l’herbe. Le concernant, afin d’avoir moins chaud, il s’ébouriffa les cheveux pour que la brise le rafraîchisse quand, il ne sait comment, Lydwin roula à côté de lui, allongée, réclamant sa main. Andrew changea son verre de main, et consentit à abandonner celle-ci à la Plumentine qui s’en saisit et s’empressa de coller la paume froide sur sa joue avec une exclamation de soulagement. Il se laissa faire, docile, l’espace d’une minute. Sa main redevint rapidement tiède au contact de la peau de la jeune fille, et Andrew l’agita lentement pour caresser la joue de Lydwin, puis l’autre.

" Tes joues sont encore brûlantes. "

Et c’était pas uniquement la faute du Pina Colada. Le soleil se faisait plus haut dans le ciel, presqu’à son zénith à l’heure où il était, et l’eau du lac les narguait tout près. Lydwin n’avait plus son bikini sur le dos, et il n’était pas question pour Andrew de s’approcher plus près de la rive. Soudain animé par une idée comme seul son cerveau de Plume savait en faire, Andrew avala d’un trait le reste du contenu de son verre pour y lancer un nouvel Aguamenti. Une fois le verre plein, Andrew rangea sa baguette et déposa le verre par terre.

" Regarde bien. " Fit Andrew à Lydwin, son sourire ne pouvant que présager un nouveau délire.

Il plaça ses mains de chaque côté du verre qu’il fixa avec concentration. Rien ne se produisit pendant dix secondes. La scène était figée dans le temps, quand soudainement, le liquide commença à se mouvoir, s’agitant dans le verre sous une force magique invisible. L’eau adopta progressivement une forme sphérique de la taille d’une balle de tennis. Andrew leva les mains, et la boule d’eau s’éleva à son tour délicatement, fragile.

" Tu paries combien que j’peux la faire tenir cinq minutes au-dessus de ta tête sans qu’elle éclate ? "

Les sortilèges informulés et sans baguette était une option qu’Andrew avait prise cette année. Il se débrouillait vachement bien pour un débutant, faisait même des jaloux durant el cours, mais il n’en maîtrisait pas encore tous les aspects.

" Allez parie ce que tu veux ! Si tu gagnes, tu l’as, et dans le pire des cas, tu perds et t’es rafraîchie. " Ajouta-t-il d’un ton rieur.

* Mmm, Lyd toute mouillée dans une robe blanche *

Andrew avait un penchant terrible pour les paris dont il aimait l’excitation, le suspens, l’enjeu. Lydwin avait plus de choses à gagner qu’à perdre, se disait Andrew, qui, pour sa part, n’était aucunement mauvais perdant, sauf s’il perdait lors d’une bagarre, et inutile de préciser que ça n’avait rien à voir avec les filles pour la simple et bonne raison qu’Andrew ne frappait pas les filles. Dans ses yeux se reflétait un enthousiasme de vaurien tandis que la boule d’eau ondulait entre eux à une hauteur approximative de deux mètres.

[Je t'aime quand même Lyd ]

Si Lydwin, comme plusieurs autres, n’échappait pas au charme d’Andrew, elle avait un petit côté, comment dire… Qui se démarquait ? Évidemment, elles se démarquaient toutes à leur façon, mais le genre de Lydwin était plus rare. Pas d’orgueil, et même pas peur d’afficher ses faiblesses ou de se laisser aller. Tant de vérité, d’abord envers elle-même, ensuite face aux autres. Elle ne perdait pas le nord, sauf quand elle consommait de l’alcool, dans le cas présent un verre de Pina Colada en moins d’une minute. Lydwin avait en fait une personnalité très authentique, ce qui plaisait bien à Andrew. À force d’appartenir aux Cinq Plumes, il récoltait trop de méfiance de la part des filles. Pas totalement injustifiée, c’est vrai, mais il ne cachait pas qui il était, et ça, elles le savaient toutes. Si l’une d’elles était prête à prendre le risque, pour le peu qu’il y en avait, elle était la bienvenue. L’attitude de Lydwin le faisait sourire, son incapacité à tenir l’alcool encore plus.

" J’veux bien être ton espion, mais personne ne parle de toi en mal. "

Elle n’avait sérieusement pas la tête d’une fille sur qui on racontait des ragots, mais alors pas du tout.

" J’ai encore mieux ! Si tu gagnes, j’te dois un rendez-vous, et si c’est moi qui gagne, tu m’en dois un, qu’est-ce que t’en penses ? Le gagnant décide du lieu ! "

La cloche du village sonna, comme pour approuver le tout. Andrew répondit au sourire de Lydwin par un clin d’œil, puis se concentra sur la bulle d’eau qui lévitait dans les airs. À proprement parler, le sortilège était vachement simple à faire… lorsqu’on utilisait une baguette ! Les sorts informulés, c’était une autre paire de manches. Andrew se débrouillait plutôt bien dans cette matière. Mieux que plutôt bien, même. Restait que cinq minutes, c’était long, et ça demandait beaucoup de concentration. Accessoirement, il faisait une chaleur étouffante depuis quelques jours. Une goutte de sueur glissa de son front jusqu’à son menton au même moment où Lydwin laissa échapper une exclamation le prévenant d’une fuite dans la bulle d’eau. Andrew, par réflexe, baissa les yeux sur Lyd, provoquant la chute de quelques gouttes d’eau supplémentaires.

" T’es sûre que tu veux risquer de tremper ta robe blanche ? "

Il se releva sur ses jambes en riant, fixant à nouveau la sphère dont les contours semblaient plus instables que jamais. Plus que deux minutes à tenir !

" Merde, elle descend… "

Ce qui n’était clairement pas bon signe, si la sphère perdait en hauteur. Andrew se rapprocha de la bulle, sachant pertinemment que ça n’y changerait pas grand-chose. Il était tellement concentré à faire tenir la bulle qu’il ne remarqua pas la roche de la taille d’un œuf sur la pelouse. Il s’y prit les pieds et trébucha dans l’herbe à plat ventre. Il se redressa aussitôt, conscient que la perte du contact visuel de la bulle d’eau la ferait éclater, et c’est bel et bien ce qui se produisit. Lorsqu’il se retourna, au son d’un plop, Andrew vit l’eau tomber sur Lydwin, et n’arriva pas à garder son sérieux, d’autant plus que l’eau de la bulle l’éclaboussa également. Il se mit à rire et s’assied non loin de la Plumentine et lui dégagea une mèche mouillée de devant le visage.

" Alors, y’a un endroit où tu voudrais aller, dans les prochains jours ? "

Andrew, très amusé par la situation, en avait presque oublié la chaleur. Malheureusement, se faire tremper par une bulle d’eau n’avait rien à voir avec une baignade dans le lac, et l’humidité n’en était que plus étouffante encore.

" J’suis pas contre l’Alaska, y doit faire frais, là-bas "

L’air pensif, il ajouta :

" On pourrait aller faire de la luge, ça serait marrant ! "

Il ne troquerait pas vraiment ce petit coin de paradis contre de la neige et des flocons, mais l’idée de faire de la luge le tentait vraiment. Peut-être lorsque l’hiver viendra.

S’il devait choisir entre les deux saisons, Andrew préférait de loin le soleil et la chaleur, lui aussi. Les joies de l’hiver existaient, fallait pas croire le contraire, mais elles étaient minimes en comparaison au bonheur estival de juillet, quoi ! Entendre le vent glacé de janvier souffler contre les carreaux de fenêtre suffisait à convaincre Andrew de passer la soirée près du feu au lieu de se geler les noix jusqu’à la Pimentine. C’était sans compter l’isolation pourrie du château, et toutes les couches de vêtements à porter.

" Hey, pas mal l’idée de la luge sur le sable ! T’imagine la dune en haut de la plage, et tout en bas, en glissant, on atterri dans la mer… La classe que ça aurait ! Et ça serait rafraichissant, aussi "

À ces mots, Lydwin se jeta sur lui, l’obligeant à s’étendre dans l’herbe sous son corps encore trempé par la bulle l’eau. Elle parlait d’une autre option pour se rafraichir, ce qui fit sourire Andrew, parce que s’il se fiait à la situation, il aurait plutôt misé sur un moyen d’avoir encore plus chaud. Son regard s’attarda sur les courbes de la jeune fille, à présent bien visibles avec cette robe blanche si délicate qui lui collait à la peau. Il ne détacha ses yeux que lorsque les gouttes d’eau de l’aguamenti lancé par Lydwin retombèrent en pluie improvisée. Prenant appui sur ses bras, il se redressa légèrement.

" Bizarre j’sais pas, mais t’as eu une bonne idée "

Andrew balança la tête vers l’arrière en fermant les yeux pour mieux rafraichir son visage. Il les rouvrit dix secondes plus tard, lorsqu’un nuage passa devant le soleil. Le temps se couvrait un peu.

" L’indécision, ça va, mais l’oubli ? Sérieusement ? "

Pour vérifier si elle pouvait vraiment oublier, Il fixa ses iris verts un instant, comme si regarder quelqu’un dans les yeux pouvait l’empêcher de mentir. Andrew s’étonna surtout de voir du marron et du bleu se mêler au regard attendrissant de Lydwin. Il passa à nouveau une main sur sa joue, caressant de son pouce la pommette rosée sous son œil en forme d’amande. D’un sourire en coin, il reposa sa main dans l’herbe mouillée sans détourner le regard.

" J’ai pas l’intention d’attendre des mois avant de revoir des yeux pareils, hein "

Il rit doucement, puis ajouta :

" Si tu hésites toujours dans… Disons deux semaines, et bien tu pourras utiliser le joker du rendez-vous surprise, mais pour cette fois seulement ! "

Si elle le pensait trop occupé pour un rendez-vous prochain, c’était mal le connaître. Lydwin n’était pas n’importe quelle fille rencontrée par hasard un soir au Corn Flex. Andrew avait pour habitude d’entraîner les filles où il le voulait. Il n’avait jamais cherché à demander si l’une d’entre elles rêvait d’un rencard hyper classe dans le quartier chic du village ou au contraire, quelque chose de plus intime dans un lieu pittoresque. Jusqu’à présent, pas de déception, en tout cas. Andrew se passa le revers de la main sur le visage pour essuyer les quelques gouttes d’eau restantes, et remarqua que le ciel devenait vraiment de plus en plus sombre. L’air humide devint plus sec et plus frais, et le vent se leva.

" Ça sent l’orage, tu trouves pas ? "

Andrew se releva, aidant Lydwin à faire de même. Le temps venait radicalement de changer. Au loin, un bruit de tonnerre gronda derrière les nuages gris.

" J’crois pas qu’on aura le temps de se rendre au château avant que la pluie tombe. "

Sans attendre, il lui attrapa la main et l’entraîna dans le boisé derrière eux.

" J’ai une idée, suis-moi "

Il connaissait ce chemin par cœur. S’enfoncer dans la forêt entre les branches jusqu’au saule pleureur, puis tourner à gauche devant la vieille souche en forme de champignon. Continuer tout droit sur quelques mètres, et ça y est. Construite toute en haut de l’arbre, une de cabane en bois d’où pendait une échelle, parce que le transplanage n’était pas possible sur les terres de l’université. Sur le tronc de l’arbre, on pouvait lire des initiales dans l’écorce, celles des Cinq Plumes.

" C’était notre repère, en première année. Ça fait un moment que j’y suis pas venu. J’crois que c’était une sorte de tour de garde-chasse avant "

À l’intérieur, il y avait des bancs et un vieux coffre dans lequel tous les Plumes y mêlèrent différents objets comme une couverture, un yoyo, des cartes explosives, du whisky, un couteau de poche et d’autres babioles en tout genre. Ils passaient souvent leur soirée là-haut, tous les cinq, peu de temps après s’être rencontrés. Andrew connaissait Alex depuis Salem, mais c’est en Irlande qu’ils devinrent potes avec Elias, Ted et Malloy. La cabane faisait un parfait abri de fortune.

De pouvoir être émerveillé par quelque chose d’aussi simple que la pluie qui tombe, Andrew ne savait pas trop quoi en penser, mais l’idée le faisait sourire, comme toute personne dont l’âme d’enfant n’était pas complètement détruite par le poids de la réalité et des responsabilités. Il se laissa convaincre par les paroles de Lydwin et d’un large sourire, il lui attrapa la main pour se glisser à côté d’elle. La pluie tombait comme des cordes. Par terre, le sentier n’était déjà plus qu’un long chemin de boue vaseuse. Andrew leva la tête vers le ciel, déjà trempé, sans se formaliser de l’eau qui coulait sur son visage, ruisselant littéralement de ses cheveux. Il se tourna vers Lydwin, ne sachant pas trop quoi répondre à sa question.

" J’sais plus trop pourquoi on vient plus, en fait, c’est assez sympa, comme endroit "

Les temps changeaient, c’était sûrement aussi simple que ça. Rien n’avait provoqué un arrêt soudain des réunions des Cinq Plumes dans la cabane perchée dans l’arbre. Andrew ne parvenait pas à mettre le doigt sur ce qui avait bien pu attirer leur attention ailleurs, à cette époque. Un nouveau délire, probablement, ou l’hiver, peut-être, allez savoir. Andrew revint à l’intérieur, rapidement suivit par Lydwin, et s’assied sur le vieux canapé, tout près, où elle vint le rejoindre. On pouvait sentir les ressorts au travers des coussins, tellement il était usé par les années. Andrew lança un sortilège d’ouverture sur le coffre en bois près du mur du fond, et par magie, une vieille couverture verte à carreaux vola jusqu’à lui. Il l’enroula autour des épaules de Lydwin et s’adossa sur le dossier du canapé en ricanant.

" C’était le bon vieux temps, en première année, on était jeunes et insouciants "

N’importe quoi, puisque jeune et insouciant, Andrew l’était toujours. Comme quoi le bon vieux temps pouvait durer plus longtemps qu’on le croyait.

" On planquait pas mal de trucs dans le coffre en bois que tu vois, là-bas, et l’alcool sous la latte de… C’était laquelle, déjà ? "

Andrew se releva et commença à donner des coups de talons sur quelques lattes quand soudain, l’une d’entre elles sonna creux. Il adressa un sourire victorieux à Lydwin et souleva ladite latte pour y glisser la main et fouiller.

" Ah ouais, j’sens quelque chose qui… AHHH ! "

Son cri couvrit pratiquement le coup de tonnerre, rapidement suivit d’un éclat de rire alors qu’il sortait sa main non pas à moitié dévorée par des fourmis carnivores, mais intacte, tenant une bouteille de verre recouverte de poussière.

" T’as eu peur ? "

Il lui fit un clin d’œil et se releva, agitant la bouteille qui ne fit aucun bruit.

" Elle est vide, c’est pas d’bol "

Andrew la déposa par terre près du canapé, et toujours souriant, il vint se rasseoir sur celui-ci, examinant l’état général de la cabane. Tout gamin, il n’avait jamais joué dans ce genre d’endroit, mais ça ne lui avait jamais manqué non plus puisque tout au bout du terrain où il habitait, il y avait un vieux phare pour alimenter son imaginaire de petit garçon. Sa sœur, elle, n’aimait pas beaucoup le vieux phare. Comme le tonnerre, d’ailleurs, qui entrait dans la catégorie des choses qui lui fichaient un peu la trouille.

" Ça te plairait comme prochain rendez-vous, une chasse au trésor ? "

L’idée tomba d’un coup, plongeant la cabane dans un bref silence que même le tonnerre ne songea pas à venir briser, comme le calme avant ce qu’Andrew supposait une tempête d’enthousiasme, admettant qu’il visait juste en voyant chez Lydwin un côté d’aventurière. Comment il allait s’y prendre pour organiser une pareille chasse au trésor si elle lui répondait par l’affirmative, ça, il n’en avait pas la moindre idée, mais il trouverait quelque chose, et pas n’importe quoi.

" On peut aller explorer le fond du lac, à ce qui paraît, un bateau volant s’y est écrasé pendant le siècle dernier ou l’autre d’avant, j’sais plus, un vieux truc du genre galion espagnol. "

Et qui disait galion espagnol disait trésor, joyaux et autres merveilles ! Bon, Andrew n'avait aucune idée d'où venait l'épave au fond du lac, mais qui sait ce qui s'y cachait peut-être ?

" On s'éloigne du rendez-vous galant, par contre... "

Ce que Lydwin semblait ignorer, c’était qu’avec elle, Andrew ne s’ennuyait jamais. Il avait déjà passé du temps avec certaines filles qui ne faisaient qu’acquiescer et sourire à tout ce qu’il pouvait dire et faire. C’était pas forcément un mal, même que ça avait quelques avantages quand on y réfléchissait, mais ce genre de filles n’avait droit qu’à un seul et unique rendez-vous. Après ça, dans sa tête de Plume, qui disait rendez-vous disait forcément galant. D’ailleurs, peu importait la fille avec qui il se trouvait, les gens croyaient toujours qu’il s’agissait de drague. Autant certaines n’attendaient que l’occasion de l’aborder à la sortie d’un cours pour lui parler et déclencher des rumeurs, autant d’autres redoutaient de se trouver seuls avec lui dans la même pièce. À ces deux attitudes très différentes, Andrew pouvait y rattacher certains noms, mais quoi qu’il en soit, si un prochain rendez-vous au lac plaisait à Lydwin, elle pouvait être sûre qu’Andrew n’allait pas l’oublier. Il rit en la voyant fixer une toile d’araignée au coin d’un mur, détournant son visage au point de ne plus pouvoir se voir l’un et l’autre. Bien malgré lui, Andrew ne trouvait rien de plus mignon qu’une fille soudainement timide. Si on lui posait la question, il ne saurait pas expliquer en quoi ça lui plaisait, exactement. Le fait était que ça le faisait sourire. C’était peut-être à cause de la couleur adorable qu’adoptaient alors les joues d’une jolie fille, ou encore parce qu’il en était très certainement la cause.

" Tiens, il pleut plus. "

L’averse avait carrément cessé en moins de quelques secondes. Rapidement, le soleil réapparut à son tour et toutes les odeurs de la forêt sortirent du sol, un mélange d’humidité mêlé à toutes les senteurs d’arbres et de plantes des environs. Quelques gouttes de pluie tombaient encore sur le toit de la cabane, au-dessus de leurs têtes. Sûrement de l’eau accumulée dans le creux des feuilles. Ce fut Lydwin qui brisa le silence après un moment, et Andrew se tourna vers elle pour l’écouter, esquissant un sourire en coin à ce qu’elle disait.

" Ouais, y’en a. Paraît qu’en Oregon, y’a une forêt immense, j’ai entendu plein de légendes là-dessus quand j’étais gamin. C’est pas l’Amazonie, mais c’est tout comme. "

Andrew suivit Lydwin du regard. Elle avait l’air nostalgique en jetant un coup d’œil par la fenêtre. En même temps, c’était vrai qu’elle partait souvent de la fac pour le boulot ou d’autres raisons familiales gérées par mamie. Andrew ne la voyait pas tellement suivre le rythme trépidant d’une grande ville. L’aristocratie non plus, ça ne collait pas à l’image qu’il se faisait d’elle. C’était pareil pour Lauréline. Ces deux filles n’avaient franchement pas de quoi se mêler aux snobs de la haute société et pourtant c’était ce qu’on exigeait d’elles. En fait, Andrew trouvait que plus les gens appartenaient à une noble famille et blablabla, plus ils étaient malheureux, et plus on leur disait quoi faire. Puis les mariages arrangés, alors là, sans commentaire ! Et tout ça pour quoi ? Le luxe de vivre dans un palace avec des tonnes de serviteurs ? Fallait pas abuser, c’était vachement cher payé pour des trucs que tout le monde pouvait faire soi-même. Tiré de sa quasi profonde réflexion sur le monde des aristocrates par la question de Lydwin, Andrew se leva du canapé pour venir la rejoindre, un large sourire au visage.

" Comme si j’allais te laisser t’amuser tout seule ! "

C’était dit, et Lydwin sortit la première par la fenêtre.

" Fais gaffe hein, c’est glissant. "

Mais Lydwin semblait très à l’aise, trouvant facilement les prises où mettre ses pieds. La mousse de l’arbre lui salissait sa jolie robe blanche par endroits, mais ça ne semblait pas la déranger. Au début, Andrew pensait qu’elle voulait aller s’allonger sur le toit de la cabane, mais elle grimpa encore plus haut dans l’arbre, s’étendant sur une grosse branche.

" Moi Tarzan, toi Jane, c’est ça ? "

Riant de sa propre allusion, Andrew entreprit de la suivre dans son arbre, se hissant hors de la fenêtre en posant le pied près du tronc, dans un creux. Il n’avait pas l’habitude de grimper dans les arbres, mais il s’en sortait plutôt pas mal. Andrew attrapa une solide branche de ses bras, faisant suivre le reste de son corps. Un morceau d’écorce lacéra sa chemise sous son épaule, au niveau des côtes, mais comme Lydwin se moquait de ce qui pouvait arriver à ses vêtements, il décida d’en faire autant. Quand on partait à l’aventure, que ce soit au fond du lac ou en pleine forêt, ce genre de choses n’avait pas d’importance, priorité sur le moment présent. Andrew escalada l’arbre jusqu’au sommet, sifflant d’admiration devant la vue qu’il avait du haut de sa tour improvisée.

" Hey Lyd, t’aimerais ça, vivre dans la jungle ? "

Il baissa les yeux vers elle tout en entreprenant sa descente pour aller s’asseoir à côté d’elle sur la branche, les pieds dans le vide.

" Vivre d’amour et d’eau fraîche, mais aussi de fruits, hein, faut être un peu réaliste, quoi ! "

Andrew leva son bras devant lui et tira sur une feuille qu’il glissa dans les cheveux de Lydwin, tout sourire, attendant sa réponse.