Une après-midi à Swyn-plage... révisions ou pas ? (Libre)

Le beau temps avait tardé à s'installer sur l'Irlande, mais cette fois, il semblait que le printemps était bel et bien là. Depuis plusieurs jours, il ne pleuvait pas – phénomène assez rare pour être mentionné – et la température montait lentement mais sûrement. Bien sûr, cela n'avait rien à voir avec les grosses chaleurs de la péninsule italienne que James affectionnait, mais il y avait de l'idée. On pouvait se promener en chemise sans attraper une fluxion de poitrine dans les cinq minutes, et beaucoup d'étudiants arboraient des lunettes noires qui leur donnaient l'air de vedettes en vacances. Hors des heures de cours, il n'était pas rare de croiser des élèves vêtus de shorts, de T-shirts légers, de chaussures de plage ; sans doute étaient-ils moins frileux que James, qui pour l'heure ne s'était aventuré qu'à retrousser les manches de sa chemise, lorsque la température était vraiment clémente.

Lorsqu'arriva le samedi, la température monta encore. Dès le matin, la chaleur était bien présente, et le campus de l'université prit des airs de colonie de vacances. Un peu partout sur les pelouses, de petits groupes d'étudiants s'installaient pour profiter du soleil. Certains avaient emporté leurs guitares avec eux, et l'on entendait, çà et là, monter quelques notes de musique. D'autres encore jouaient au Quidditch, ou à des jeux de ballons probablement moldus que James ne connaissait pas. Rares étaient ceux qui étaient venus sur le campus pour étudier, comme c'était l'intention du Plumentine. Le sport ne l'intéressait guère, et de toute façon, il n'avait croisé personne pour aller lézarder sur les pelouses en bande. La tour de Plumentine était quasiment vide lorsqu'il en était sorti, assez tard : les autres étaient certainement déjà dehors, et il ne restait plus guère que les gros dormeurs à peine éveillés – dont James.

Le jeune homme passa un bermuda kaki et un débardeur blanc, avant de songer que c'était peut-être un peu trop léger et de rajouter par-dessus une chemise rayée qu'il laissa ouverte. Des lunettes de soleil, ses affaires – des cours à réviser et à classer, le journal qu'il recevait chaque jour, un bouquin de droit magique international qu'il devait terminer – et il descendit à la Grande Salle pour un brunch consistant. Les tables étaient encore assez fréquentées : nombre d'étudiants s'attardaient devant leur petit déjeuner, discutant pour fixer le programme de leur journée, ou simplement essayant d'émerger après une nuit festive. Pressé de sortir, James expédia son repas en un quart d'heure ; la dernière bouchée à peine avalée, il sortit dans le parc, hésita quelques instants sur la destination à prendre, et finit par se décider pour le lac. Il y aurait certainement beaucoup d'amateurs de baignade, mais les bords du lac offraient assez d'espace pour tout le monde, et il serait assez facile de trouver un coin calme. De toute façon, il était hors de question de se baigner pour lui, puisqu'il ne savait pas nager ; tout au plus pourrait-il tremper un peu ses pieds, pour profiter lui aussi de l'eau fraîche.

Il lui fallut environ vingt minutes pour trouver ce qu'il cherchait : un recoin libre, mal disposé pour plonger en raison des nombreux rochers qui affleuraient. Des étudiants passaient presque continûment sur le petit chemin, à quelques mètres de là ; de petits groupes étaient installés à quelques mètres de l'endroit que James choisit, mais ils ne faisaient pas beaucoup de bruit : c'était parfait. Le Plumentine posa ses affaires, ôta ses chaussures et s'avança vers le lac pour s'y baigner les pieds jusqu'aux genoux, en mouillant un peu au passage le bas de son bermuda. Un jour, il faudrait vraiment qu'il apprenne à nager – cette pensée le fit frissonner. Comment pourrait-il surmonter son appréhension ? Ce devait être si difficile... Il pataugea quelques instants, songeur, avant de revenir à l'endroit où il avait posé ses affaires, pour s'asseoir en tailleur et ouvrir son journal. Tout en lisant la une, il se rendit compte, soudain, qu'il avait très chaud, et posa son journal pour ôter sa chemise. Le temps qu'il pose le vêtement, un petit coup de brise passant sur le lac passa, ouvrit le journal, puis emporta la page centrale à quelques mètres de là. Cette page faisait partie de celles qu'il ne lisait pas – les résultats sportifs – mais James se leva tout de même pour la récupérer, par réflexe.

* SOLEIL ! *

Ce fut la première pensée d’Amelia-Joëlle Bale en ouvrant les yeux samedi matin. Enfin. Depuis le temps qu’elle attendait le printemps ! Elle bondit de son lit – Non, attendez ! Elle n’était pas dans son lit, mais sur un canapé un peu isolé au fond de sa salle commune. En se frottant les yeux, la jeune femme tenta de se souvenir de la veille. Après cinq minutes de réflexion digne d’une larve, elle abandonna et se contenta de rejoindre sa chambre tant bien que mal. À sa grande surprise, les filles qui y avaient passé la nuit dormaient encore. Un coup d’œil à sa montre fit lever ses sourcils encore plus : 7.00 am. Wow. Comment était-ce possible qu’elle soit levée si tôt ? S’étant couchée aux premiers éclaircissements du ciel, elle était a priori bien partie pour un sommeil de toute une journée, afin de se lever en forme pour la soirée suivante ! Tant pis. Elle en profiterait pour travailler un peu. En théorie. Peut-être. Eventuellement. S’étirant, elle enfila mécaniquement un short et un débardeur, des baskets et fit apparaître une tasse de café. En la sirotant paisiblement, Amy-Jo passa discrètement dans la chambre des garçons et gloussa en voyant le nombre de lits berçant plus d’un dormeur.

* Hmmm… Ce devait être une sacrée soirée. * constata-t-elle en essayant vainement une seconde fois de s’en souvenir.

Elle piqua le casque et l’iPod – sympathique invention moldue – posés sur la table de nuit d’Ian avant de remarquer que ce dernier n’était pas dans son lit. Haha, apparemment les Dorellys avaient aussi passé la nuit à festoyer et Ian devait les avoir rejoint. Sans plus spéculer, la jeune femme se dirigea vers l’extérieur pour rejoindre le Lac de Connemara qui était bordé d’un petit sentier terreux, parfait pour un peu d’exercice solitaire. Entamant sa course, elle laissa ses pensées peu à peu s’effacer pour faire place à une concentration ciblée sur sa respiration et son rythme cardiaque.

Quatre heures et demie plus tard, Amy-Jo se réveillait dans son bain, intrinsèquement contente. Elle se sentait sereine. Si ce n’est que son ventre criait famine. Acquiesçant, elle enfila un maillot de bain – car on ne sait jamais quel malicieux personnage peut vous pousser dans l’eau – et une robe en lin par-dessus, elle se précipita vers la Grande Salle, en attrapant au passage son sac de cours – au cas où.

En terminant son troisième croissant au beurre, la jeune femme jeta un coup d’œil à son agenda avant de le refermer violemment, faisant légèrement sursauter son voisin d’en face. Celui-ci se leva sans plus attendre et se dirigea vers la sortie, apparemment pressé d’échapper à la foule encore bruyante de la Grande Salle. Un sourcil levé, Amy-Jo décida de faire de même ; il faisait bien trop beau aujourd’hui pour travailler. Non, la priorité du jour était sans nul doute d’aller se baigner ! Arrivée au Lac, la Plumentine repéra un groupe de connaissances qu’elle n’hésita pas à rejoindre. Des rires, des sourires, quelques notes musicales s’élevant dans l’air ensoleillé, mais des rayons caniculaires et plusieurs d’entre eux, dont Amy, se retrouvèrent dans l’eau. Flottant à reculons les yeux fermés, elle ne se rendit pas compte qu’elle se distançait du groupe. Soudain, quelque chose lui frotta l’épaule, la faisant tressaillir. Elle ouvrit les yeux et se trouva confrontée à la victoire facile des Caerphilly Catapults contre les Kenmare Kestrels. Intriguée, Amy-Jo saisit la page, un sourire en coin. Pfff, les Kenmare Kestrels, quelle bande d’incapables ! En revanche, étant une pure galloise, elle ne pouvait que supporter les Caerphilly Catapults. Parcourant la description du match, elle ne remarqua pas la silhouette qui s’approchait d’elle jusqu’à –

« Ahem. »

Amy-Jo leva les yeux furtivement, regarda la page de sports et tilta.

« Ah ! Excuse-moi, c’est à toi ? Tiens. Elle est un peu… Complètement trempée. »

Ce disant, elle se hissa hors de l’eau et tendit piteusement la feuille dégoulinante. C’est alors, en regardant l’inconnu, qu’elle fut frappée par un vague sentiment de familiarité… Elle l’avait déjà vu. Oui forcément, dans les couloirs, mais à un autre endroit, plus récent… Mais bien sûr !

« Tu étais en face de moi ce matin, au petit déjeuner. » constata-t-elle à haute voix d’un ton on ne peut plus neutre, sans vraiment s’attendre à une réponse.

| HRP : Si ça te dérange que j’aie manipulé ton personnage, n’hésite pas à me le signaler, j’éditerais ! (: |

La feuille de journal tourbillonna quelques instants sur place puis, comme James allait la rattraper, une bourrasque la poussa un peu plus loin. Le coup classique, en somme. Ce petit manège se répéta trois fois, mais le dernier coup de vent, plus puissant que les autres, entraîna le morceau de journal dans l'eau du lac. Un groupe d'étudiants se baignait un peu plus loin ; ils étaient trop occupés à s'amuser pour s'occuper de James, et lui-même s'efforça de se faire discret, de crainte de déranger. Il descendit donc le talus en pente douce qui menait vers le lac, espérant pouvoir rattraper sa feuille de journal sans devoir entrer dans l'eau ; le relief du terrain et les rochers ne lui avaient pas permis de voir où le papier était tombé exactement. De toute façon, si elle était trop loin, il n'insisterait pas ; il n'aimait pas laisser traîner des papiers dans la nature, mais il n'allait certainement pas risquer de se noyer pour une page des sports.

Arrivé près de l'eau, il se trouva face à une baigneuse, très occupée à lire la page détrempée. Elle ne le remarqua d'abord pas, tant la lecture (pourtant ô combien fastidieuse pour le jeune homme) accaparait son attention. Quel intérêt pouvait-on trouver aux résultats de matches de Quidditch tous pareils ? James resta immobile un instant, dans l'espoir que la demoiselle s'apercevrait de sa présence ; peine perdue, elle ne l'avait pas entendu arriver, et il dut se résoudre à feindre de tousser pour lui faire lever la tête.

Qui était-ce ? Le visage lui était vaguement familier, mais il ne savait plus où il l'avait vue. Avec le peu d'attention qu'il portait généralement aux personnes de rencontre, cela lui arrivait plus souvent qu'à son tour – et surtout avec les filles, d'ailleurs. Il était rare qu'il oublie les traits d'un jeune homme, même s'il ne l'avait croisé que très furtivement; en revanche, avec les filles, c'était une autre paire de manches...

La jeune fille sortit de l'eau, et tendit, un peu penaude, la feuille de journal détrempée à James. Il n'osa pas s'avancer pour récupérer un papier dont il n'avait que faire, et fit un geste du bras pour faire comprendre à la baigneuse qu'elle devrait s'approcher si elle voulait qu'il prenne la feuille. En même temps, il répondait, confus :

-Oh, en réalité, je n'en ai pas besoin, je ne lis jamais la page des sports, ça ne m'intéresse pas. Tu peux la garder si tu veux, un sort suffira à la sécher... Je voulais juste éviter qu'elle traîne n'importe où...

Après tout, si les résultats du Quidditch l'intéressaient... James donnait généralement la page centrale à Thomas, ou à Andrew, amateurs de sport ; pourquoi pas à cette jeune fille ? D'autant que d'après ce qu'elle venait de dire, elle était aussi à Plumentine... Le jeune homme se rappela soudain où il l'avait vue. C'était elle qui, le matin même, l'avait fait sursauter en refermant son agenda d'un coup sec... Il avait failli se renverser la fin de son thé dessus, et avait préféré filer avant que le vacarme ambiant ne lui porte trop sur les nerfs. Il confirma, par politesse :

-Euh... Oui, c'était moi. James Kirkby, quatrième année. Excuse-moi pour ce matin, j'étais pressé...

Pressé de fuir la foule de la Grande Salle et les personnes bruyantes dans ton genre, mais on ne le dira pas.

Plus grand qu’elle – forcément. Tout le monde était plus grand qu’elle. Sauf Prei. Mais en même temps Prei était tout le temps à quatre pattes…. – James Kirkby, 4ème année. Hmmm, c’est donc pour ça qu’elle ne l’avait pas croisé plus souvent. Quoiqu’il était sans doute à Plumentine… Rien de son apparence ne le confirmait mais il avait bien été à leur table ce matin. Non, parce que les élèves ne respectaient pas l’emplacement de chaque table. On retrouvait tous les matins des Cinnacrows chez les Plumentines, des Dorellys chez les Cinnacrow, les Plumentines chez Dorellys et toute autre combinaison possible. Bref. Mais un solitaire à une table autre que la sienne n’était pas du déjà vu… Par pure habitude sans doute, les gens voulant un déjeuner tranquille se dirigeaient automatiquement vers leur propre réserve à café, jus, brioche, croissant, porridge, tartine.

S’approchant de James, elle laissa son regard, discret, parcourir le jeune homme. Pour un mâle, il n’était pas particulièrement grand, ni remarquablement bien bâti, mais sa manière distante lui inculquait des traits empreints de maturité. S’il ne s’imposait pas physiquement, il dégageait tout de même une certaine… froideur ? Non, ce n’était pas vraiment ça. Il avait l’air plus blasé qu’autre chose en fait. Ce qui se fit d’ailleurs voir par le geste nonchalant qu’il exécuta à son égard, communiquant clairement à Amy-Jo que si elle voulait une quelconque interaction dépassant celle du regard, il fallait qu’elle s’approche ; il ne ferait pas le premier pas. Et comme pour accentuer son désintérêt, il précisa – après qu’elle s’eût donné la peine de sortir de l’eau, forcément – qu’elle pouvait garder sa page. Ravalant un soupir, elle se demanda s’il valait mieux le laisser seul ou suivre son instinct sociable et essayer d’enchaîner avec de la discussion… Mais de la discussion sur quoi ? Amy-Jo sentit ses lèvres se pincer légèrement.

Il se donnait des airs de gentleman poli, et semblait même le cultiver ; pas un poil noir sur sa tête paraissait hors de place malgré la brise, le débardeur blanc qui taillait son buste en V semblait avoir été choisi particulièrement pour être associé au short verdâtre qu’il portait et finalement, la chemise sur ses épaules couronnait sa tenue d’une note d’élégance que la jeune femme devinait voulue. Mais James paraissait trop poli pour l’être autant avec sincérité. Sans doute n’était-ce qu’une façade ? Cette interrogation, arrivée de son propre gré, donna à Amy-Jo la raison qu’elle cherchait pour rester. Ou du moins essayer.

« Euh... Oui, c'était moi. James Kirkby, quatrième année. Excuse-moi pour ce matin, j'étais pressé... »

La Plumentine arqua un sourcil. Pressé, disait-il ? Ah oui, vraiment. Pressé de venir glander au bord du lac quoi. Elle hocha la tête sans grande conviction. Hmmm, il ne lui en offrait pas beaucoup, en matière de dialogue. Peut-être était-il, en fin de compte, plus propice de retourner vers ses autres compagnons qui semblaient plus vifs…

Amy-Jo n’eut pas le temps de tourner les talons car ladite vivacité du groupe d’élèves qu’elle avait quitté plus tôt vint les interrompre. Un jeune homme assez costaud – pour le coup, lui semblait cultiver ses muscles plus que sa grâce – sortit de nulle part en hurlant follement. Une impulsion bombée plus tard et - SPLASH ! S’en contrefoutant d’avoir trempé les deux élèves, il s’éloigna d’un crawl pas très perfectionné. Amy-Jo tourna son regard du molosse à l’éphèbe. Ouh lah lah ! Elle étouffa un rire plus qu’amusé.

« Tant qu’à faire, tu ne veux pas aller te baigner, histoire de te mouiller un peu plus ? » demanda-t-elle avec une ironie, mi-figue mi-raisin.

La jeune fille posait un regard froid sur James, qui se demanda ce qui lui valait cette expression pincée. Qu'avait-il fait, ou dit, qui puisse offenser la demoiselle ? Rien, autant qu'il puisse en juger ; rien, sinon qu'il se tenait sur l'herbe, refusant farouchement d'entrer dans l'eau, ne serait-ce que d'un seul orteil. Il aurait pu ôter ses chaussures et mettre ses pieds dans l'eau ; mais il avait si peur de l'eau que cette simple idée suffisait à le braquer. Lorsqu'Enzo était venu et qu'ils avaient pique-niqué au bord du lac avec Aurora, Thomas, Arabella et Harker, il avait fallu un très long moment pour que James accepte de s'asseoir sur une pierre et de laisser barboter ses pieds. Il craignait toujours de tomber, ou d'être poussé, et de se retrouver en fâcheuse posture... D'ailleurs, il observait avec inquiétude les mouvements des autres étudiants autour d'eux ; certains d'entre eux jouaient à se faire des passes avec un souafle, et ils couraient sans prendre garde aux autres ; si un de ces sportifs venait à le bousculer, ce serait la catastrophe... Comme pour se prémunir contre ce désagrément, James recula d'un pas, avant de songer que cela risquait de vexer la jeune fille qui, déjà, ne semblait pas déborder d'affection à son égard. Se ravisant, il refit donc un pas en avant, en se disant que cette fois, il allait avoir l'air d'un parfait idiot. Bon, tant pis... à force, il avait l'habitude. Il avait constamment l'impression de ne pas savoir se comporter lorsqu'il était en compagnie, spécialement avec des inconnus, et il le prouvait une fois de plus.

La fille l'écouta se présenter, eut une espèce de moue dubitative lorsqu'il s'excusa, et négligea de donner son propre nom. Malpolie, estima aussitôt le jeune homme qui avait des principes assez stricts. Elle ne releva pas ses excuses, se contentant de hocher la tête et de jeter un regard furtif en direction d'un groupe d'étudiants occupés à se lancer de l'eau en riant. Des amis à elle, très certainement ; elle devait regretter de ne pas être avec eux, et c'était compréhensible. À force de s'entendre dire qu'il était ennuyeux, James avait fini par intégrer cette donnée. Il serait mieux tout seul qu'avec quelqu'un qui devait le trouver assommant... car il s'en voulait toujours un peu de ne pas être assez sociable. À mi-voix, il suggéra, sur un ton d'excuse :

-Tu devrais peut-être aller retrouver tes amis, ils t'attendent.

Désolé de t'avoir fait perdre ton temps, désolé d'être terne et sans intérêt, dépêche-toi de t'éloigner, telles étaient les paroles qui pointaient sous celles qu'il avait prononcées. Il se disposait à regagner son coin solitaire, sa place finalement, mais il fut stoppé net lorsqu'un garçon, plutôt bien bâti, plongea près d'eux en soulevant de grandes gerbes d'eau. Les deux étudiants se retrouvèrent trempés ; pour la jeune fille, ce n'était pas grave, mais pour James, c'était déjà plus gênant, et plus ridicule... Furieux, il se retint d'insulter le plongeur maladroit, et se contenta de remettre en place ses cheveux trempés et d'essorer un pan de sa chemise. Mais quel con ! Il ne pouvait pas faire attention, non ? Il n'était pas assez malin pour se rendre compte que si des gens ne portaient pas de maillot de bain, c'est qu'ils ne voulaient pas se mouiller ? Et l'autre qui en rajoutait ! Elle semblait toute prête à éclater de rire, et pour cause : il devait avoir l'air d'un imbécile avec ses habits dégoulinants... Elle lui suggéra de se baigner, et il répliqua, sur un ton peu engageant :

-Non, merci, je ne veux pas me baigner. De toute façon, je ne sais pas nager. Mais vas-y si tu veux, je t'en prie, ne te retarde pas pour moi. Tu féliciteras cet abruti pour moi, si tu le revois.

Mauvaise humeur ? À peine... en fait, il était à la fois outré du comportement du garçon, vexé de s'être fait tremper, et un peu peiné sans vraiment savoir pourquoi. Peut-être parce que cette jeune fille inconnue venait, sans le vouloir, sans même s'en rendre compte, de lui rappeler qu'il n'était qu'un type ennuyeux, trop coincé pour savoir s'amuser avec les autres. Un peu radouci, il poursuivit :

-Je vais te laisser t'amuser avec tes amis. Désolé pour le journal.

Et désolé de t'avoir ennuyée. Il chassa d'un geste impatient les gouttes d'eau qui coulaient de ses cheveux, et murmura un « salut » à peine audible. Il n'en revenait pas de voir comme une simple rencontre et un soupçon d'imprévu pouvaient le déstabiliser. Finalement, il serait mieux tout seul, sans cette sensation de ne pas être à sa place parmi les autres.

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