S.W.Y.N ¤ Someone Wants You Nuts ¤
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 Le miroir de la volonté.

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Thèdes Konstonhalu
A.C.A.I.I
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Thèdes Konstonhalu



 
▌Né(e) le: 27 juillet
▌Pays d'origine: Norvège
▌Statut: 2ème année

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MessageSujet: Le miroir de la volonté.   Le miroir de la volonté. EmptyMer 21 Mar - 17:56

Elle ne savait pas ce qui l’avait menée ici à cette heure si tardive.

Elle arrivait à concevoir le fait qu’elle ne puisse pas dormir, que ses idées, ce soir là, ne soient pas particulièrement en place parce qu’elle était seule, elle arrivait à concevoir le fait que d’ennui, elle s’était levée de son lit. Mais la suite, elle n’arrivait pas à la suivre. Du tout.

Ça faisait quelques heures qu’elle avait fermé les yeux, mais elle ne dormait toujours pas.

Elle avait été toute seule dans son dortoir, et, bien incapable de faire le vide dans sa tête, elle n’était pas parvenue à trouver le sommeil. On ne pouvait pas dire qu’elle n’avait pas essayé, pourtant, parce que vraiment, elle avait réellement tenté de s’endormir, mais toujours sans succès. Et maintenant, elle n’était plus dans sa chambre, ni dans la tour Cinnacrow. Peut-être avait-elle voulu prendre l’air frais, faire une marche calme et silencieuse dans le parc, sous les étoiles, alors que tout le monde était sorti ou dormait déjà. Peut-être avait-elle voulu s’aventurer dans les plaines embrumées, parce que ce lieu correspondait parfaitement avec la solitude que ressentait Thèdes à l’instant même. Peut-être avait-elle simplement voulu s’asseoir au bord du lac qui longeait l’université. Elle n’en savait pas grand chose, et ça l’interpellait seulement à l’instant. Thèdes n’était ni dans le parc, ni au beau milieu des plaines embrumées, ni au bord du lac. Thèdes était dans la salle à Revers. Bien sûr qu’elle connaissait cette salle, parce qu’elle était déjà allée, quelques fois par le passé. Au fil des mois, elle avait fini par l’oublier, son train de vie était devenu trop entraînant et… Non. Elle avait abandonné l’idée de rejoindre cette pièce parce que le miroir, à défaut de ne rien avoir à lui offrir, ne pouvait rien lui reprendre de comparable à ce qu’elle désirait plus que tout au monde.

En fait, c’était sans doute cette curiosité morbide qui l’avait entraînée jusqu’ici, mais elle préférait ne pas y penser, parce que ça aurait été terrible de le réaliser. Elle avait connaissance du Miroir, et de son pouvoir. Elle avait beau avoir été attiré par lui il fût un temps, elle avait cessé d’y penser, résignée. Et ce soir, alors que personne ne la retenait, alors que personne ne la prenait par la taille et dormait à ses côtés, elle avait rejoint la pièce. La pièce était vide et Thèdes se demanda une seconde pourquoi elle s’en étonnait. Un samedi soir à Bourg-en-bière, alors que ses lumières seraient allumées jusqu’au lever du jour, attirait bien plus qu’une nuit passée dans une pièce vide. Elle entendit du bruit, et, soudain angoissée, elle tourna la tête vers la porte ; personne. Elle fixa quelques secondes les murs de pierres avant de croiser les bras, ramenant sa robe de chambre contre elle, et se reconcentra sur le Miroir recouvert d’un voile. À pas lent, elle s’en approcha, faisant tomber le tissu à ses pieds nus, hésita un peu avant de relever les yeux pour y voir son reflet ; pas trop longtemps, parce que c’était trop tentant, et que quitte à tenter le diable, autant le faire correctement.

Elle ne fut pas surprise d’y voir son frère, parce que voilà le reflet qu’elle y voyait toujours. Un bébé parmi tant d’autres, calé dans ses bras. Elle mit toute la volonté du monde pour détacher son regard du miroir, parce que ce n’était pas sain, parce qu’elle n’avait pas besoin de ce genre d’image, parce qu’elle devait aller de l’avant, parce que mieux, elle le pouvait, parce qu’elle avait trouvé la force d’avancer. Elle n’y parvint pas. Elle ne pouvait concrètement pas détacher ses yeux du bébé, bébé qui aurait dû à l’heure d’aujourd’hui atteindre les huit ans. Elle esquissa un sourire, prise de la pensée soudaine que si son père devait un jour avoir à se confronter au Miroir, il y verrait sans aucun doute la même chose que Thèdes. Elle en fit la conclusion simple que pour que la famille Konstonhalu puisse être heureuse, il ne manquait que Tejho.

Et soudain, l’image se brouilla. Ne voyant plus Tejho, Thèdes fronça automatiquement les sourcils. Et il arriva quelque chose qui n’était jusque là jamais arrivé : Son reflet se mit à changer. Ou plutôt, elle y vit une nouvelle personne, et elle esquissa un sourire alors que la personne derrière elle passa un bras autour de sa taille.

Un sourire qui s’effaça automatique quand elle comprit le marché que lui proposait le Miroir à Revers.

Elle eut la nausée, incapable de penser, ni même de parler. Elle aurait eu besoin de penser à haute voix, histoire de se persuader qu’elle ne rêvait pas. Et pourtant, elle le savait déjà, que ça n’avait rien d’un rêve, parce que c’était un choix tout à fait possible à faire, parce que les choses avaient changé depuis sa première année, parce que Thèdes avait trouvé quelqu’un d’une importance à égale à son frère, voire plus. Elle connaissait la ruse du Miroir de nom, en avait entendu parler, ne l’avait pourtant jamais réellement remarquée jusqu’à maintenant. Et elle avait beau se le répéter que c’était un choix malsain, et fourbe, et terrible mais elle y pensait quand même, incapable de se décider. Le Miroir lui laisserait tout le temps qu’elle souhaitait, elle en avait bien conscience. Et pourtant, le temps ne lui serait d’aucun secours. Elle leva les yeux vers ceux –bleus- du reflet, et se mordit la lèvre avant de détourner le regard vers le pan du mur.

C’était Andrew, ou c’était Tejho.

Voilà où sa curiosité morbide l’avait menée. Mais peu importait, son choix était déjà fait.


(PV)
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Eleanor Des Oraisons
M.U.M
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Eleanor Des Oraisons



 
▌Né(e) le: 23 Décembre
▌Pays d'origine: Russie
▌Statut: 4ème année

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MessageSujet: Re: Le miroir de la volonté.   Le miroir de la volonté. EmptyJeu 29 Mar - 18:35

Talon, orteil. Talon, orteil. Talon, orteil. Rythme constant, timbales, cabriole fulminante sur le carrelage. Notes déferlantes, pas accélérés de souris, prélude d’un arrêt précipité sur un dernier coup de tonitruant de percussion. Intersection de couloir. La plante des pieds d’Eleanor embrassa la pierre froide, sa longue chevelure d’ébène retombant avec une légèreté moqueuse sur ses épaules graciles. Prompt reprise de souffle, virage à gauche, nouvel élan. Libiamo ne' lieti calici, réception fabuleuse de Verdi à Paris. Elle tournoyait, bondissait, levait les bras, prête à s’envoler, néanmoins inapte à rejoindre le ciel, ses deux pieds ramenés avec hâte sur terre, si non par la réalité, au moins par la gravité et l’absence d’ailes. La tête dodelinant, suivant la cadence de La Traviata, elle chantait Violetta à une heure indue, le pan de sa nuisette de sinople lui caressant les mollets, prolongement de jambes se rendant à la salle de musique satisfaire la démangeaison de ses doigts.

Un murmure soufflé par la brise nocturne contre sa nuque mis un terme prématuré au premier acte de l’opéra. Tout au bout du corridor, le battant d’une fenêtre claquait sous les caprices du vent. Ela fit demi-tour, s’en approchant afin d’en tourner le loquet, scellant Éole au-dehors du château. Sur sa droite, l’éclat d’une bougie au mur oscilla dans la pente de l’escalier menant au rez-de-chaussée, attirant le regard argenté de la jeune russe en sa direction. Eleanor, se mouvant vers le précipice entre les deux étages, amarra ses orteils à la lisière du palier. Elle abaissa ses paupières, voilant ses iris de celles-ci, tendant l’oreille. La voix du miroir l’appelait, lointaine, dans un murmure. Ses doigts tâtèrent le mur, guidés par sa vision de la Salle à Revers, irrésistible tentation contre laquelle elle ne livrait plus combat, admettant qu’elle la vit un jour en ennemie. Envoûtée, Eleanor comptait la distance la séparant du sanctuaire du miroir. Rouvrant les yeux sur le seuil de la porte, confiante d’être là où elle se devait, son pouce effleura la poignée qui fit reculer la porte déjà entrebâillée. La voix se tut, imprégnant la pièce d’un silence significatif l’invitant à entrer. Sans gêne, Ela s’avança, ses pieds nus dérobant sa présence à la jeune femme devant la glace. Le regard déviant sur un point aléatoire, l’inconnue se mordit la lèvre inférieure, troublée. Ela se manifesta par son ombre répercutée sur le sol.


« Ne prends pas mal ce qu’il te montre, il ne veut que te faire plaisir, te rendre heureuse. »

Posant sa paume contre la vitre froide, un frisson lui parcourut l’échine. De l’autre côté, une main miniature vint se coller sur la sienne. Un petit garçon la fixait de l’abysse au fond de ses yeux gris perle, le coin de ses lèvres se rehaussant en un sourire taquin. La jeune russe ramena son bras le long de sa silhouette longiligne, laissant l’empreinte embuée de sa paume s’estomper sur le verre. Le garçonnet l’imita, penchant sa tête blonde sur le côté, joue contre épaule, et s’enfuit en courant dans le brouillard derrière le miroir. Eleanor le regarda partir avec affection. Il reviendrait. Il revenait toujours. Entre temps, elle s’adressa avec aise à la fille en peignoir sans se détourner du miroir.

« Tu es Thèdes Konstonhalu, n’est-ce pas ? »

La Cinnacrow amoureuse d’Andrew McAllen, l’ami de ce rustre d’Alex Adams. Les Cinq Plumes. Les Cinq Farces. Konstonhalu, comme le politicien, cet homme notable de Norvège. Deux mondes différents. Les roturières pouvaient s’enticher des princes, mais jamais une princesse n’aimerait un bouffon. Le rire, spasme éphémère, passager, ne suffisait pas pour gagner les cœurs. Par quelle magie complémentaire le rêve sordide devint réalité ? Un trucage des sens ? Les prunelles curieuses d’Ela s’attardèrent sur le reflet de l’âme de la norvégienne. Qu’avait-elle vu, dans le miroir ? Que pouvait-elle avoir perdu, sinon la raison elle-même ? Il fallait être très écervelé pour s’offrir en pâture aux loups.

« T’a-t-il proposé un marché ? »

Poussée par un courant d’air d’humeur atrabilaire, la porte de la salle claqua avec violence. Le vent n’aimait pas qu’on l’emprisonne. Vengeur, il s’agitait tel un esprit frappeur, semant la chair de poule sur son passage. Prise d’un sursaut, la respiration d’Eleanor se coupa lorsqu’elle recroquevilla son cou au creux de ses épaules. Néanmoins consciente de l’origine du bruit, elle ne se retourna pas, octroyant le temps nécessaire à son cœur pour se calmer, se frictionnant le bras d’une main afin de redonner à la surface de sa peau son allure lisse. Ela ajusta une mèche derrière son oreille, ses ongles glissant le long de sa gorge. Ses doigts se suspendirent dans l’air au-dessus de sa clavicule, le regard confus, distraite au sein d’une pièce où tout n’était pourtant plus que quiétude sonore. Elle tourna la tête vers le miroir, le dévisageant tel un interlocuteur.
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Thèdes Konstonhalu
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Thèdes Konstonhalu



 
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MessageSujet: Re: Le miroir de la volonté.   Le miroir de la volonté. EmptySam 31 Mar - 15:23

Le miroir venait de lui parler. Une voix féminine. Elle écarquilla les yeux, détournant son regard du mur pour regarder son reflet, Andrew toujours derrière elle, souriant, et elle préfèra de nouveau tourner la tête, et ignorer l’objet magique le plus sournois qu’elle avait connu. Elle fronça les sourcils, sans savoir si c’était l’heure tardive qui déréglait ses pensées ou bien si c’était elle qui devenait folle. La fatigue, sans doute, elle l’espérait, du moins, parce que quelques secondes plus tard, elle sursauta, tournant vivement la tête vers la jeune fille qui venait de faire intrusion dans la pièce, s’incommodant tout à fait du dérangement qu’elle provoquait. Ce n’était évidemment pas le miroir qui avait parlé, elle aurait pu le deviner seule, mais, sans doute bien trop emportée dans ses pensées, elle avait fini par confondre rêve et réalité. Elle pensait à se dérider, mais les paroles d’Eleanor des Oraisons vinrent cogner de nouveau dans son esprit, comme un boomerang, et elle secoua la tête, pas vraiment certaine d’être entièrement d’accord avec elle. Le miroir ? Il voulait simplement la rendre heureuse ? Il aurait pu lui rendre sa tâche bien plus difficile, oui, si elle n’avait jamais eu les idées aussi claires qu’aujourd’hui concernant Andrew. Le miroir avait essayé de saccager tout ce qu’elle avait réussi à construire, il avait essayé de lui enlever ses projets avec une magie des plus noires. Faire revenir un mort dans le monde des vivants, lui enlever le vivant le plus cher qu’elle avait au monde pour faire renaître le mort. Il y a encore quelques mois de cela, elle aurait pu acquiescer, dire oui tout de suite. Sans réfléchir, sans penser aux conséquences, sans penser à Andrew, seulement à son père qui désirait Tejho plus que tout au monde et à elle-même qui rêvait de voir son père heureux. Mais peu importait, son père aujourd’hui n’avait plus d’importance, parce qu’Andrew était là et que Tejho n’était pas ; plus. Mais il y a quelques mois de cela, jamais le miroir ne lui aurait fait une telle proposition, parce qu’Andrew n’avait jamais autant de valeur qu’aujourd’hui, et persuadée qu’il en aurait encore davantage demain, elle adressa un nouveau regard au miroir, sur son propre reflet, se concentrant sur ses yeux noirs, hautaine, il avait perdu et elle avait gagné, même si elle était bien incapable de dire ce qu’elle avait pu gagner et ce que lui avait pu perdre. Curieuse de se rendre compte qu’elle ne s’offusquait pourtant pas de la réponse, elle détourna de nouveau le regard pour fixer Andrew de nouveau, répondant d’une voix terne :

« C’est faux. Il veut me faire douter, mais il n’y arrive pas. Il s’est trompé. »

Elle se décala légèrement, laissant la place à la Dorelly pour s’installer devant le miroir, ce qu’elle fit. Thèdes la regarda esquisser un sourire, de nouveau silencieuse. Bougeant la tête pour fixer à présent le miroir qui montrait à présent Eleanor, elle et elle seule, elle se demanda une seconde ce qu’elle pouvait bien y voir, n’osant pourtant pas poser la question. Pure politesse, peut-être. Peut-être que c’était bien trop intime aussi. Elle ne savait pas si elle-même aurait un jour le courage de révéler à quelqu’un ce qu’elle avait vu dans la salle à Revers, mais elle était convaincue, parce qu’elle se l’était promise, de ne jamais le dire la vérité à Andrew sur le sujet. Confiante, parce qu’elle ne voyait pas pourquoi le sujet arriverait un jour à traverser leurs lèvres, et pourtant, elle culpabilisait déjà, ils se l’étaient promis, ça aussi : Plus de mensonge. Elle se consola : Elle ne mentait pas, elle omettait d’en parler. Lui, qu’est-ce qu’il aurait pu y voir ? Était-il déjà venu ici ? Elle se promettait également de ne jamais lui poser de telles questions. Parce que voilà où ses questions à elle l’avaient menée. Tournant de nouveau le regard vers Eleanor – la vraie, et non le reflet – alors qu’elle regardait toujours son reflet, semblant y voir quelque chose qui lui plaisait particulièrement, elle écouta sa question, si peu surprenante.

Oui, elle était Thèdes Konstonhalu. L’amoureuse d’Andrew McAllen, le membre des cinq Plumes. La fille d’Aradan Konstonhalu, directeur de la coopération magique internationale de son état. La première de la classe. Celle qui finirait médicomage. Celle qui époustouflait les autres de par ses résultats scolaires. Celle qui avait pardonné Andrew McAllen. Celle qui avait renouée avec Lauréline McShane. Celle qui avait eu la stupidité de passer sur les erreurs de ses camarades, elle qui était d’ordinaire tellement intransigeante. Elle en entendait, des bruits de couloir, n’en écoutait que peu, n’avait aucunement l’intention de s’y intéresser davantage, et si une rumeur arrivait jusqu’à ses oreilles, elle préférait balayer la conversation d’une main, peu intéressée. Elle avait mûri, ces derniers temps, ne sautait plus à la gorge de personne – ou presque personne -, bon, avait arrêté de se poser des questions, parce qu’il paraît que c’est toujours mieux de vivre le présent tel qu’il se présente. Elle était Thèdes Konstonhalu, et elle ne se leurrait pas, on ne connaissait pas son prénom pour autre chose que ses notes, pour autre chose que son père, pour autre chose qu’Andrew. Elle avait appris à s’en accommoder.

Elle hocha la tête. Elle était Thèdes Konstonhalu. C’était un secret pour personne.

Et elle savait qui se trouvait à ses côtés : Eleanor des Oraisons. Une mère ambassadrice de Belgique, si elle ne se trompait pas, mais elle faisait confiance à sa mémoire sur ce coup là, elle était persuadée d’avoir entendu son père en parler brièvement, et Thèdes avait toujours bu les paroles de son père. Un frère à Swyn. Un frère qu’elle avait rarement vu, d’ailleurs, occupé à regarder par les fenêtres lorsqu’elle le croisait dans la salle commune, ou à fumer une cigarette. Les yeux toujours fixés sur elle, détaillant ses traits, elle répliqua dans un murmure de sa voix claire :

« Et toi, Eleanor des Oraisons. »

Pas d’interrogation comme Eleanor l’avait fait, d’ailleurs Thèdes était sûre d’elle, savait parfaitement qui elle était, n’avait évidemment aucun doute. Les présentations faites, Thèdes se permit de détourner le regard de sur Eleanor pour se reconcentrer sur le reflet, se rapprochant légèrement du miroir, remarqua Andrew n’avait toujours pas bougé de sa place. Il n’avait toujours pas changé, et si Thèdes n’esquissa pas un nouveau sourire, c’était sans doute parce que cela n’avait rien de sain. En fronçant les sourcils, elle se rendit compte que rien ne l’était vraiment ici, et s’interdisait alors de faire partie d’un décor sordide et grotesque. Si Eleanor prenait la défense du miroir, grand bien lui fasse, Thèdes ne la jugerait pas, mais ce serait se corrompre que d’être en accord total avec elle.

La question d’Eleanor lui fit lever les sourcils alors qu’elle bougeait encore la tête, la tournant vers elle, comme si elle était incapable de savoir à qui elle s’adressait vraiment, si c’était au miroir ou à Eleanor, elle préféra pourtant se concentrer sur Eleanor, elle, elle était vivante, et elle parlait, et elle ne proposait pas la mort de l’être le plus cher de Thèdes contre un qui aurait pu avoir sa place dans ce monde. Elle avait l’air droite, ne proposait pas de marché.

« Un mort contre un vivant. »

Elle n’avait pas envie d’en dire plus, pas à Eleanor, ni à personne d’autre, jamais. Elle se l’était promise, elle venait de le faire. Et si elle n’était pas capable de l’avouer à Andrew, alors, elle ne l’avouerait à personne. Même pas à Lauréline, qui, toujours présente pour elle, aurait écouté sans juger, sans choisir à sa place. Cette histoire ne regardait qu’elle, qu’elle et elle seule. Personne n’en serait jamais au courant, elle avait juré dessus, croix de bois, croix de fer, si je mens, je vais en enfer. Elle s’était promise de ne pas poser de question à Eleanor non plus, elle réussit à ignorer la voix dans sa tête qui rêvait presque de lui retourner la question. Elle voulait savoir, et en même temps pas. Ça ne la regardait pas. À force de trop s’occuper des affaires des autres, elle avait oublié les siennes, pendant un temps. Mais c’était un temps parfait pour, à l’époque, et aujourd’hui, elle avait ses propres affaires, et même de très jolies affaires, et elle n’avait que faire de celles des autres. Alors, elle trouva un compromis, une pensée fugace pris place dans son esprit et résonna partout dans sa pièce, persuadée de n’avoir fait que la penser, pourtant.

« Tu as l’air heureuse, quand tu regardes ton reflet. »

Elle fronça les sourcils. Il fallait qu’elle apprenne à réfléchir avant de parler. Pour Andrew, d’abord, mais surtout pour elle.
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Eleanor Des Oraisons
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MessageSujet: Re: Le miroir de la volonté.   Le miroir de la volonté. EmptyMar 15 Mai - 17:19

L’existence d’Eleanor Des Oraisons baignait dans un flot de certitudes. Douter signifiait remettre en question, pratique dont elle ne connaissait pas la torture. La psyché d’Ela s’en trouvait fortifiée. Paradoxalement, son mental ne formait qu’un château de cartes si on en connaissait la faille. La volonté du miroir, quant à elle, ne visait qu’une fin, et une seule.

« Le miroir ne se trompe pas. »

Thèdes Konstonhalu ne comprenait pas la Salle à Revers, et encore moins la magie qui s’y opérait.

« L’équilibre demande l’échange. Si tu n’en veux pas, le miroir ne te rendra pas ce que tu as perdu, mais il ne te ravira pas ce qui t’es de même valeur non plus. »

Il offrait un marché à une ultime condition tout-à-fait légitime ; le taux de change s’égalerait, tant de pommes contre un tel amont de poires, sans jamais varier. La valeur de ce qu’il demandait équivaudrait toujours au prix du retour de la balance, rendant ce qu’un tiers perdit naguère en s’appropriant la monnaie d’échange. Il ne forçait la main à personne, n’obligeait aucun individu à céder à cette proposition ô combien inespérée de soustraire aux griffes du passé l’objet d’une affection tenant aujourd’hui de la nostalgie de part son égarement, mais quelle joie de le retrouver ! En cas de refus, la possibilité ne disparaissait pas, Eleanor le savait car au contraire des êtres humains, le miroir ne vieillissait pas. Le temps n’exerçait aucune emprise sur lui, par conséquent ses offres n’expiraient pas. Miroir, miroir, génie des miracles… La magie lui procurait de divins pouvoirs aptes à combler les désirs du cœur des Hommes, à remonter l’horloge de Chronos. Dans la balance de Thèdes Konstonhalu ; un mort contre un vivant. Bonnet blanc, blanc bonnet. Le mort reviendrait à la vie, terrassant le vivant en ressuscitant.

« Au son de ta voix, le prix ne doit pas te plaire. »

Eleanor écouta le silence lui répondant. Thèdes ne voulait pas en parler, et elle ne l’en blâmait pas. Les iris argentés de la jeune russe ne quittèrent pas la glace alors qu’un murmure franchissait ses lèvres rouges au teint de rose qu’elle se retint d’hausser en un sourire lorsque l’autre jeune femme s’adressa à elle en évoquant le bonheur émanant d’Ela en croisant la vision offerte par le miroir.

« Je voudrais qu’on me rende mon frère. »

Celui avant l’adolescent attentant à sa propre vie, avant l’homme corrompu par Blanche. Ela crispa ses doigts à la surface de la glace, incapable d’atteindre les petites mains du garçon revenu la hanter de son tendre regard pur.

« J’aurais souhaité lui épargner la douleur. »

L’échine d’Eleanor s’affaissa, entraînant ses genoux dans sa chute alors qu’elle se tournait dos au miroir, s’assoyant sur le carrelage glacée de la pièce, repliant sa nuisette sous ses cuisses. Elle pivota le menton vers son épaule, fronçant les sourcils d’accablement.

« Qu’y a-t-il de pire que l’impuissance… ? »

Ela leva son visage vers Thèdes.

« Tu le sais, toi, n’est-ce pas ? Tu ne peux pas accepter son offre, alors tu dois forcément savoir. »

La musique, elle l’apprit à ses dépends, ne soignait pas tous les maux. Sa harpe ne lui permettrait jamais plus que de traverser les Enfers sans s’y faire dévorer, de même que celui l’accompagnant. Qui d’autre que son frère pouvait tenir ce rôle, lui qui lui offrit ce prénom béni qu’elle chérissait tant, qui l’avait vu grandir. Jade la connaissait par cœur, cependant le cœur de ce dernier restait entre les mains putrides de Blanche d’Esterel. Elle le serrait entre ses griffes comme un chat se jouait d’une vulgaire souris en caoutchouc, le coinçant au coin d’un mur d’un habile coup de patte avant de l’y abandonner. Quel désintéressement honteux. Indignée, Eleanor ne lui trouvait pas le droit d’être une part d’Ailin.

« Qu’est-ce qui t’empêche de conclure le marché ? »

Quelles limites le miroir définissait-il autour de Thèdes Konstonhalu pour qu’elle se refuse à son offre généreuse ? Ela savait qu’il ne faisait pas deux fois de suite le même échange et si rien n’égalait le prix demandé, il acceptait quelque chose de valeur supérieure. Les pupilles de la jeune russe se dilatèrent de compréhension, fixant la norvégienne comme on regarde avec révélation la solution toute simple d’un problème mathématique des plus complexes.

« Le vivant est plus important. »

Eleanor se retourna vers le miroir, terrifiée de l’intérieur. De retour près d’elle, le petit garçon lui souriait.
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Thèdes Konstonhalu
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MessageSujet: Re: Le miroir de la volonté.   Le miroir de la volonté. EmptyDim 20 Mai - 15:35

Thèdes percuta quelque chose qu’elle semblait ne pas avoir compris avant : Eleanor était à un stade qu’elle avait dépassé il y a quelques mois. Elle voulait son frère, et Thèdes se reconnaissait terriblement dans cette phrase, une phrase qu’elle avait dû penser comme murmurer un bon milliard de fois, à l’abri des oreilles indiscrètes, lorsqu’elle était seule. Eleanor des Oraisons ne se fatiguait pas de tergiversations, disait à haute voix qui lui manquait clairement alors que Thèdes ne lui avait rien demandé même si, malgré elle, elle l’aurait désiré. Le frère de des Oraisons n’était pas mort, ou alors, il y en avait un deuxième, mais jamais elle n’en avait entendu parler. … Personne n’avait jamais entendu parler de Tejho non plus, à part Andrew et Lauréline, alors ça ne voulait rien dire. Thèdes se plaisait dans l’innocence de croire qu’elle était seule contre le monde entier, à penser toujours différemment que les autres, à agir différemment que les autres alors que pas du tout, fallait pas se leurrer. Tout le monde avait ses propres secrets, pleins dont Thèdes ne serait sans doute jamais au courant. Quelques-uns, plus courageux qu’elle, avait réussi à les garder cachés jusque dans leur tombe, alors que Thèdes n’avait pas mis longtemps avant de tout dévoiler aux autres. Mais les autres étaient toujours plus forts. Et puis, il y avait un autre courage, celui dont Eleanor jouissait, vraisemblablement, elle disait haut et fort ce qu’il lui manquait, peut-être dans l’espoir qu’on finisse par le lui apporter ; Thèdes ne pourrait pas lui rendre son frère, tel qu’elle l’avait connu du moins, tout comme Eleanor ne pourrait jamais lui rendre le sien. Et voilà l’impuissance dont elle parlait. Apparemment, elle tenait à son frère bien plus qu’à n’importe qui, ne pût cependant pas se résoudre à accepter le marché que le miroir à Revers lui proposait, ce qui était étonnant, en somme, parce que comme elle voyait son reflet, elle se voyait en Eleanor il y a seulement quelques temps, un temps trop court que peut-être jamais Eleanor ne surmonterait. Et pourtant, si Eleanor était elle, Thèdes, elle n’aurait pas pu simplement refuser un marché qui lui aurait apporté ce qu’elle voulait vraiment, surtout si son désir le plus cher était de retrouver son frère. Et elle comprit encore davantage, que cette impuissance n’était pas là juste pour le décor, mais que pour Eleanor, le miroir ne lui servirait jamais que de glace qui lui montrerait ce qu’elle voulait vraiment sans jamais pouvoir le lui offrir. C’était à en devenir fou, assurément. Et Eleanor se laissa glisser sur le sol, et Thèdes la rejoint. Elle n’allait pas répondre parce qu’elle savait bien qu’Eleanor saurait. Evidemment que Thèdes savait ce qu’était l’impuissance, pour l’avoir vécu, longtemps, et longtemps, et longtemps. Mais plus aujourd’hui, et Eleanor se trompait. Non, elle ne refusait pas par impuissance, au contraire, aujourd’hui, elle faisait ce qu’elle voulait, sans avoir eu besoin de peser le pour et le contre. Elle avait vécu trop de temps dedans pour s’y complaire de nouveau, et le choix Andrew-Tejho, bien qu’il fût cruel de l’admettre, avait été bien simple pour Thèdes. Andrew l’avait aidée, toujours, à se remettre sur pied, même si c’était souvent lui qui l’avait faite tomber. La mort de Tejho n’avait fait que l’abattre, et sa tombe avait été creusée, déjà. Il avait fallu beaucoup de temps pour que tout le monde se remette, et ce temps là, par contre, n’était pas encore révolu, mais jamais, même contre tout l’or du monde, Thèdes ne se laisserait traînée dans la boue encore une fois. A la mort de Tejho, il n’y avait eu personne. Aujourd’hui, il y avait Andrew, et cet Andrew-là, il avait pris trop de place, lui aussi, qu’il ne faudrait pas simplement lui creuser une tombe, mais la lui fermer aussi, et Thèdes dedans.

« Et le vivant sera toujours plus important que le mort. »

Elle ne savait pas quand elle avait changé, précisément. Quel jour avait été déterminant pour elle, laissant la première place à Andrew pour remettre Tejho à une place moindre, à la place d’un mort, qu’on n’oublie pas, mais qui n’est plus. Elle ne pouvait toujours pas dire ce qui avait provoqué un tel changement, si c’était dans le Maine, ou en Norvège, chez elle, lorsqu’Andrew était venu chez elle. Elle ne savait pas non plus si ça s’était fait d’un coup, pam, ou si c’était quelque chose de vicieux, qui, petit à petit, avait pris une place considérable. Elle ne savait rien de tout ça, n’empêche que malgré tout, c’était un choix bien égoïste, encore, qu’elle faisait là, parce qu’elle avait la conviction que Tejho ne l’aiderait pas à dormir, le soir, alors qu’Andrew oui, que Tejho ne lui caresserait pas les cheveux le soir, alors qu’Andrew oui, que Tejho resterait toujours avec elle, quoi qu’il advienne, alors qu’Andrew oui.

Andrew ferait tout ça, il le lui avait promis.

Et elle n’avait pas encore de changer quoi que ce soit, elle n’avait pas encore recommencer tout du début, parce que ce ne serait jamais vraiment la même chose, Tejho resterait Tejho, malgré lui, et malgré Thèdes, ce serait un épisode marquant, et terrible, il fallait l’avouer, mais Tejho ne serait jamais Andrew. Drôle, mais pas assez pour rire, que de penser que Thèdes pensait l’inverse, un an en arrière. Mais elle n’était même pas nostalgique.

« Tu as l’air bien mélancolique. »

Et il n’y avait rien de pire que de l’être, la mélancolie, la nostalgie, ce mal au cœur constant, c’était un cancer, ça bouffe et ça ronge, c’est tout, mais ça n’aide rien. Eleanor, comme Thèdes auparavant s’était complainte dans une malheur qui lui allait bien, finalement, parce que tout va bien à n’importe qui du moment qu’on s’y habitue mais ce n’était que du faux et il fallait l’admettre, pour de vrai. Thèdes n’avait eu personne pour le lui dire, pendant sept ans, que la mélancolie, ce n’est pas bien, que c’est joli, de loin, mais que c’est plus dangereux que c’est beau. Et Andrew était arrivé. Penser à Andrew, c’était un cercle vicieux parce que même quand Thèdes pensait à n’importe quoi d’autre, elle dévirait toujours vers Andrew. Il paraît que c’est comme ça, quand on vit à travers quelqu’un. Et Thèdes vivait définitivement à travers Andrew, mais elle ne le citait pas juste pour le citer, elle donnait son prénom parce que c’était lui qui l’avait aidée, quand personne ne s’imaginait que Thèdes ait jamais besoin de quelqu’un.

« On pense toujours que le passé est toujours mieux, mais c’est faux, on l’enjolive, on le met sur un piédestal, parce qu’on ne peut plus y toucher, c’est tout. »

Et il est tellement, tellement, tellement simple de garder les bons souvenirs et en effacer les mauvais, quand on s’y attèle vraiment bien. Il était d'ailleurs d'autant plus simple de faire l'inverse, comme le père de Thèdes qui avait effacé en un rien de temps les onze premières années de Thèdes pour se morfondre dans une grande tristesse, tellement grande qu'à l'heure d'aujourd'hui encore, il n'en était pas encore sorti, pleurant encore et toujours la mort d'un fils qu'il n'aurait jamais. Thèdes n'aurait jamais sût dire ce qui aurait été préférable, le mieux pour les autres ; Se souvenir uniquement des bons, ou uniquement des mauvais moments. Elle n'en savait rien. Ne valait-il mieux pas essayer de tout se rappeler ? C'était trop compliqué. Seulement, il ne fallait pas idéaliser quelqu'un, ou une période, parce que la chute faisait mal, toujours, et que pourtant, il fallait se relever, à chaque fois, et que ça prenait du temps, et que les gens avançaient, laissant ceux qui tombent derrière eux. Thèdes avait été longtemps derrière, Eleanor semblait simplement ne pas vouloir se relever. Il fallait pourtant que ça change.
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Eleanor Des Oraisons
M.U.M
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Eleanor Des Oraisons



 
▌Né(e) le: 23 Décembre
▌Pays d'origine: Russie
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MessageSujet: Re: Le miroir de la volonté.   Le miroir de la volonté. EmptyMer 13 Juin - 14:24

Son frère n’était pas mort. Si elle le désirait, Eleanor pouvait lui prendre la main à tout instant. La veille au soir, jouant avec lui aux échecs près de la cheminée, elle se saisit de sa paume, glissa son index sur la ligne de vie se courbant sur sa peau, puis elle prit le pouce de Jade afin qu’il en fasse de même dans la sienne. Un frisson traversa le long de sa colonne vertébrale. S’ensuivit l’esquisse d’un sourire sur les lèvres d’Ela. Regarde, Jade, nos lignes s’arrêtent à la même seconde. Au creux de son âme, elle souhaitait que lorsque la faucheuse viendrait, dans de nombreuses années, leurs cœurs cesseraient de battre ensemble dans une mesure complète de silence. Thèdes s’assied à ses côtés, geste de sympathie, partage d’impuissance. Plus que tout au monde, Eleanor craignait les sombres pensées de son frère. Par le passé, son manque de souffrance le persuada une fois d’attenter à sa vie. Terrible période de préadolescence, cruel égarement, mal d’être. La douleur physique parvenait à secouer les démons intérieurs. Aujourd'hui, la posture de Jade donnait l’impression d’un homme apaisé. Pouvait-elle se fier à l’apparence arborée par son aîné, à ses paroles rassurantes ? Oui, à n’en point douter. Jouait-il la comédie dans le seul but de lui épargner de l’inquiétude ? Non. Jamais. Pas eux.

« Je veux rendre au vivant ce qui est mort en lui. »

Rendre son innocence à Jade, effacer Blanche d’Esterel de sa mémoire. L’absoudre du vide. S’oublier, se sacrifier elle-même, tout pour qu’il redevienne le petit garçon d’antant débordant de joie de vivre, éclatant d’un rire léger dénué de tout tracas. Ce rire aujourd’hui si rare et si contenu, si ardu à entendre. Pire que mélancolique, la jeune russe devenait gardienne du cafard, inconsciente de son poison ravageur. Un mal muet, sournois, rongeant l’invisible.

« Je… »

La nostalgie, amère, enserra sa gorge. Une envie démente de pleurer s’empara d’elle. Eleanor enroula ses doigts tremblants autour d’une mèche de ses cheveux ourlant sur sa nuisette. Une brume de morosité assombrit le gris clair de ses iris. Lever les yeux vers Thèdes exigea d’elle un incommensurable effort. Tous ses membres ne demandaient qu’à s’étaler sur le sol. Eleanor Des Illusions, chasseuse d’utopies, hôte de chimères, poupée désarticulée aux fils coupés s’effondrant sous le poids de la tourmente.

« Je ne veux pas retrouver le passé, ni l’altérer. Je pense à l’avenir. Il est celui que je dois enjoliver et mettre sur un piédestal, tu comprends ? »

La boucle quitta ses doigts délicats, spirale s’enroulant sur elle-même. Eleanor baissa les yeux vers ses pieds nus, serrant ses bras glacés de ses mains. Elle fronça les sourcils d’un air enfantin, affichant sa vulnérabilité, se mordant la lèvre inférieure.

« Le miroir refuse de marchander avec moi. Que puis-je faire d’autre ? »

Que pouvait savoir Thèdes Konstonhalu de la douleur et de l’impuissance en découlant ? Comme la terre, les couches se succédaient, s’empilaient en profondeur. La voix du miroir chuchota moult vilénies à ses oreilles. Une lueur de compréhension éclaira son regard. Ilseïk détenait toutes les réponses. Vivre le vécu de Jade, ressentir le même froid. Abattre sa conscience d’un profond sommeil. En octobre, comme lui. Mon tendre frère, ton traitement deviendra mien. Ainsi je comprendrai. Nous créerons le même mal, manquant tous deux son aboutissement. Il nous est impossible de nous laisser l’un l’autre.

« Un frère et un sœur ne s’abandonnent pas. »

Eleanor se releva, oubliant la présence de Thèdes. Les bras levés, elle vint à la rencontre de l’unique candélabre au mur. Ses doigts l’arrachèrent, la cire chaude s’écoulant sur le sol. Le miroir la trompait, elle le voyait à présent. Objet maléfique, traitre. Tout ce temps, elle cherchait au mauvais endroit, se tournait vers lui comme à un ami. La jeune russe lui fit face, prête à en abattre la glace, priant Thèdes de se dégager. Rien ne l’en empêcherai, elle le briserait en morceaux jusqu’à ce que le verre redevienne sable. Ela brandit le chandelier d’argent, prenant son élan, puis se pétrifia. Le reflet n’était plus le sien, ni celui de Jade âgé de huit ans. Les bras d'Eleanor s’affaissèrent. La cire d’une bougie goutta sur sa peau, la brûlant. Ses mains relâchèrent le candélabre, fracassant le marbre dans une brève cacophonie métallique s’achevant sur une blanche, demi-pause.
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Thèdes Konstonhalu
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▌Né(e) le: 27 juillet
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MessageSujet: Re: Le miroir de la volonté.   Le miroir de la volonté. EmptyDim 1 Juil - 16:52

C’était aussi dangereux qu’idiot, de vouloir rendre la vie à ce qui était mort. Triste raisonnement. Il frappa Thèdes de plein fouet. N’avait-elle pas rêvé, des années durant, de vouloir rendre la vie à son frère défunt ? Thèdes ne savait pas si c’était possible de réveiller ce qui était endormi chez quelqu’un, la psychomancie ne l’intéressait pas davantage que la créaturologie, et pourtant, elle l’étudiait. Évidemment, elle savait mettre les leçons en application, faire des exercices, mais elle ne s’en passionnait pas. Peut-être. Elle pouvait bien se réveiller d’un sommeil profond, mais on ne pouvait pas revivre après avoir été mort. Elle faisait redonner vie à ce qui était mort en son frère. Thèdes ne pensait pas ça possible, et pourtant, elle acquiesça. Elle aurait voulu qu’on l’acquiesce, plus jeune, lorsqu’elle disait vouloir rendre la vie à son frère, pas simplement qu’on la regarde, un autre triste au visage, l’air de dire que c’était impossible, qu’on pouvait bien rêver de tout, mais pas de ça. Elle fronça les sourcils quand Eleanor eut la gorge trop serrée pour terminer sa phrase, phrase qu’elle reprit aussitôt après, et qu’elle écouta avec attention. Elle comprenait, évidemment. N’était-ce pas une logique tout à fait saine, au contraire de son autre idée, celle de ressusciter des parties de son frère déjà enterrées. Cela dit, elle avait du mal à comprendre pourquoi Eleanor ne vivait pas tout simplement dans le présent pour rendre son futur plus beau. C’était étrange, d’y penser. Thèdes s’en était rendue compte plus tôt, Eleanor se trouvait au même stade qu’il y avait quelques mois de cela. Thèdes n’aurait jamais fait le rapprochement sans elle, d’ailleurs. Andrew avait réussi à lui faire oublier le passé, de manière considérable, et presque automatiquement. Aujourd’hui, Thèdes pensait au présent, mais pas que, effectivement. Le futur s’annonçait de toutes les couleurs, mais jamais noir, mais jamais noir.

Mais jamais noir.

Non, Eleanor ne pouvait rien y faire, c’était vrai, mais le miroir semblait ne rien faire de bon, de toute façon. Après tout, il avait proposé le pire à Thèdes. Il avait cru qu’elle dirait oui, puisque c’était là son seul devoir, sa seule envie, mais il avait eu tort. Échanger Andrew ne ferait que tuer Thèdes, et rien d’autre. Sans lui, il n’y aurait plus de joli présent, et de merveilleux futur de toutes les couleurs, sans le noir. Le miroir, aussi intelligent soit-il, et manipulateur, n’avait pas décelé une chose aussi profonde et pourtant si visible. Le miroir n’était qu’une bêtise et oui, bien sûr, elle le savait, qu’un frère et une sœur ne s’abandonnaient pas, mais elle n’avait rien abandonné, elle, c’était lui qui l’avait. C’était lui qui l’avait quitté, rendant Aradan tellement triste qu’il en oublia tout ce qui pouvait l’entourer à part son travail. Thèdes n’avait rien fait de tel. Elle n’avait pas abandonné son frère, ni son père, d’ailleurs. Évidemment, elle l’avait mal vécu, comme tout le monde, mais elle avait compris, elle avait encaissé la chose en elle-même, au fil des années, elle avait réussi à gérer un problème gros comme le monde, mais pas toute seule. Elle ne le gérait qu’avec Andrew, et encore, il ne lui sembla pas une seconde qu’elle eût à gérer quoi que ce soit. Et elle avait raison de faire ce qu’elle faisait, Eleanor, d’être en colère contre un miroir si faux et si trompeur, et elle se leva en même temps qu’elle, fronçant les sourcils en imaginant déjà ce qui allait arriver, ne pouvant pourtant percevoir comment réagirait le miroir une fois cassé.

Elle n’eut pas à le percevoir. Le miroir ne se brisa pas. Eleanor ne tapa pas dedans. Ce miroir ferait encore des malheureux ; beaucoup. Elle le savait, parce que les faibles ne font que marcher dans les couloirs, et rentrent parfois dans des pièces sans vraiment savoir où ils sont. Elle le savaient, parce qu’elle en avait fait partie, il n’y a pas si longtemps, et que si c’était arrivé il y a seulement quelques mois de cela, elle aurait accepté le marché, sans aucune pitié pour Andrew ou n’importe qui d’autre. Pourtant, elle ne s’attarda pas y penser davantage et se rapprocha de la Dorelly.

« Tu vois quelque chose, n’est-ce pas ? »

Thèdes, elle, voyait toujours ce bébé, ce petit frère, et un Andrew, qui disparaissait peu à peu, avant de revenir pour lui sourire. Thèdes lui sourit de nouveau. Il fallait qu’elle lui parle, mais il ne serait pas là durant deux jours. Peu important, demain, elle lui enverrait une lettre pour lui dire à quel point il lui manquait, et peu importait ces anciens codes idiots qu’elle utilisait. Assez de mentir, ou d’essayer, il fallait avouer.

« Ne l’accepte pas. C’est un leurre. »
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