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 « Ce sera si fatal qu’on en croira mourir » [ A qui de droit. ]

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Jade Des Oraisons
C.A.M
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Jade Des Oraisons



 
▌Né(e) le: 21 novembre
▌Pays d'origine: Russie - Belgique
▌Statut: 7ème année

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MessageSujet: « Ce sera si fatal qu’on en croira mourir » [ A qui de droit. ]   « Ce sera si fatal qu’on en croira mourir » [ A qui de droit. ] EmptyJeu 12 Aoû - 20:34

La feuille d’automne,
Emportée par le vent
En ronde monotone
Tombe en tourbillonnant


Il y a des jolis miroirs, dans lesquels on se perd sans cesse, les recoins de notre imparfaite perfection, la perte dans nos propres prunelles qui apparaissent infinies, et on s’étiole, alors que, peu à peu, le gouffre se creuse. Lorsque les traits minutieusement crayonnés pour masquer partiellement une part de réalité, laissent place aux tranchants incisifs et violents de tant de crédibilité de ladite réalité. Brutal éveil que celui de la dégringolade jusqu’aux pieds de son égo, et amère marche que celle que l’on entreprend vers la rédemption. Croiser des miroirs alors met en exergue les sensations vives d’une dérisoire remise en question, comme s’il y avait matière à. Toute pensée se bat, exacerbée, s’effrite, tombe en désuétude et une autre s’empare alors de sa place, s’y installe, dévore l’espace, et après édification et apogée, suit sa déchéance honteuse. Et c’est un cercle insolvable, parce qu’il est parfaitement improbable qu’un seul instant – bénin – soit délivré de tout songe, soit vide et sans entraves. Voilà, le vide. L’absolue pesanteur, le rien essentiel et attendu, violemment désiré. Un néant nécessairement bordé de l’incommensurable pression vengeresse de l’amas souqué des obscènes pensées.
Il y a des miroirs dans lesquels brillent les inclinaisons spatiales idéales d’un corps que l’on a porté à cette despotique perfection – il y tend, tout du moins. C’est un pâle portrait, qui témoigne de l’épiderme nacré, et surréel son lisse auréolé, du crin clair, raidi, galbé, à leur relative obscurité. Les lignes peu ou prou inclinées, d’un anticlinal nasal ou d’une arcade, d’un menton, d’oreilles, de tempes, et de tout le reste s’il s’agit d’une glace en pied. Là, on discipline ce qui ne l’est pas – vaguement comme les élèves bruyant d’une classe, que l’on change de place, bien décidé à les dresser, on élimine ce qui est excessif, excédentaire – comme les individus rebelles d’une classe – et on lisse ce qui le doit être. Là, on attend sans rancune la satisfaction qui se laisse attendre, pointe le bout de son nez, furtif. Ca, se sont les miroirs qui précèdent les journées, et plus longuement encore, les soirées, qui doivent se poursuivre au dehors. Ca, se sont des miroirs à briser, qui frappent, qui étranglent, qui pousse à la déchéance. Oui, mais ce sont des miroirs au sein desquels on existe – Et plus important que la vie encore, il est besoin d’exister.
Il y a des miroirs qui donnent à ce qui est ainsi croqué au fusain, à l’aquarelle, un débordement dans un sens ou l’autre, l’étirent, l’étriquent, le strient, le renversent. Ils déchirent sans scrupules les principes et fondations théoriques sur lesquels nous basons notre perception des apparences. On se sent gonflé et étroit, comme maladif, court, déhanché, renversé, maladroit, réduit. Ce sont des déformations qui rebondissent, et, par la frayeur de cette perte absolue de repère, ravivent le rire, l’éclat, partagé, angoissé.
Il y a un miroir qui n’a d’autres songes que d’émietter, avec une froide indifférence, l’intégrité de ceux qui lui font face. A leurs yeux ébahis, il démontre les vicissitudes et les vicieuses faiblesses de leurs philosophies rongées de désir, il leur affiche l’idéalisée peinture aux sombres arabesques de leur immanquable envie la plus chère. Le miroir réside dans une salle du rez-de-chaussée. Une pièce dite à revers de médaille. Parce qu’alors que le plaisant, le jouissif imbibent l’observateur curieux, qu’ils consument ses tissus, qu’il enflamme sa gorge, quelque part s’insinue ce qui fera cracher l’amer et l’effroi. Parce que le don n’a pas d’envergure, pas de choix, pas de raison. Et les intérêts se croiseraient, et comme il n’est pas aisé de saisir l’importance de ce que l’on possède, par rapport à ce qui nous a été ôté, on glisse avec inadvertance dans la spirale délétère de l’orgasme de possession. De là, on ne sort plus, c’est à la lisière de la capacité de l’entendement humain. Nous sommes armés et à la merci de nos aspirations – vaines – et elles sont prisons au cœur même de l’être. Existons en silence, quelque peu.
Et puis, il y aussi une surface ondulante et voilée, claire, aux nuances azurées, qui renvoie un reflet flou et épais. C’est une façade étendue, horizontale, bordée selon certaines variations. Enchevêtrement de galets et de pierres moins usées, parfois en pente d’herbes câlines ou voraces aux plantes de pieds naïves et dénudées, d’autres fois escarpées, à la terre fuyante, ou ombrée d’arbres larges, masquée de roseaux, ourlée de fleurs gamines et timides, même si affriolantes, dansant parfois aux allers et venues des vents légers. De temps à autre, on brise cette surface avec des gerbes infimes, le tissu se perd en myriade de petites perles grisées, rutilantes, s’ébrouent dans les remous des zéphyrs, parfois, s’effritent encore et se mêlent à l’air en mouvement, d’autre retombe simplement, chevauchant le vide, jusqu’à se refondre dans la masse : Ils ont comme échoué, retrouvent l’affligeante banalité d’un commun épais, et immobiles, dans l’incapacité d’avancer. Parfois, on glisse simplement les doigts sur l’étoffe, qui se fend pour les accueillir et se referme à sa suite, se fait caressante et délicate. Quelques ondes se propagent, puis tout se tait.
Parfois, on y fait rebondir une petite pierre plane qui viendra accrocher l’opale satinée d’un visage vague.

Que l'aspect permanent de vos pâles ténèbres,
- Si ce n'est, par un soir sans lune, deux à deux,
D'endormir la douleur sur un lit hasardeux.


Assis au sol, sur un ersatz de plage, en ayant la forme, de sable, de gravier, de galets, mais bien maigre, peu agréable aux pieds nus, Jade crayonnait dans le sol, lentement, de ses doigts d’aristocrate, et anguleux de pianiste. Ses iris fuyaient les contours trop définis, les remplaçaient par des traits indécis, eux-mêmes fuguant, lâches. Son torse, son dos, ses épaules supportaient le tissu simple d’une chemise plutôt légère, en dépit du temps qui oscillait, ces derniers jours, et n’offrait que quelques éclaircies, ces poussières d’espoir rayée, bafouée avant que de laisser naître une espérance de chair et d’os, ne laissant qu’envisager pour mieux broyer. Chemise de lin gris blême, d’un éther insolent et calme, pourtant. Un pantalon de jean, sombre, et sobre, finement coupé pour s’accorder parfaitement à sa taille. Ses accessoires reposaient à son côté, cadavres. Une chainette en or blanc, une écharpe beige et humide, ses chaussures. L’aube n’était même pas encore éveillée, l’ombre de la nuit s’étendait largement, rendait les flots effrayants d’obscurité, alors que, loin à l’est, l’astre avait encore les paupières closes, sous sa couverture épaisse. Les témoins de vie aquatiques à toute heure faisaient clapoter l’eau sur les petites pierres de la berge, juste aux pieds du garçon. Heureusement pour ses prunelles, le noir l’empêchait d’apercevoir quoi que ce fut, au loin, les formes elles-mêmes se devinaient seulement et attendaient la clarté du jour pour laisser leurs détails se produire sur la scène du Lac. Comme un théâtre à chaque matin, avec force grandiloquence dans une exaspérante simplicité reposante et envahissante.

Embourbé de cauchemars sans résonnance, affaissement, éboulement, cris d’exubérance que personne ne peut saisir seulement, tant ils retentissent de silence. Après avoir ralenti, à chaque passage davantage devant la porte du rez-de-chaussée, il l’avait entrebâillé, puis entrouverte, puis poussée, jusqu’à se retrouver, esseulé, et tremblant, face au miroir qui se faisait hantant, vicieux, qui l’étranglait consciencieusement, lui exposant sans ambigüité l’ampleur décadente de ce qui lui manquait, et, surtout, qu’il n’existait rien dans son succédané d’âme qui ait davantage de valeur. C’est la nuit entière qu’il avait trainé là, plus loque à chaque seconde, piteux, opprimé, écrasé, purement cafard. L’entité innommable brisait ses entrailles, torture sans nom, sonnait sentence, le faisait pantin. Et au-delà même du vide qui se creusait en lui-même, être l’objet impudique de cette situation où, de sa hauteur et son orgueil, il s’était écoulé, retrouvé cadavérique, face au sol, la joue marquée des sillons du carrelage.
L’angoisse est traitre et affolante, elle frissonne, elle jubile, tord, griffe, arrache, folie.

Non loin de lui, bruissement. Ses tourments se sont graduellement affaiblis, laissant un voile d’effroi et de tourment tenant ses nerfs incandescents. Posant, avec précaution, ses pieds à plat sur la plage de gravier, il épousseta sans bruit ses vêtements, et son jean, enroulé au bas des jambes, jusqu’à mi-mollet, et fit quelques pas, les sens aux aguets, comme si l’on avait pu le menacer, ici et maintenant. Ses prunelles, qui tentaient d’éviter tout dessin concret, se mirent à chercher, presque avidement, une silhouette, des courbes formant un corps – ou deux, ou davantage, quoique le peu de son fut évocateur de peu de présences. Elles déchiraient l’ombre, pour déceler ce qui se cachait dans sa protection facile.
Elle lui était sourde. Il lui était aveugle.
Mais ce ne furent pas les yeux qui l’informèrent de l’identité de celle qui se trouvait non loin – vraiment non loin, désormais, il entendait son souffle, n’aurait su le qualifier, sinon de perceptible et familier. Non, ce qui le fit pivoter pour faire face à l’étendue froide, à la lisière de l’eau, telle que ses pieds en soient humides, ce furent les effluves capiteux, les émanations exaltantes qui n’avaient qu’un nom. Blanche. Des sens infinis.

Et, comme tout son corps était violence glaciale, que chaque relent l’envahissait et attisait ce douloureux brasier, sa voix défaillante lâcha, sans aucun consentement de son esprit.

« Lâche »

Elle lui était fragrances. Il lui était timbre.


Je demande à ton lit le lourd sommeil sans songes
Planant sous les rideaux inconnus du remords,
Et que tu peux goûter après tes noirs mensonges,
Toi qui sur le néant en sais plus que les morts.


Dernière édition par Jade Des Oraisons le Jeu 7 Juil - 23:58, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: « Ce sera si fatal qu’on en croira mourir » [ A qui de droit. ]   « Ce sera si fatal qu’on en croira mourir » [ A qui de droit. ] EmptyDim 6 Mar - 23:00

[ Nous sommes le sept, Evidemment ]

Chaque fragment, armé de mille délicatesses, se fige, crépite sur sa peau, entre ses doigts, le long de sa nuque, surtout, et dans le creux de ses poignets. Ses paupières ont ignoré un monde qu’il ne percevait déjà que trop. Le moindre de ses mouvements lui semblait abîmer l’air, le déchirer, quelle que fut la tendresse qu’il employait. L’eau ne lui était pas inconnue, chacun de ses relents lui était familier, il chu.

Se couche dans ses murs l'homme, son ennemi.


-

Naïvement, elle courbait ses lettres sur le soyeux papier, ses mots n’avaient de cesse de s’allonger, ses phrases s’étendaient. Parfois, un propos lui arrachait un sourire, ses yeux quittaient la feuille, caressaient les dessins de réalité que la fenêtre tentait vainement de masquer, puis retombaient, sans perdre leur entrain, et la plume poursuivait son ballet. Ses pensées s’entrelaçaient sans mal aux mots, les nourrissaient de sens quand ils n’étaient que coquilles, ils renaissaient sous nouvelle teinte et nouveaux sons. Et c’en était ainsi à chaque instant, lorsque sa plume les gratifiait d’une calligraphie, lorsque ses lèvres les formulaient à l’adresse d’un professeur, ou au creux d’une oreille, lorsque sa voix se faisait chant, et surtout, lorsque ses doigts les traçaient le long du dos soyeux de Jade, à l’encre pur de son désir. Ce dernier quant à lui n’avait d’autre choix que d’entamer avec les mots un jeu de force douloureux. Là où elle faisait fondre ensemble des substances et des termes, là où les uns servaient les autres, tête haute, dans une générosité chaleureuse, lui hoquetait. Il fallait plier le sens aux lettres, forcer les lettres à l’essence, sans cesse s’acharner pour que le terme-perfection se crée, s’illustre, se façonne. Pourquoi cette violence, cet incessant acharnement quand les palabres s’écoulent de toutes les lèvres comme dressées par chacun, à sa manière, sans difficulté. Il y a les propos tout emprunts de glace, les cisaillements de d’Orcy, les délires d’un Lyngheid, le cru de Dimitrov, les vacuités des Plumes, les emphases des directeurs, il y a surtout l’inerte perfection des murmures de Blanche. Chacun dompte ses phrases, ses tons modulés. Mais lui échouait inlassablement dans un éternel affrontement, avec ces mots qui ne traduisent guère la pensée, et ces pensées qui n’acceptent guère de s’extraire des mots. Ne restait qu’à se taire, et puis se glisser dans le silence, et puis lire ce que des doigts affables voulaient bien écrire aux alentours de sa nuque, jusqu’aux creux de ses reins.
Ses prunelles suivaient les mouvements graciles des poignets depuis longtemps déjà, là où elles auraient du s’incliner sur un livre que les mains de pianistes maintenaient inutilement ouvert. Il avait avalé les mots, distillé leur sens, jusqu’à ce que son esprit se fasse un peu trop évaporé, lorsque ses paupières se mirent à osciller. Peu à peu, ces mêmes prunelles avaient suivi la chute de l’astre céleste au travers des carreaux, alors que la pièce expulsait au dehors ses tardifs occupants. N’en restaient plus que deux. Une horloge, rafistolée par un deuxième année plutôt malhabile, indiquait vingt-trois heures trente-deux lorsque Jade ferma son livre, et se redressa, avec une lenteur ankylosée. Face à la fenêtre, immobile, il attendit que ses jambes reprissent du service, avant de s’approcher de la chaise qu’occupait Blanche, toujours concentrée, les sourcils très légèrement froncés. Avec une étrange prudence, de ses premières phalanges, il effleura la nuque de la jeune femme. Cette dernière frémit, un sourire vint étirer ses lèvres. Un relent impalpable sembla remonter le long des bras de Jade, pour exploser dans ses épaules, onde de plaisir qui saisit son dos. Tandis que la jeune femme faisait mine de rester concentrée sur son ouvrage, les doigts de Jade suivirent la courbe de ses épaules, caressants, l’effleurant tout juste, à peine, oiseaux volages, futiles. Il encadra ses coudes, vola sur ses poignets, dans le creux desquels il s’attarda un long instant, puis saisit ses doigts, les enferma dans les siens. Son visage se trouvait juste au niveau de la longue chevelure de Blanche, dont il respira les effluves, les yeux mi-clos, glissant derrière son oreille gauche, que ses lèvres caressèrent. Ses doigts s’ouvrirent pour libérer ceux de Blanche, pour s’entrelacer avec eux, au cours d’un tango gracile, tandis que sa bouche venait se poser dans le creux de sa clavicule, sur sa peau pâle et nette, d’une intense douceur qui lui fit fermer les yeux. A la vue de ceux-ci s’offraient pourtant la base de son cou, sur lequel reposait une chaîne d’ouvrage extrêmement fin, d’or blanc, et les formes naissantes, arrondies, à travers le lin gris. Blanche releva la tête, laissant le visage de Jade s’égarer dans son cou.

Le monde est vieux, bien sûr, mais l'aube n'a point d'âge.
Les jours sonnent, vêtus comme d'amples secrets.
Au-delà de tes mains, l'heure en vagabondage
Imprime à chaque élan on ne sait quoi de frais.


-

On résiste bien mal à ce à quoi l’on ne s’attend pas. Non qu’on ne tente pas, mais tout se suspend, implacable. On vacille, infailliblement, on s’égare. Les sabliers sont capricieux, ils coulent comme ils le veulent, inconscients, volages, opiniâtres surtout. On voudrait lui enjoindre, au temps, de décélérer, de réfréner cette attitude déchainée des plus beaux instants. Au lieu de quoi, on larmoie, suppliants, on s’irrite, tourmentés, et lui ne nous écoute pas, obstiné, peu enclin à prendre en considération nos revendications. A cet instant, il s’était appesanti pourtant, maintenait le corps arqué au dessus de l’onde reposée. Il aurait du profiter de cette suspension, quasi-éternelle, expression imbécile, pour saisir l’ampleur de la situation, tout ce que cela pouvait avoir de signification, et tout ce qu’elle n’en avait pas. Mais le fil des pensées s’était lui aussi trouvé amoindri, comme élastique, plongé dans un univers épais et dense, dans lequel il était malaisé de se mouvoir. Sa raison se faisait fuyante. Il y avait tant de rage dans ces deux mains qui s’imprimaient dans son torse et dans son épaule. Nulle part ailleurs ne pouvait écumer une telle furie, une telle passion, que dans l’éréthisme des doigts exaltés, qui soudain crachaient et ne pouvaient se taire, d’une frénésie fiévreuse qui n’avait d’égal que la suavité des souvenirs que le simple contact de ces paumes - qui autrefois parcouraient tout le même corps en pleine liberté – avait éveillé dans un esprit embrumé et honteusement ralenti par les lubies du temps. Elle ne l’avait pas touché au ventre, mais celui-ci retentit de toute la douleur que le transport contenu dans l’acte faisait pénétrer dans son corps et dans son âme. Il était habité de néant, soudain, d’une clameur silencieuse, d’un cri sans voix, d’une lourde envolée. Tout s’échappait de lui, excepté un amas chaotique, une mosaïque de tout et de rien, au goût infâme, d’une tendresse si forte.

Et de coucher leur vie à leur ombre éternelle.


Ses doigts se fermèrent sur le maigre poignet, sans qu’il en eût conscience. Pas de raison, presqu’une réaction-réflexe mais à dire vrai, pas exactement. Il n’avait pas réellement d’autre choix. L’extrême pureté de ses os agencés avec grâce n’avait guère d’égale. Mais Jade ne fut pas sans remarquer que leur forme et leur taille s’étaient modulés, il avait maigri, se faisait plus fragile encore, plus osseux et moins doux, certainement. Sa peau lui semblait usée, plus sèche peut-être, ancien parchemin plutôt que le satin qu’il lui connaissait. Qu’il lui avait connu. L’évidence s’inscrivait, il n’avait pas à faire à la même personne, pas même à la même âme, les images tentaient de s’agencer, mal, les sensations se heurtaient, sans qu’il lui soit possible d’extirper ni présent, ni révolu, ni perspective. Comment ces maigres os pouvaient-ils porter en eux l’âpreté d’une telle histoire, comment présent et passés pouvaient-ils s’allier ainsi, se nouer, inextricables, violents, dans un corps à l’état de fétu ? Evanouies les délicatesses indécentes, l’exquise caresse, l’étreinte toute gorgée d’une infinie tendresse. L’insoutenable légèreté qui naissait de l’inexorable chute de deux êtres, perdu l’un à l’autre, n’était plus ici qu’une maladroite avalanche, que la lourde débâcle de ces deux extraits de chairs. Il lâcha les os qu’il craignait de rompre, mais il était déjà trop tard. Rien ne pourrait retenir le corps fragile sur la berge, et déjà son propre bras droit touchait l’eau. La perte d’équilibre et le poids de Jade établirent un délai entre les deux chutes. Les bras de l’homme devenu pantin s’ouvrirent en réceptacle à la poupée de chiffon.

Leur silence est ailé comme un oiseau qui dort.


S’il t’était possible de mesurer l’étendue du mépris que je nourris à ton égard, et le peu de haine qu’il m’est possible de ressentir. Oui, c’est ainsi vois-tu, je ne te hais point, je ne le puis, tout cela m’est interdit. J’ai pour toi tant de dégoût, ton prénom est acide à mes lèvres, tes relents amers à mes souvenirs, j’ai tant d’écœurement à ta pensée, même à oser fredonner des morceaux qui t’étaient chers, même à poser les yeux sur l’un des livres dont tu te nourrissais. Il a fallu laisser choir derrière moi des milliers d’univers où tu avais laissé l’un de tes éclats, j’ai tant de mépris pour vous. Tu es restée fichée dans chacun de mes songes, dans chacun de mes éveils, entre mes doigts, dans ma nuque, par la haine que tout en lui éveille. Sache goûter l’effroi dont je m’éveille à chaque instant.

Ils portent le ciel à bout de bras
Ils tranchent les amarres du jour
Ils sont au bord du monde
Le ciel tombe à leur place

L’onde était glacée, et son corps incendié.
A nouveau, l’éternité fit mine de se figer alors que les remous s’amusaient à voir transir chaque fragment de Jade. Ses nerfs n’avaient pas de repos, et se faisaient douleur de tant de sensations inconciliables. On se sent envahir, on se sent suffoquer en dehors du temps, happé en un lieu où le sable ne défile plus devant les yeux ahuris, guindés de larmes des enfants grandis. Le corps de la jeune femme avait fendu l’air, puis l’eau, pour heurter violemment le torse de Jade, lui coupant le souffle, alors qu’il refermait ses bras sur son dos fragile, serrant bien plus fort qu’il ne l’aurait du, absolument incapable de s’en abstenir. Ses pensées engourdies le laissaient en proie aux pulsions enhardies. Il ne pouvait lâcher cette silhouette, qu’il lui avait semblé connaître à la perfection, et qu’il peinait aujourd’hui à identifier. Le doute n’était pas permis et pourtant, tout lui semblait étranger, dans la brutalité de l’étreinte et la révolte ardente qui suintait du corps de celle que rien n’aurait du l’empêcher d’avoir. Son être lui semblait incandescent. Ses pieds heurtèrent violemment le sol pierreux du fond du lac, une arrête saillante lui incisa la plante de pied, tandis qu’il fléchissait les genoux pour se donner une impulsion et remonter à la surface. L’air, noir encore, vint abreuver ses poumons, comprimés, et il sentit se gonfler avec volonté le corps qu’il tenait contre son torse. Le fil du temps se déroulait comme à contrecœur, les instants se succédaient, hésitants, précis, trop. Etourdi, ses paupières s’ouvrirent sur la toile mouchetée, dont il tenta, dans sa sobre ivresse, d’identifier les dessins, vaine entreprise. Un fin liseré blanc commençait à croitre, au loin, ceignant le ciel de son doux dessin. L’environnement laiteux n’avait de précis que les battements du cœur, vifs, tout contre le sien. Hagard, vaguement éperdu, il suffoquait de raison, noyés par les sensations-souvenirs virulentes qui le saisissaient au contact de cette peau si longtemps refusée. Il inspira profondément, en quête de clarté, lourde erreur. Le parfum de Blanche lui étrangla les narines, il retint un mouvement de rejet, quasiment formaté, durant de longs mois de façonnement d’une nouvelle conduite. Inconscient de la force de son étreinte, il maintenait le corps dont il avait été privé tout contre lui, armé d’une indicible perte d’espoir, égaré dans l’ombre qui les enlaçait. Libérant toutefois l’un de ses bras, il s’obligea à quelques mouvements, débris d’un ancien instinct de survie, les rapprochant de la berge, juste un mètre, suffisant pour que leurs pieds se posent sur une surface stable, entre gravier et sable. Enfin, dans un sursaut de lucidité, il desserra son bras, et les courbes qu’il sentait au travers des tissus trempés s’éloignèrent, très peu, infimement. Il pouvait sentir, toute proche, la respiration saccadée de la jeune femme, le son roide, et le souffle chaud sur sa joue. Il ne pouvait la voir, ne la devinait que trop bien. Son bras, figé, ne pouvait se résoudre à la lâcher, il s’était engagé dans un combat acharné, à l’encontre de lui-même, à l’encontre de cette épiderme, de cette étoffe tout contre lui, de ce sang aussi, qui n’avait de cesse de s’écouler. L’eau s’apaisait, progressivement, autour d’eux, miroir au drap sombre du ciel, et chacune de ses respirations aspirait les relents qui se dégageaient des cheveux humides, lâche torture.

« Blanche … »

Souffle exquis, violent, comme un hoquet, murmure, dont il ne savait que faire. Son palais en brûlait, son acharnement contre lui-même le consumait.
Il y a des lèvres qui se referment sur un cou diaphane, glacé, humide.

Le Mistral et le froid ont embrassé un corps,
Pour le transporter aux limites de la vie.
Entre leurs mâchoires, le frisson de la mort
A saisi de sa glace un rebelle insoumis.


-

Leurs doigts toujours liés, il pivota le long de son épaule, et embrassa son cou, tandis que de son sein s’échappait un rire tout de cristal, auquel il répondit par un divin sourire, et une caresse de ses lèvres sur sa seconde clavicule.
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